Articles

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0835 du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché)



I. ― INTRODUCTION


Dans les développements ci-après, l'Autorité procède à :
― la délimitation du périmètre du marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ;
― l'analyse de l'état de la concurrence et de son évolution prévisible sur ce marché afin de désigner, le cas échéant, le ou les opérateurs y exerçant une influence significative ;
― la détermination des obligations imposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.


1. Le processus d'analyse des marchés


Le processus d'analyse des marchés consiste, conformément aux dispositions des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et des communications électroniques (CPCE) :
― à déterminer la liste des marchés du secteur dont les caractéristiques en termes de développement de la concurrence justifient l'imposition d'un dispositif de régulation spécifique ;
― à désigner, le cas échéant, les opérateurs disposant sur ces marchés d'une influence significative ;
― à fixer les obligations spécifiques, adaptées et proportionnées aux problèmes concurrentiels constatés.
L'analyse menée par l'Autorité vise, en vertu des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, à analyser l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés et à en déduire les conséquences en termes d'obligations réglementaires.
Dans ce cadre, et conformément aux articles L. 37-3 et D. 301 du même code, l'Autorité recueille l'avis du Conseil de la concurrence, soumet son projet de décision à consultation publique, et le notifie à la Commission européenne et aux autorités de régulation nationales (ARN) des autres Etats membres.
Au terme d'un premier cycle d'analyse de marché correspondant au processus décrit ci-dessus, l'Autorité a adopté les décisions n° 2005-0275 et n° 2005-0277 du 19 mai 2005, et a mis en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. Ces décisions sont arrivées à échéance le 1er mai 2008. C'est pourquoi l'Autorité a conduit un deuxième cycle d'analyse des marchés.
L'Autorité mène ici l'analyse du marché de gros de la « fourniture en gros d'accès (physique) à l'infrastructure du réseau (y compris l'accès partagé ou totalement dégroupé) en position déterminée ». Il s'agit du quatrième marché listé en annexe de la recommandation de la Commission européenne en date du 17 décembre 2007.
Conformément à l'article 7 de la directive « cadre » et à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité étudie la délimitation de ce marché, désigne, le cas échéant, le (ou les) opérateur(s) y exerçant une influence significative et, enfin, au regard des problèmes et obstacles au développement d'une concurrence, impose les obligations.
Conformément à l'article D. 301 du CPCE, l'Autorité a publié le 19 décembre 2007 un document de consultation sur l'analyse des marchés de gros du haut débit et du très haut débit.
Dans ce document, après avoir analysé la situation concurrentielle prévalant sur chacun des marchés de détail et de gros du haut débit, l'Autorité a proposé une délimitation des marchés pertinents. Elle a ainsi proposé une définition du marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ainsi que des marchés de gros des offres d'accès haut débit activées livrées au niveau infranational. Sur chacun de ces marchés, elle a proposé une analyse conduisant à la détermination de l'entreprise exerçant une influence significative sur le marché et a soumis à consultation une liste d'obligations qu'elle estimait proportionné et justifié d'imposer à cette entreprise.
Après avoir considéré l'ensemble des quinze contributions des acteurs et consulté le Conseil de la concurrence selon les dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité a établi un projet de décision en vue de sa transmission à la Commission européenne ainsi qu'aux autorités réglementaires compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, projets qu'elle a soumis, en parallèle, à consultation publique le 18 juin 2008.
Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaire sur cette notification. La Commission a adressé à l'Autorité une lettre formulant des observations, décrites en partie VI de la présente décision. Elles ont conduit l'Autorité à préciser son analyse sur certains points relatifs, notamment, à l'inclusion des infrastructures de génie civil dans le marché pertinent.
L'Autorité a reçu trois contributions en réponse à la consultation publique menée en parallèle à cette notification. Une de ces contributions a fait apparaître la nécessité d'apporter des précisions sur les processus et conditions d'éligibilités des accès dépendants de multiplexeurs. Le projet de décision initial a donc été amendé en ce sens.


