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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



IV-4.3.2. L'encadrement pluriannuel des tarifs de terminaison d'appel de France Télécom
IV-4.3.2.1. Définition de l'encadrement


La définition de l'encadrement tarifaire pluriannuel des tarifs de terminaison d'appel de France Télécom dépend de l'évaluation qui peut être faite des coûts d'un opérateur efficace, car ces tarifs sont orientés vers les coûts d'un opérateur efficace.
L'Autorité a présenté supra l'ensemble des éléments de coûts à sa disposition afin de déterminer le niveau de terminaison d'appel d'un opérateur efficace, suivant une méthodologie de coûts complets distribués. L'Autorité a montré pourquoi elle considérait que le niveau de terminaison d'appel de France Télécom en 2006 est a priori un majorant du niveau de la terminaison d'appel d'un opérateur efficace et les raisons pour lesquelles les coûts prospectifs fournis par le modèle de France Télécom ne sont pas pertinents pour être le point de référence de cette terminaison d'appel. Le modèle technico-économique utilisé par l'Autorité confirme qu'à plus long terme les coûts de fourniture de la terminaison d'appel devraient être significativement inférieurs aux tarifs actuels. Cependant, du fait d'un certain nombre d'incertitudes sur ce modèle, l'Autorité estime prématuré de retenir le niveau d'une terminaison d'appel efficace directement à partir des résultats fournis par ce modèle.
Par conséquent, le niveau que l'Autorité définit pour les coûts d'un opérateur efficace tient compte de l'ensemble de ces éléments ainsi que des éléments fournis par l'analyse des pratiques dans les autres pays européens. En particulier, l'Autorité estime qu'un opérateur efficace améliore constamment sa structure de coûts et qu'il est pertinent d'envisager que le service de terminaison d'appel puisse porter une partie de ces gains d'efficacité. A tout le moins, le niveau de la terminaison d'appel d'un opérateur efficace en 2011 est inférieur aux coûts constatés et audités pour 2006.
Pour autant, compte tenu des éléments apportés par France Télécom et des incertitudes sur le niveau de la terminaison d'appel d'un opérateur NGN, la baisse imposée ne doit pas excéder un certain niveau. Elle doit notamment continuer de rémunérer suffisamment France Télécom pour l'exploitation de son réseau.
Enfin, l'Autorité a pris en compte l'évolution prospective de la demande, des technologies et du niveau général des prix, notamment dans les modélisations qu'elle a retenues. En cas d'évolution du contexte économique exogène des terminaisons d'appel (évolution de la fiscalité ou choc macroéconomique par exemple) de nature à remettre en question les niveaux de terminaison d'appel fixés par la présente décision, l'Autorité se réserve la possibilité de revoir ces niveaux.


IV-4.3.2.2. Paramètres de l'encadrement


L'Autorité a interrogé les acteurs sur les paramètres de définition de la terminaison d'appel dans sa consultation sur les référentiels de coûts et autres éléments pertinents pour la mise en œuvre des obligations de contrôle tarifaire des prestations de terminaison d'appel et de départ d'appel sur les réseaux fixes. Les questions portaient notamment sur la nécessité ou non de préciser l'ensemble des composantes du tarif de terminaison d'appel de France Télécom ou seulement un prix moyen calculé à partir d'un panier prédéfini par l'Autorité. L'Autorité interrogeait également le secteur sur la notion de gradient horaire et sur l'importance de la composante capacité (BPN).
L'Autorité rappelle à ce propos qu'elle n'a jamais imposé la structure actuelle du tarif de terminaison d'appel de France Télécom, qui était définie par cette dernière dans le cadre de son offre de référence.
Concernant la définition d'un prix moyen, Bouygues Telecom et l'AFORST privilégient le maintien de la spécification des différentes composantes de la terminaison d'appel. Colt ne demande pas de changement de la structure tarifaire de la terminaison d'appel de France Télécom. A l'inverse, France Télécom estime que la structure d'encadrement tarifaire tirée de la décision n° 2006-0551 pour la terminaison d'appel de Neuf Telecom, c'est-à-dire la fixation d'un tarif plafond moyen, serait bien adaptée.
Par ailleurs, l'AFORST, Neuf Cegetel et Bouygues Telecom sont favorables à la suppression progressive du gradient horaire et de la charge d'établissement d'appel.
L'Autorité souscrit au point de vue de France Télécom et ne souhaite pas définir strictement les différentes composantes de la terminaison d'appel de France Télécom. Pour définir le panier moyen, il semble pertinent, dans un souci de comparabilité et de continuité, de se rapporter à la pratique adoptée notamment dans les décisions passées d'approbation de l'offre technique et tarifaire d'interconnexion de France Télécom et dans les décisions de règlement de différends, et c'est pourquoi l'Autorité considère qu'il convient de retenir les paramètres suivants à titre conventionnel :

