II-1.2.2.2. Les marchés de la terminaison d'appel fixe
évoluant avec le développement du dégroupage
Comme pour le marché du départ d'appel, le marché de la terminaison d'appel est très lié au marché de l'accès. Jusqu'en 2005, les accès alternatifs étaient généralement dus à une situation historique (Hub Telecom, ex-ADP Telecom) ou à des raccordements directs de grandes entreprises par les opérateurs alternatifs. Le nombre de ces raccordements restait limité et les flux de terminaison d'appel alternatifs restaient donc modestes. A titre d'indication, le nombre de numéros de France Télécom portés avant l'arrivée des services de voix sur large bande (2003) étaient d'environ 400 000 sur un total de 53 millions de numéros.
De plus, si le dégroupage partiel (ou l'équivalent en bitstream) a permis dès début 2003 aux utilisateurs finals de bénéficier des services de voix sur large bande pour les appels sortants, ce n'est qu'à partir du développement du dégroupage total (puis des offres d'ADSL nu) que les opérateurs alternatifs ont facturé la terminaison d'appel pour tous les appels reçus par leurs clients.
Par conséquent, la part des opérateurs alternatifs sur l'ensemble des terminaisons d'appel fixes a crû depuis 2005 et atteint une proportion en volumes d'environ 6 % fin 2006. Du fait de la tarification généralement plus élevée de la terminaison d'appel des opérateurs alternatifs par rapport à celle de France Télécom, cette proportion monte à environ 10 % en valeur.
Figure 13 : Evolution des parts de marché de terminaison d'appel
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 12/08/2008 texte numéro 51
Du côté de France Télécom, les offres de voix sur large bande offertes sous la marque Orange depuis 2004 ont également modifié le marché de sa terminaison d'appel. Dans un premier temps, ces offres de voix sur large bande étaient systématiquement couplées avec un abonnement téléphonique classique et, à l'image du dégroupage partiel, servaient principalement à émettre des appels. France Télécom avait cependant associé des numéros non géographiques à ces lignes « secondaires », numéros pour lesquels la terminaison d'appel n'est pas régulée à ce jour et a été fixée à un niveau proche de 1 centime d'euro par minute. Dans cette configuration, ces lignes n'engendraient que peu de revenus de terminaison d'appel car les clients continuaient généralement à recevoir leurs appels sur le numéro géographique de leur ligne classique ou principale. A partir de la fin 2006, France Télécom a commercialisé des offres de voix sur large bande sans abonnement téléphonique classique (soit un équivalent du dégroupage total) mais auxquelles étaient associés des numéros géographiques. Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur alternatif d'identifier les numéros géographiques associés à des accès voix sur large bande au sein de tous les numéros géographiques de France Télécom et du fait de la dualité des réseaux RTC de France Télécom et VoIP d'Orange Internet, la fourniture de la prestation de terminaison d'appel géographique vers ces accès n'a pas été modifiée (livraison aux CA) bien qu'elle ne soit plus nécessairement efficace pour la VoIP.
Enfin, pour France Télécom, le développement des accès alternatifs a conduit, d'une part, à une diminution de sa part de marché globale sur l'ensemble des terminaisons d'appel fixes, d'autre part, à une diminution de la part de ses appels on-net. Par conséquent, la proportion d'appels fixe vers fixe entraînant une facturation de la terminaison d'appel en faveur d'un opérateur tiers a augmenté.
Par ailleurs, bien que les marchés de la terminaison d'appel soient liés au marché de l'accès, il convient de différencier les situations des opérateurs selon les segments de marché de détail qu'ils adressent et la typologie des offres qu'ils proposent. Ainsi, sur le segment des entreprises par exemple, certaines activités entraînent beaucoup d'appels sortants (le démarchage commercial par exemple) alors que d'autres peuvent entraîner beaucoup d'appels entrants (un centre d'appel d'assistance technique ou de commande par téléphone par exemple). De même, un opérateur dont la principale offre de communications est un forfait illimité vers tous les postes fixes en France verra probablement ses clients recevoir moins d'appels qu'ils en émettent. Il est donc possible que, pour certains opérateurs, le solde d'interconnexion par accès soit structurellement déséquilibré.
De plus, avec la configuration actuelle du marché, certains opérateurs présentent un déficit important en termes de solde d'interconnexion en volumes. Des offres comme la sélection du transporteur, la VGAST et, dans une moindre mesure, le dégroupage partiel entraînent en effet des charges d'interconnexion pour acheminer les appels sans engendrer de revenus d'interconnexion puisque c'est France Télécom qui continue de toucher ces revenus en contrôlant l'accès notamment. De plus, à ces charges de terminaison d'appel s'ajoute l'achat de départ d'appel à France Télécom pour les offres de sélection et de VGAST.
L'ensemble de ces phénomènes entraîne une modification de la perception du sujet de la terminaison d'appel fixe dans le secteur. Côté marché résidentiel, jusqu'en 2004, la seule préoccupation des opérateurs était le niveau de la terminaison d'appel de France Télécom car ils ne pratiquaient pas de raccordements directs et ne touchaient donc que très peu de terminaison d'appel. Depuis 2004, ces opérateurs perçoivent des revenus de terminaison d'appel et sont donc également attentifs au niveau de cette prestation qu'ils offrent aussi et aux éventuelles différences de terminaison d'appel entre opérateurs. Côté marché entreprises, du fait de la présence de raccordements directs depuis de nombreuses années, les opérateurs alternatifs sur ce marché ont intégré plus tôt la question du niveau de leur propre terminaison d'appel et en ont tenu compte dans l'élaboration de leurs plans d'affaires. Avec le développement des offres de gros de raccordement de France Télécom (dégroupage, DSLE et LPT [43] notamment), cette question revêt aujourd'hui des enjeux croissants.
En conclusion, l'Autorité constate que les marchés de la terminaison d'appel prennent une importance croissante pour les opérateurs, car ces marchés leur apportent de nouveaux revenus, peuvent engendrer aussi des charges significatives et la fixation des niveaux de terminaison d'appel conditionne pour une large part leurs offres de détail, en particulier pour les offres forfaitaires.