2. Durée d'application de la décision


Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du CPCE, l'Autorité peut déclarer un marché pertinent « pour une durée maximale de trois ans ». L'Autorité doit réviser son analyse de sa propre initiative « lorsque l'évolution de ce marché le justifie », ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne précitée ». En outre, en vertu des articles D. 302 et D. 303 du même code, les décisions déterminant l'existence d'une influence significative et imposant aux opérateurs des obligations sont réexaminées dans les mêmes conditions.
La présente analyse porte sur une durée de trois ans. L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective du marché sur cette période et considère que la mise en œuvre d'une régulation de ce marché pendant une durée de trois ans est pertinente, au regard de l'absence d'évolution prévisible vers une situation de concurrence effective.
En tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché ou de ses acteurs, l'Autorité pourra toutefois effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée et, le cas échéant, prendre de nouvelles décisions. Ceci pourrait notamment être le cas à l'issue du bilan que l'Autorité effectuera sur la régulation du très haut débit.
A l'issue du présent processus d'analyse, l'Autorité adoptera donc des décisions qui s'appliqueront pour une période de trois ans à compter du jour de la publication de la décision correspondante au Journal officiel de la République française.


3. Cadre d'analyse et définition des termes employés
a) Le haut débit


Il est entendu par « offres haut débit » les offres de détail d'accès offrant un confort suffisant compte tenu des applications et services les plus répandus, notamment sur Internet. Ceci correspond à ce jour à un débit nominal supérieur ou égal à 512 kbit/s. Ces offres se distinguent des offres d'accès bas débit en ce qu'elles proposent une bande passante supérieure et permettent l'usage simultané du service téléphonique classique.
Plusieurs technologies d'accès haut débit sont disponibles en France. La plus répandue est le DSL auquel plus de 98 % de la population est éligible et qui compte 15,5 millions d'abonnés au 31 mars 2008, suivie par le câble coaxial, avec 0,7 million d'abonnés haut débit au 30 juin 2007. D'autres supports peuvent également être utilisés, comme les réseaux hertziens utilisant des technologies de type WiFi, la boucle locale radio, les réseaux de satellites ou encore le réseau de distribution électrique (courants porteurs en ligne). Le nombre d'accès haut débit activés fondés sur ces technologies reste à ce jour très limité, à moins de 10 000 accès fin 2007.
Le développement du marché du haut débit s'est principalement développé en France grâce à la possibilité donnée aux opérateurs de communications électroniques alternatifs de dégrouper la boucle locale cuivre de France Télécom.
Le secteur a ainsi connu une croissance très forte du nombre d'accès haut débit, portée par le dégroupage. En termes de nombre d'accès et de taux de pénétration du haut débit, la France se place au-dessus de la moyenne des grands pays européens. Pour la part d'accès haut débit DSL en dégroupage, la France est dans le peloton de tête, en Europe comme au niveau mondial. Le dégroupage couvre désormais près de 70 % de la population.
Les opérateurs et fournisseurs de services proposent aujourd'hui des offres haut débit avec des déclinaisons adaptées à la clientèle résidentielle et à la clientèle professionnelle. Des services spécifiques sont commercialisés en faveur de cette dernière, notamment en termes de débits (débits élevés et garantis, connexions symétriques), de niveau de qualité de service (temps d'intervention et de rétablissement garanti) et de protocoles (IP, ATM, Ethernet).
Sur le marché résidentiel, les offres de détail haut débit peuvent se limiter au seul accès à Internet ou donner en outre l'accès à un ensemble de services multimédias comprenant des services diversifiés tels que la téléphonie en voix sur large bande, voire l'accès à un bouquet de chaînes et la vidéo à la demande dans les zones dégroupées. Là où il est techniquement possible, le « triple play » s'est généralisé.