Remplissage de la partie fixe (min. par BPN et par an)

2 600 000

Durée moyenne des appels

200 secondes

Répartition du trafic : heures pleines

60 %

Répartition du trafic : heures creuses

35 %

Répartition du trafic : heures bleu-nuit

5 %


Les plages horaires d'application du tarif réduit (en heures creuses) retenues sont les suivantes : du lundi au vendredi, de 7 heures à 8 heures et de 19 heures à 22 heures, et les samedis, dimanches et jours fériés, de 7 heures à 22 heures. Les plages horaires d'application du tarif bleu-nuit sont de 22 heures, chaque jour, à 7 heures du jour suivant. Lorsque les plages horaires diffèrent, les pondérations sont déduites de la définition précédente au pro rata temporis (exemple : la plage horaire de 4 heures à 7 heures, soit trois heures sur les neuf heures en tarif bleu-nuit, est pondérée à 1/3 × 5 % soit 1,67 %).
Le tarif moyen inclut donc notamment les prestations de fourniture d'un bloc primaire numérique (BPN).
Les tarifs indiqués dans la section suivante doivent donc être compris comme des tarifs moyens en application des paramètres ci-dessus.
Par ailleurs, compte tenu de la pratique historique du tarif de terminaison d'appel de France Télécom, il convient d'éviter un changement imprévu et significatif de la pondération de chaque composante. A ce titre, l'Autorité impose à France Télécom l'obligation de lui notifier tout changement des poids relatifs de chaque composante de la terminaison d'appel de France Télécom, au moins trois mois avant le changement envisagé. A ce jour, l'Autorité rappelle que le tarif de terminaison d'appel de France Télécom comporte 7 composantes : BPN, charge d'établissement d'appel et prix à la minute en heures pleines, charge d'établissement d'appel et prix à la minute en heures creuses, charge d'établissement d'appel et prix à la minute en heures bleu-nuit.
Enfin, concernant l'éventualité d'une offre d'interconnexion à la capacité pour la voix, les réponses à la consultation publique (AFORST, Bouygues Telecom) se limitent à envisager la création d'une offre complémentaire à l'offre actuelle. L'Autorité pourra étudier à l'avenir, en concertation avec le secteur, l'éventualité d'une telle offre.


IV-4.3.2.3. Conclusion


Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le prix moyen par minute des tarifs récurrents de terminaison d'appel de France Télécom ne devront pas excéder les niveaux moyens suivants :
0,45 centime d'euro par minute à compter du 1er octobre 2008 ;
0,425 centime d'euro par minute à compter du 1er octobre 2009 ;
0,4 centime d'euro par minute à compter du 1er octobre 2010.
Cette évolution correspond à une baisse par rapport au tarif en vigueur précédemment de 8,8 % en 2008, de 5,6 % en 2009 et de 5,9 % en 2010. Les modalités précises d'encadrement et de calcul de cette moyenne sont précisées dans la section IV-4.3.2.2.


IV-4.3.3. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs
des prestations de sélection du transporteur


En application de l'article L. 38-II du CPCE, France Télécom doit fournir les prestations nécessaires à la sélection du transporteur à des tarifs reflétant les coûts correspondants.


IV-4.4. Obligations tarifaires imposées à France Télécom
sur le marché de gros du départ d'appel fixe
IV-4.4.1. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations de départ d'appel


