b) Analyse de substituabilité sur le segment des offres d'accès
aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit
Afin de délimiter le contour du marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit, l'Autorité a étudié le degré de substituabilité des offres d'accès à la boucle locale cuivre :
― entre les différents types de dégroupage ;
― avec les offres d'accès au câble coaxial ;
― avec les offres d'accès haut débit activées.
(1) Substituabilité entre différents types de dégroupage
Le dégroupage cuivre est un terme générique recouvrant plusieurs types d'accès dégroupés à la boucle locale cuivre. On peut ainsi distinguer dégroupage partiel et total, d'une part, et dégroupage de la boucle locale et de la sous-boucle locale cuivre, d'autre part.
Ces quatre modes de dégroupage correspondent à des demandes globalement assez proches. Elles supposent en effet un niveau comparable d'investissements de la part de l'opérateur, en termes de raccordements et d'équipements, et les mêmes savoir-faire technologiques. Elles permettent de plus de proposer au client final les mêmes catégories de services :
― le dégroupage total suppose les mêmes investissements en termes de capillarité du réseau et d'installation d'équipements actifs que le dégroupage partiel, tout en permettant à l'opérateur de proposer des services supplémentaires à son client ou de s'affranchir d'un abonnement au service téléphonique commuté, éventuellement auprès d'un opérateur tiers, en sus de son abonnement haut débit ;
― en raison de la longueur de la sous-boucle qui reste importante en France, l'injection du signal au sous-répartiteur ne permet pas de proposer à une majorité de la population du très haut débit, mais seulement du haut débit plus performant. Par ailleurs, en dehors des zones rurales ne bénéficiant pas de débits élevés, il ne semble pas exister de demande pour des solutions techniques fondées sur le dégroupage de la sous-boucle.
Du côté de l'offre, un opérateur proposant l'un de ces modes de dégroupage est nécessairement en mesure de proposer les autres car ils constituent, en pratique, des déclinaisons d'une seule et même opération physique. Ces quatre offres sont fondées sur la même infrastructure technique, difficilement duplicable par un nouvel entrant, en raison des coûts de génie civil.
Du côté de la demande, les quatre modes de dégroupage cuivre définis ci-dessus apparaissent donc comme substituables.
L'Autorité considère que le marché pertinent d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire à délimiter est celui, s'agissant de sa composante relative à la boucle locale cuivre, des offres d'accès dégroupé, total ou partagé, à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.
(2) Substituabilité avec les offres d'accès au câble coaxial
Les réseaux câblés (c'est-à-dire reposant sur des infrastructures en câble coaxial) ont été initialement déployés par les câblo-opérateurs pour la diffusion de contenus télévisuels. Ils furent ensuite adaptés pour offrir aux abonnés un accès haut débit à Internet. Concrètement, les canaux montant et descendant dédiés aux échanges Internet sont aujourd'hui partagés entre plusieurs abonnés, à l'échelle de l'immeuble ou de quelques maisons. Le câblo-opérateur gère alors l'allocation dynamique de bande passante entre chaque abonné du groupe.
Du fait de cette architecture, le dégroupage du réseau local de câble coaxial ne peut s'envisager, notamment pour des contraintes liées à des questions d'amplification du signal, dans des conditions techniques et économiques comparables au dégroupage de la boucle locale cuivre.
Il n'existe d'ailleurs pas à ce jour, en France ou à l'étranger, d'offre de type « dégroupage » proposée par les câblo-opérateurs, chacun exploitant en propre l'ensemble des accès construits sur son réseau. Au regard des investissements nécessaires aux câblo-opérateurs pour ouvrir leur réseau d'accès à d'autres opérateurs, il est peu probable que la situation évolue à l'horizon de cette analyse.
L'Autorité estime ainsi que le dégroupage des réseaux de câble coaxial n'est pas substituable au dégroupage de la boucle locale cuivre. Il convient en conséquence de l'exclure du périmètre du marché objet de la présente analyse.
(3) Substituabilité avec les offres de gros d'accès haut débit activées
Comme le souligne la Commission, une offre d'accès passive comme le dégroupage de la boucle locale cuivre donne aux opérateurs alternatifs une plus grande liberté dans l'étendue des services proposés à leurs clients et dans leur tarification.
En effet, l'opérateur alternatif gère l'ensemble des éléments actifs du réseau permettant de fournir le service au client final, notamment les DSLAM. L'opérateur dispose ainsi d'une grande capacité d'innovation et de différenciation, particulièrement cruciale sur des marchés à évolution technologique rapide comme les marchés du haut débit. Par ailleurs, cela permet une indépendance industrielle et commerciale des opérateurs.
Les offres de gros d'accès haut débit activées sont quant à elles des offres plus intégrées, dans lesquelles les opérateurs clients utilisent des accès du réseau d'un autre opérateur. Ils sont donc soumis aux choix techniques de l'opérateur qui leur propose les offres et ont une latitude plus limitée à se différencier.