b) Le très haut débit


Il existe une appétence des consommateurs pour des services toujours plus innovants, nécessitant des débits de plus en plus élevés, ce qu'illustrent notamment le succès des offres de télévision par ADSL qui comptait 4,1 millions d'accès au troisième trimestre 2007, l'essor de la vidéo à la demande, le développement de nouveaux usages sur le web, la croissance des échanges de pair à pair entre communautés d'internautes et l'équipement progressif des ménages en écrans de télévision haute définition.
Les offres haut débit actuelles, sur le câble et le DSL notamment, sont limitées en bande passante, notamment sur la voie remontante, ce qui peut constituer un frein au développement des nouveaux usages. Seul le très haut débit reposant sur la technologie de la fibre optique est à même de répondre à terme, par des débits supérieurs, aux attentes des consommateurs en favorisant le développement de services enrichis, notamment dans le domaine de l'audiovisuel (ex. : haute définition, multipostes, vidéo à la demande) ou pour des usages de type « user generated content » (ex. : blogs, mise en ligne de vidéos et de photos).
Le déploiement des réseaux très haut débit par les opérateurs, pour adresser une clientèle résidentielle, a déjà commencé dans les principales agglomérations de métropole. Les principaux opérateurs ont annoncé des plans d'investissement qui pourraient porter sur plus d'un million de foyers raccordables par an au cours des prochaines années. Les acteurs positionnés à ce jour sur le marché du très haut débit sont principalement les opérateurs présents historiquement sur le marché du DSL et câble.
Sur un plan technologique, le déploiement du très haut débit consiste à rapprocher la fibre de l'abonné. Une première option consiste à réutiliser une partie des réseaux en cuivre ou en câble coaxial sur la partie terminale, la plus proche des abonnés. C'est le choix retenu par le câblo-opérateur (FttLA : « Fibre to the Last Amplifier »), qui permet d'amener jusqu'à 100 Mb/s descendants partagés entre une soixantaine d'abonnés. Les autres opérateurs envisagent plutôt des déploiements en fibre jusqu'à l'abonné (FttH : « Fibre to the Home »), offrant des débits symétriques de plusieurs dizaines de Mb/s par abonné.
Deux topologies de boucle locale optique sont utilisées pour le FttH : le point-à-point et le point-à-multipoints de type PON (Passive Optical Network). Le point-à-point, comme le réseau de boucle locale cuivre de France Télécom, relie chaque foyer au répartiteur optique par une fibre dédiée. Le PON permet la mutualisation de plusieurs accès (jusqu'à 64 avec les technologies actuelles) sur une seule fibre pour une partie de la boucle locale, située entre le répartiteur optique et des points de concentration passifs, appelés coupleurs, situés plus bas dans le réseau ; à partir du dernier niveau de coupleur, une fibre est dédiée à chaque foyer.
A l'horizon de la présente analyse, il apparaît difficile d'opérer une distinction claire entre haut débit et très haut débit au niveau des marchés de détail. Il existe en effet un continuum de débits entre les offres de détail fondées sur le DSL (jusqu'à 18 Mbit/s descendants), le câble et la fibre, et aucune application spécifique au très haut débit ne semble susceptible d'induire à elle seule un clivage dans le comportement des consommateurs à court terme.


c) Marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques
constitutives de la boucle locale filaire


La Commission européenne a adopté le 17 décembre 2007 une nouvelle recommandation sur les marchés pertinents pour les analyses des marchés dans laquelle elle considère pertinent le marché de gros d'accès aux réseaux d'infrastructures physiques pour les services fixes de communications électroniques, incluant l'accès dégroupé totalement et partiellement.
Concernant les offres de gros d'accès aux infrastructures autres que la boucle locale cuivre, la Commission précise, en page 33 de la note explicative correspondante, que l'évolution technologique conduit à inclure dans le marché pertinent toute infrastructure physique nécessaire à la livraison de services fixes de communications électroniques au client final, sans limiter strictement le marché à la boucle et à la sous-boucle métalliques (1).
Dans ce même document, la Commission ajoute que l'accès aux fourreaux peut constituer un remède pertinent pour l'accès aux réseaux d'infrastructures physiques dans la perspective du très haut débit.
La consultation publique lancée par l'Autorité en juillet 2007 sur la situation concurrentielle des fourreaux de communications électroniques et leur régulation éventuelle a d'ailleurs montré l'intérêt des acteurs du secteur de pouvoir accéder à des infrastructures de génie civil leur permettant de déployer une boucle locale optique. La synthèse de cette consultation publique, ainsi que les réponses des acteurs expurgées du secret des affaires, est disponible sur le site Internet de l'Autorité.
Dans ces conditions, le marché des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire est susceptible d'inclure à la fois l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, l'accès aux infrastructures de génie civil de la boucle locale, et enfin les offres passives de mise à disposition de fibre optique d'autre part.
Dans la partie II du présent document relative à la définition du marché pertinent, l'Autorité délimite de manière successive, au terme d'une analyse de substituabilité, deux segments au sein du présent marché : celui des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le haut débit, d'une part, et celui des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire pour le très haut débit, d'autre part.
Dans un deuxième temps, l'Autorité conclut à la substituabilité de ces deux segments de marché à l'horizon de la présente analyse et, par suite, à la définition d'un marché global des offres de gros d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.

(1) Le texte original de la note explicative de la recommandation est le suivant : « The initial Recommendation identified two wholesale markets that were linked to the broadband retail market : wholesale unbundled access (including shared access) to metallic loops and sub-loops, and wholesale broadband access. As regards the first market, as set out above technological change implies including all relevant physical infrastructures necessary to reach the end consumer, as opposed to a strict limitation to the metallic loop or sub-loops. »