L'examen de la puissance de marché de France Télécom a montré que France Télécom dispose d'une position durable de puissance sur le marché du départ d'appel en position déterminée. De plus, il a été montré que cette prestation est incontournable pour les opérateurs de communications électroniques en France, qui ne disposent dès lors d'aucun contre-pouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose France Télécom. L'Autorité a également montré que France Télécom était puissante sur les marchés pertinents de détail de l'accès et le marché de gros de la terminaison d'appel vers son réseau. Enfin, France Télécom est une entreprise verticalement intégrée qui intervient sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe et jouit sur ces marchés d'une position dominante (cf. partie « Bilan et perspectives », annexe G).
France Télécom estime que le départ d'appel ne devrait pas être orienté vers les coûts pour la sélection du transporteur hors VGAST et, concernant le départ d'appel vers les numéros SVA, que l'obligation d'interdiction des tarifs excessifs est plus adaptée que celle d'orientation vers les coûts. France Télécom rappelle que l'Autorité a décidé d'imposer une interdiction de tarifs excessifs pour les reversements liés aux numéros SVA et estime que ce remède serait également adapté, proportionné et cohérent avec les décisions antérieures, pour les prestations de départ d'appel vers les numéros SVA.
A l'inverse, l'ADRT demande que l'obligation d'orientation vers les coûts soit appliquée aux prestations connexes aux prestations d'interconnexion, et notamment à la prestation de reversement.
L'Autorité souligne tout d'abord que la prestation de départ d'appel objet de la présente analyse est une prestation d'interconnexion qui est fournie dans des conditions identiques pour les différents types de trafic (sélection du transporteur, Internet commuté ou services à valeur ajoutée). Dans ces conditions, il est logique que les obligations tarifaires imposées à France Télécom sur la prestation de départ d'appel soient homogènes, quel que soit le produit pour lequel cette prestation est sollicitée. L'Autorité note de plus que l'absence d'obligation d'orientation vers les coûts pourrait permettre à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à sa position dominante sur le départ d'appel et à sa position sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés.
L'Autorité estime donc que les tarifs des prestations de départ d'appel de France Télécom doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne donc notamment tous les éléments de l'offre technique et tarifaire « Accès, interconnexion et service téléphonique » relatifs aux prestations de départ d'appel.


IV-4.4.2. Modalité de l'obligation d'orientation vers les coûts du départ d'appel


L'Autorité rappelle qu'aujourd'hui, les prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel régulées sont soumises à la même régulation et facturées de manière identique par France Télécom (à l'exception de l'existence de majorations et de la possibilité de demander une interconnexion forfaitaire pour l'Internet bas débit).
Cependant, compte tenu des caractéristiques respectives des prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel, l'Autorité estime pertinent de distinguer, pour le prochain cycle, la régulation de ces deux prestations.
France Télécom estime ainsi que « la prestation de départ d'appel, en particulier de sélection du transporteur, est une prestation fondamentalement asymétrique, produite majoritairement sur le réseau RTC [et que] son coût moyen est donc substantiellement supérieur au coût de terminaison d'appel ».
A l'inverse, Neuf Cegetel, Colt et l'AFORTS sont opposées à une régulation tarifaire différente du départ d'appel et de la terminaison d'appel. L'Aforst, en particulier, estime qu'une telle distinction contredirait le principe de neutralité technologique et ferait bénéficier France Télécom d'une rente sur des actifs déjà amortis si une référence de coûts RTC était retenue. Neuf Cegetel ne souhaite pas que l'Autorité accorde un « premium » sur le départ d'appel en le régulant par une obligation de non-excessivité. Enfin, Colt ne voit « aucune raison de différencier les tarifs de départ d'appel de ceux de terminaison d'appel ».
Bouygues Telecom distingue le départ d'appel selon qu'il est utilisé pour l'accès aux services à valeur ajoutée, auquel cas la tarification du départ d'appel doit « refléter un juste partage de la valeur du client » ou pour la sélection du transporteur. Dans ce deuxième cas, si la méthodologie d'allocation des coûts est une approche en coûts complets, Bouygues Telecom ne voit pas de raison de distinguer les tarifs de départ et de terminaison d'appel. En revanche, Bouygues Telecom estime que si une méthodologie ne prenant en compte que les coûts variables était retenue pour la terminaison d'appel, il serait nécessaire de prendre en compte le fait que le tarif de départ d'appel doit « intégrer une part de coûts fixes devant être recouvrés par l'opérateur de boucle locale ».
L'Autorité considère en effet que la prestation de terminaison d'appel relève du principe de l'accès réciproque (« two-way access ») : deux opérateurs s'achètent et se vendent mutuellement des prestations de terminaison d'appel. De plus, cette prestation, si elle est facturée à l'opérateur appelant, bénéficie également à l'utilisateur appelé (marché « biface »). A l'opposé, la prestation de départ d'appel n'est pas une prestation réciproque et ne profite, a priori, qu'à l'opérateur acheteur. Ces spécificités des prestations de départ d'appel par rapport à la terminaison d'appel appellent un traitement différencié. Ces différences pourraient effectivement être renforcées dans une vision prospective où l'approche de comptabilisation des coûts serait modifiée en matière de terminaison d'appel.
Par ailleurs, pour les produits de sélection du transporteur et d'Internet bas débit, les prestations de départ d'appel fournies par France Télécom sont aujourd'hui fondées sur des technologies RTC, sans préjudice des évolutions possibles ultérieures et, par conséquent, pour ces prestations, les références de coûts fondées sur des technologies RTC peuvent apparaître pertinentes pour définir le niveau d'un départ d'appel. Pour autant, pour le départ d'appel comme pour la terminaison d'appel, il est illégitime que les opérateurs acheteurs payent pour les inefficacités de l'opérateur vendeur et chaque prestation doit donc prendre pour référence les coûts qu'encourrait un opérateur efficace.
Enfin, si France Télécom devait encourir une baisse des volumes de terminaison d'appel qu'elle vend, les volumes de départ d'appel, pour leur part, s'effondrent brutalement depuis 2004 sous l'effet de l'abandon de l'Internet bas débit et du recul de la sélection du transporteur. Cette évolution très rapide des volumes rend difficile de prévoir les évolutions pertinentes de la tarification du départ d'appel.
C'est pourquoi l'Autorité n'impose pas d'encadrement tarifaire pluriannuel des tarifs de départ d'appel. Pour autant, le fait d'utiliser des modalités de régulation différentes n'implique pas automatiquement une différenciation tarifaire entre terminaison d'appel et départ d'appel de France Télécom.
Conformément à l'article D. 311 du CPCE, France Télécom devra donc « justifier intégralement [ses] tarifs » de départ d'appel.


