I-3. Pertinence des marchés de gros du transit
II-3.1. Dans la nouvelle recommandation
La Commission européenne explique dans la note explicative de sa nouvelle recommandation « marchés pertinents » que du fait du développement des infrastructures de transport longue distance des opérateurs alternatifs, ceux-ci sont ou seront bientôt en mesure de proposer des services de transit concurrençant les services de l'opérateur historique et que, par conséquent, d'un point de vue prospectif a minima, le critère de présence de barrières à l'entrée élevées et durables ne serait plus respecté :
« However, the situation is evolving as both alternative long-distance infrastructures and networks are built and developed, and as incumbents upgrade their core networks. On the one hand, incumbents may still have significant scale advantages helped by their large sunk investments and their greater network reach. On the other hand, as there is evidence of alternative operators successfully investing in long-distance networks, entry barriers can no longer be said to be high and non-transitory. [...]
In any event, since the assessment for the forward-looking period isthat this market does not in general satisfy the first criterion, the market for wholesale transit services is withdrawn from the recommended list. »
La Commission européenne en a conclu que le marché du transit devait être retiré de la liste des marchés pertinents.
II-3.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
L'Autorité confirme l'analyse générale de la Commission européenne et considère que sur les marchés du transit délimités ci-dessus il n'existe pas aujourd'hui d'obstacles au développement d'une concurrence effective. L'Autorité explique ci-dessous les raisons l'ayant conduit à tirer ces conclusions.
II-3.2.1. L'absence de goulet d'étranglement
Les prestations de transit, intraterritorial et interterritoires, ne constituent pas un goulet d'étranglement durable, à l'inverse des prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel.
Dans la mesure où les prestations de transit concernent l'acheminement entre deux points d'interconnexion (de deux opérateurs ou de deux niveaux hiérarchiques différents) et que le nombre de ces points d'interconnexion reste relativement limité (la plupart des opérateurs proposent entre un et une dizaine de points d'interconnexion et rarement plus de vingt points, à l'exception de France Télécom), le raccordement de deux points d'interconnexion est possible pour un opérateur alternatif. En revanche, il est probable que la mise en place de ce raccordement (et notamment du fait des coûts de génie civil) sera conditionnée par l'existence de volumes suffisants sur ce lien. Il convient à cet égard de noter que le volume de communications acheminé par un opérateur de transit n'est pas nécessairement fonction de sa part de marché de détail et que des volumes importants peuvent donc être atteints, y compris par un opérateur alternatif.
II-3.2.2. Marché du transit intraterritorial
Comme présenté dans la partie « Bilan et perspectives » de cette analyse, le fonctionnement du marché du transit intraterritorial tel que défini ci-dessus montre qu'il existe aujourd'hui plusieurs opérateurs proposant des alternatives à l'achat de prestations de transit à France Télécom.
En particulier, l'analyse des parts de marché montre que celle de France Télécom sur l'ensemble du marché du transit intraterritorial est passée en-dessous de 50 % et est devenue inférieure à celle de Neuf Cegetel. Cette situation concerne en particulier le segment du marché du transit vers les abonnés de France Télécom et du transit vers les opérateurs de réseaux mobiles. De plus, sur ces segments, les autres infrastructures de raccordement des points d'interconnexion de France Télécom et des opérateurs mobiles, si elles sont moins étendues que celles de Neuf Cegetel ou de France Télécom, sont en cours d'extension et les parts de marché de ces acteurs sont susceptibles de croître s'ils souhaitent intervenir sur le marché du transit.
Sur le segment du transit vers les opérateurs fixes tiers, l'Autorité constate que la part de marché de France Télécom reste importante mais en forte décroissance en 2007, année au cours de laquelle les opérateurs alternatifs ont commencé à mettre en place des interconnexions directes. L'Autorité estime, à la lumière des informations dont elle dispose, qu'à la fin 2008, un opérateur alternatif pourra acheminer directement 95 % des communications vers les opérateurs alternatifs fixes et que deux autres opérateurs pourront acheminer 80 % de ce même trafic. Les conditions pour l'établissement d'une concurrence effective et durable sont donc en train de se mettre en place.