De ce fait, la substitution entre ces deux offres sera, du point de vue de la demande, limitée à une substitution asymétrique des offres de gros d'accès haut débit vers les offres d'accès passives, qui correspond à la recherche d'une plus grande capacité de différenciation et d'innovation. Ces deux types de produits n'apparaissent pas interchangeables.
Par ailleurs, l'Autorité note que pour l'ensemble des autres technologies d'accès (Wi-Fi, Wi-Max, satellite, courants porteurs en ligne...), des offres passives d'accès se limiteraient à des offres d'hébergement sur des sites d'émission. Toute autre offre de gros fondée sur ces technologies serait donc une offre de d'accès activée. Dès lors, le dégroupage de la boucle locale cuivre et les offres d'accès sur technologies alternatives n'apparaissent pas interchangeables.
Au terme de cette analyse, l'Autorité estime que le dégroupage de la boucle locale cuivre n'appartient pas au même marché que les offres de gros d'accès haut débit activées livrées au niveau infranational.
c) Analyse de substituabilité sur le segment des offres d'accès aux infrastructures
physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit
Afin de délimiter le contour du segment des offres de gros d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit, l'Autorité a étudié le degré de substituabilité des offres d'accès aux infrastructures de génie civil des opérateurs :
― avec d'autres supports physiques pouvant accueillir ou supporter des réseaux de communications électroniques très haut débit et plus précisément :
― avec les offres de mise à disposition d'appuis aériens ;
― avec les offres de fourreaux des collectivités ;
― avec l'occupation de galeries visitables des réseaux d'assainissement ;
― avec des offres empruntant d'autres réseaux d'infrastructures ;
― avec les offres passives de mise à disposition de fibre optique des opérateurs ;
― avec les offres passives de mise à disposition de fibre optique des collectivités.
(1) Substituabilité avec d'autres supports physiques pouvant accueillir
ou supporter des réseaux de communications électroniques
Substituabilité avec les offres de mise à disposition d'appuis aériens
Le déploiement d'une boucle locale peut se faire en aérien notamment par l'utilisation de poteaux. Cette méthode de déploiement peut concerner aussi bien le réseau de transport, de distribution et de branchement.
Le déploiement d'un réseau en aérien est moins coûteux qu'en souterrain. Dans le cadre des travaux du Comité des réseaux d'initiative publique (CRIP), les acteurs ont été amenés à fournir des fourchettes correspondant aux différents types de pose du génie civil (6). Il en ressort un coût d'environ 25 € par mètre linéaire en aérien, contre plus de 120 € en souterrain en zone urbaine dense. En revanche, la pose en aérien ne présente pas la même sécurité pour les réseaux et les interventions sont plus complexes. Ceci peut générer des coûts d'exploitation et de maintenance plus importants.
Le choix du mode de pose des réseaux secs existants (téléphone, câble, électricité) entre aérien et souterrain se fait en fonction du coût à la prise et des contraintes de déploiement. Des acteurs soulignent dans leur réponse à la consultation publique sur les fourreaux que si la pose de réseaux fibre optique en aérien est moins coûteuse qu'en souterrain, elle risque de ne pas être autorisée pour le déploiement d'un réseau fibre là où il existe des réseaux souterrains.
L'AVICCA précise à cet égard qu'en milieu urbain, et de plus en plus en milieu périurbain, voire rural, les collectivités refusent les nouveaux déploiements de poteaux, et ont d'ailleurs lancé des programmes d'enfouissement. L'utilisation des appuis aériens en zone urbaine est dès lors généralement interdite par les règles d'urbanisme. Au surplus, certains contributeurs soulignent que si un déploiement était théoriquement possible, il demeurerait soumis à des règles d'ingénierie contraignantes. Appui aérien et génie civil souterrain apparaissent ainsi exclusifs l'un de l'autre. La possibilité d'une utilisation des réseaux aériens ne saurait donc être envisagée que de manière provisoire et limitée.
Néanmoins, du fait de l'imbrication entre dessertes souterraine et aérienne, le CETE de l'Ouest propose dans sa réponse à la consultation publique sur les fourreaux de définir un marché national de la mise à disposition d'infrastructures d'accueil pour le déploiement des câbles de communications électroniques dans la boucle locale. A l'intérieur de ce marché, deux marchés distincts pourraient éventuellement être définis, l'un relatif aux fourreaux et l'autre aux appuis aériens.
Il résulte cependant de ce qui précède que les modes de déploiement entre aérien et souterrain au niveau de la boucle locale sont exclusifs, le second mode concernant les zones les plus denses. Aussi, les cas de substitution entre des offres de mise à disposition des infrastructures correspondantes sont quasi inexistants en pratique et un opérateur souhaitant avoir accès à ces infrastructures ne pourra donc pas les mettre en concurrence. Au niveau national, les projets de déploiement en fibre optique des opérateurs ne concernent au surplus que les zones les plus denses à l'horizon de la présente analyse.
L'ARCEP estime donc que les offres de mise à disposition d'appuis aériens ne sont pas dans le même marché que les offres d'accès aux infrastructures de génie civil.