IV-4.4.3. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs
des prestations d'interconnexion forfaitaire pour l'Internet


L'Autorité rappelle que France Télécom est tenue d'offrir des prestations d'interconnexion forfaitaire pour l'Internet au niveau des points d'interconnexion pertinents ouverts à l'interconnexion (à la date de la décision, les commutateurs d'abonnés).
L'Autorité a justifié et motivé l'imposition d'un contrôle tarifaire sur les prestations de départ d'appel, sous la forme d'une obligation de reflet des coûts.
Cette obligation concerne l'ensemble des prestations d'interconnexion pour l'accès à Internet, qu'elles soient commercialisées à la minute ou au forfait.
Par conséquent, l'Autorité estime justifié, et proportionné aux objectifs de l'article L. 32-1-II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence », d'imposer à France Télécom l'obligation de fixer des tarifs d'interconnexion forfaitaire pour l'Internet reflétant les coûts correspondants sous réserve du respect par France Télécom de son obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction.


IV-4.5. Contrôle des tarifs des prestations associées
aux prestations d'interconnexion de France Télécom
IV-4.5.1. Obligation d'orientation vers les coûts des prestations associées
de raccordements des sites d'interconnexion et d'accès


Un contrôle tarifaire doit être imposé sur les tarifs des prestations qui sont associées aux prestations d'interconnexion, et de manière cohérente au contrôle tarifaire de ces mêmes prestations. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ».
S'agissant plus particulièrement des prestations d'accès aux sites d'interconnexion et d'accès, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur acheteur ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées.
A ce titre, la prestation de colocalisation revêt un caractère essentiel pour les opérateurs souhaitant s'interconnecter avec France Télécom, car ceux-ci sont dans l'obligation d'acheter cette prestation pour joindre les abonnés de France Télécom. En effet, les offres de liaisons d'interconnexion des opérateurs alternatifs s'appuient, au niveau le plus bas dans le réseau, sur une prestation de colocalisation achetée par l'opérateur alternatif vendant la liaison d'interconnexion.
L'Autorité constate en revanche que les prestations de liaisons de raccordement (LR) de France Télécom sont réplicables par les opérateurs alternatifs raccordés en colocalisation aux points d'interconnexion de France Télécom sous forme d'offres de liaisons d'interconnexion (LI). L'Autorité constate notamment que l'offre de colocalisation est disponible sur l'ensemble des points d'interconnexion de France Télécom et en particulier à tous les commutateurs d'abonnés. Ces offres de LI exercent une pression concurrentielle suffisante et « complète » (en ce qu'elles peuvent être offertes pour tous les points) sur la fixation du niveau des tarifs de LR de France Télécom. L'Autorité estime donc que, pour ces prestations, l'orientation des tarifs vers les coûts peut être remplacée par l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs ou évictifs.
France Télécom indique que, comme tous les sites d'interconnexion de France Télécom sont colocalisables, il n'y a pas lieu de distinguer la régulation des prestations de LR et d'« in-span ». L'offre d'interconnexion en ligne (dite « in-span ») offerte par France Télécom est donc réplicable par les opérateurs ayant souscrit des offres de colocalisation auprès de France Télécom. Même si ces offres d'« in-span » sont peu répandues sur le marché, il n'est plus nécessaire de maintenir une obligation d'orientation vers les coûts pour ces prestations. L'Autorité impose donc également une interdiction de pratiquer des tarifs excessifs ou évictifs sur les offres d'« in-span ».
Enfin, pour répondre à l'obligation de France Télécom de proposer une offre de sécurisation de l'acheminement des flux aux points d'interconnexion (CA notamment), celle-ci doit proposer une offre de raccordement à tous les sites d'interconnexion et d'accès utilisés (entre autres) pour la sécurisation sur laquelle pèsent les mêmes obligations que sur l'offre de raccordement aux points d'interconnexion pertinents pour les prestations d'interconnexion. En particulier, pour la sécurisation des CA, France Télécom doit proposer une offre de raccordement à tous les sites d'interconnexion et d'accès de niveau hiérarchique supérieur (centres de transit).
L'Autorité, au regard des mêmes objectifs que ceux poursuivis pour les prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel, impose donc à France Télécom l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts pour ces prestations associées, à l'exception de l'offre de liaison de raccordement et de l'offre d'« in-span » pour lesquelles elle impose l'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs ou évictifs.