Enfin, concernant le transit vers les petits opérateurs fixes alternatifs, les volumes acheminés ne justifient pas aujourd'hui l'investissement d'opérateurs alternatifs dans des interconnexions directes et France Télécom reste le seul opérateur à proposer ces prestations. Néanmoins, ces cas sont destinés à rester très limités en termes de volumes car la croissance des volumes traités par un opérateur dans ce cas entraînera mécaniquement la rentabilisation d'interconnexions directes avec d'autres opérateurs alternatifs. De plus, comme cela a été montré dans la partie « Bilan et perspectives », les interconnexions directes avec des transitaires alternatifs au départ de ces petits opérateurs se mettent en place très facilement et alors que les volumes sont encore très faibles. Une fois cette interconnexion en place, et en cas de hausse du tarif de transit de France Télécom vers cette destination, il est aisé à l'opérateur transitaire en question de bilatéraliser cette interconnexion pour proposer des prestations de transit à destination de cet opérateur. Enfin, un transitaire alternatif peut commercialiser une offre complète de transit vers tous les opérateurs en s'appuyant sur les prestations de transit de France Télécom pour acheminer les appels vers les opérateurs qu'il ne raccorde pas directement.
En conclusion, l'Autorité estime qu'il n'existe pas d'obstacles au développement d'une concurrence effective ni de barrières à l'entrée durables et élevées sur le marché du transit intraterritorial et que ce marché n'est pas pertinent pour une régulation ex ante.
II-3.2.3. Marchés du transit interterritoires
L'Autorité a modifié par la décision n° 2007-0744 en date du 11 septembre 2007 les obligations portant sur France Télécom sur ces marchés du transit interterritoires. Dans l'analyse qui a conduit à l'adoption de cette décision, l'Autorité a notamment constaté la présence d'offres de gros de capacités sur la plupart des marchés identifiés dans la présente analyse, ces offres de gros permettant à des opérateurs alternatifs de construire des prestations de gros de transit interterritoires compétitives. Ces offres de capacité sont par ailleurs régulées par la décision d'analyse de marchés n° 2006-0592 en date du 26 septembre 2006.
L'analyse de la pertinence des marchés du transit interterritoires doit se faire au regard des arguments développés au moment de l'adoption de la décision n° 2007-0744.
II-3.2.3.1. Pour les marchés du transit métropole―Guadeloupe, métropole―Martinique, métropole―Guyane,
métropole―Réunion, Guadeloupe―Martinique, Guadeloupe―Guyane et Martinique―Guyane
Dans son analyse menée en 2007, l'Autorité relève que « Ces marchés [métropole―Guadeloupe, métropole―Martinique et métropole―Guyane] se caractérisent par des offres alternatives à celles de France Télécom et pour lesquelles les niveaux de prix sont plus compétitifs que ceux de France Télécom. En outre, le marché est fluide, voire volatil, certains acheteurs changeant de fournisseurs très régulièrement, en fonction de l'évolution des prix, de la qualité des offres disponibles et des mécanismes de négociation. Contrairement à l'offre de France Télécom, certaines offres peuvent être conditionnées à un engagement de volume sur le trafic écoulé. Ces offres sont fournies par des opérateurs disposant d'une présence internationale et assurant traditionnellement des prestations de transit international, mais aussi par des acteurs disposant de participations dans des consortiums propriétaires d'infrastructures (cf. infra) ou encore par des opérateurs ayant développé par le passé des infrastructures pour leurs propres besoins et les mettant aujourd'hui à disposition des acheteurs dans un souci de rentabilité des ressources disponibles.
Néanmoins, plusieurs de ces acteurs n'opèrent sur ce marché qu'en achetant, sur ce même marché, les prestations, éventuellement à la capacité, pour les revendre à la minute en fonction du taux d'occupation de la ressource de transit ainsi constituée ».
Ce contexte concurrentiel s'explique par la présence d'offres de capacité régulées et accessibles à tout opérateur de transit. Ces offres de capacité sont également utilisées pour les marchés intra-Antilles, sur lesquels l'Autorité constatait de plus l'existence de solutions d'autofourniture pour certains opérateurs. Enfin, le transit métropole―Réunion s'appuyait également sur un câble sous-marin opéré par France Télécom et pour lequel les tarifs de son offre de capacité sont orientés vers les coûts.
L'ensemble de ces éléments a conduit l'Autorité à alléger les obligations pesant sur France Télécom pour ses prestations de transit sur ces marchés. Suite à cette décision, France Télécom a légèrement baissé ses tarifs « catalogue », sans que l'Autorité ne constate l'apparition de problèmes concurrentiels.
Par conséquent et au regard de ces derniers développements, l'Autorité estime qu'il n'existe plus d'obstacles au développement d'une concurrence effective sur ces marchés et que ces marchés ne sont donc pas pertinents pour une régulation ex ante.
II-3.2.3.2. Pour les marchés du transit métropole―Mayotte et métropole―Saint-Pierre-et-Miquelon
Sur ces marchés, les volumes acheminés sont structurellement très faibles et il est donc a priori difficile pour un opérateur alternatif de constituer des offres concurrentes de celles de France Télécom.
En l'absence de régulation ex ante, France Télécom pourrait donc augmenter unilatéralement ses tarifs sans que des solutions alternatives ne soient disponibles. Néanmoins, un tel comportement ne manquerait pas d'être identifié par les opérateurs alternatifs et porté devant les autorités de concurrence comme abus de position dominante. De plus, aucun opérateur ne s'est spécialisé sur le marché de détail dans les communications vers ces destinations et les volumes concernés représentent une part infime des communications commercialisées par les opérateurs. Sans préjuger d'un éventuel abus de position dominante de France Télécom, un tel comportement de France Télécom ne serait donc pas à même de mettre en péril l'activité des autres opérateurs. Par conséquent, le droit commun de la concurrence devrait suffire à traiter les éventuels problèmes concurrentiels sur ces marchés.
En tout état de cause, et compte tenu de la régulation passée appliquée par l'Autorité, celle-ci restera très vigilante sur l'évolution des conditions de marché sur ces marchés et pourra saisir elle-même, le cas échéant, les autorités de concurrence.
En conclusion, l'Autorité estime donc qu'il n'existe plus d'obstacles au développement d'une concurrence effective sur ces marchés et que ces marchés ne sont donc pas pertinents pour une régulation ex ante.
II-3.3. Commentaires des acteurs sur l'analyse de l'Autorité
Verizon exprime ses inquiétudes sur la dérégulation des marchés du transit vers France Télécom et vers les opérateurs mobiles. Ces craintes sont relatives à l'apparition sur ces marchés d'un duopole France Télécom Orange et Neuf Cegetel-SFR. Neuf Cegetel considère que plusieurs problèmes, notamment concurrentiels, demeurent sur les marchés du transit et formule quelques demandes sur la régulation de ces marchés. Il s'agit par exemple du maintien de la régulation du transit depuis les DOM en orientation vers les coûts et de la réalisation par France Télécom d'une intermédiation financière en cas de collecte en transit à destination des numéros SVA.
L'Autorité signale que la position des deux plus gros acteurs sur le marché du transit est contestable par les nombreux opérateurs ayant déployé un réseau suffisamment capillaire, y compris par les opérateurs qui, à ce jour, n'ont pas choisi d'utiliser leur réseau pour vendre des prestations de transit. Il n'existe donc plus de barrières à l'entrée justifiant la pertinence des marchés du transit pour une régulation ex ante.
Par ailleurs l'Autorité estime que les problèmes mentionnés par Neuf Cegetel ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse de l'Autorité, notamment du fait de la régulation appliquée au niveau des prestations amont de services de capacité. L'Autorité étudiera néanmoins les éléments d'information additionnels qui pourront être apportés par les acteurs sur le fonctionnement de ce marché et, d'une manière générale, maintiendra son attention sur le marché du transit.
III. ― CONCLUSION
Au vu de la situation concurrentielle existant sur ces marchés ainsi que de la régulation appliquée en amont, l'Autorité estime qu'il ne convient plus de réguler ex ante les marchés de détail des communications ni l'ensemble des marchés du transit. Il semble qu'il n'existe plus, sur ces marchés, d'obstacles au développement d'une concurrence effective. Cette analyse est conforme à la nouvelle recommandation de la Commission européenne.
TABLE DES MATIÈRES DE L'ANNEXE H
I. ― Délimitation des marchés de la téléphonie fixe exclus de la nouvelle recommandation.
I-1. Délimitation des marchés de détail des communications.
I-1.1. Périmètre des marchés de détail des communications.
I-1.2. Délimitation géographique des marchés de détail des communications.
I-1.3. Commentaires des acteurs sur l'analyse de l'Autorité.
I-1.4. Avis du Conseil de la concurrence.
I-1.5. Conclusion.
I-2. Délimitation des marchés de gros du transit.
I-2.1. Le marché du transit intraterritorial.
I-2.2. Le marché du transit interterritoires.
II. ― Pertinence des marchés pour une régulation ex ante.
II-1. Introduction sur la pertinence des marchés.
II-2. Pertinence des marchés de détail des communications.
II-2.1. Dans la nouvelle recommandation.
II-2.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective.
II-3. Pertinence des marchés de gros du transit.
II-3.1. Dans la nouvelle recommandation.
II-3.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France.
II-3.3. Commentaires des acteurs sur l'analyse de l'Autorité.
III. ― Conclusion.