IV-4.5.2. Interdiction de pratiquer des tarifs excessifs pour la prestation de reversement


L'Autorité a précisé dans sa décision n° 2007-0213 de régulation symétrique en date du 16 avril 2007 que la commercialisation des SVA repose sur une règle de reversement qui détermine un partage raisonnable de la rémunération entre l'opérateur de boucle locale fixe et l'exploitant du numéro SVA.
Un niveau de partage raisonnable s'entend comme un partage reflétant le fait que le service est fourni à l'appelant conjointement par l'opérateur départ et par l'éditeur de contenu. Il est donc le fruit d'une négociation entre les parties et doit constituer une répartition juste de la valeur ajoutée.
L'ADRT conteste l'imposition de l'obligation d'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs pour la prestation associée de reversement et souhaite que cette prestation soit orientée vers les coûts.
Selon l'Autorité, une obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts serait peu appropriée compte tenu des prestations variées, de nature essentiellement commerciale, qui, au-delà du simple acheminement d'une communication électronique en départ d'appel vers des numéros de SVA sont celles attachées aux modalités de commercialisation (i.e. facturation, encaissement, recouvrement, publication des tarifs associés à sa grille tarifaire, relation clientèle dont la gestion des réclamations et reversement d'une partie des sommes perçues à l'exploitant du numéro SVA).
A l'inverse, compte tenu de la coopération nécessaire entre l'OBL et le fournisseur de service pour délivrer les services à valeur ajoutée, il apparaît peu justifié de contraindre seulement l'une des parties à cette coopération par l'obligation de fournir sa participation à des prix « orientés vers les coûts ».
Comme dans sa décision de régulation asymétrique n° 2007-0667 en date du 6 septembre 2007, l'Autorité estime donc qu'il est proportionné d'imposer à France Télécom une obligation de pratiquer des tarifs non excessifs sur les taux de rétention de sa prestation de reversement complétant l'obligation de tarifs raisonnables imposée par la décision n° 2007-0213 aux offres de reversement des opérateurs départ pour les communications à destination des SVA. Ainsi ce tarif, qui doit refléter équitablement l'apport de chaque acteur dans la création de valeur ajoutée, ne doit pas être excessif dans le cas de France Télécom, du fait de sa situation particulière.
De plus, comme elle l'avait fait en 2007, l'Autorité considère que le caractère non excessif peut être notamment évalué à l'aune du niveau des taux habituellement appliqués sur le marché français mais également de comparaisons internationales pour des prestations comparables mais que cette dernière possibilité est considérablement limitée par l'existence de fortes adhérences aux contextes juridiques et économiques nationaux (5), qui rend difficile et limite la pertinence des comparaisons internationales. Une entreprise telle que France Télécom qui exerce une influence significative sur le marché de gros du départ d'appel et sur les marchés de détail de l'accès, est réputée pratiquer des tarifs excessifs notamment lorsqu'elle utilise sa puissance de marché pour élever ses prix significativement au-dessus de ses coûts sans rapport avec sa contribution dans la création de valeur ajoutée liée à la commercialisation des SVA. Les profits dégagés sont alors supérieurs à ce qui serait attendu sur un marché concurrentiel et permettent la constitution d'une rente pour l'opérateur puissant, au détriment de l'utilisateur final ou de la concurrence sur d'autres marchés.
Cette obligation est donc proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».


IV-4.6. Obligations comptables imposées à France Télécom


L'obligation d'orientation des tarifs vers les coûts d'un opérateur efficace imposée à France Télécom permet d'éviter qu'elle profite d'une situation monopolistique sur la terminaison d'appel et dominante sur le départ d'appel pour en tirer une rente. La mise en œuvre de cette obligation est associée à l'imposition de l'obligation de comptabilisation des coûts, qui après spécification des règles, permet à l'Autorité de développer un référentiel de coûts robuste de France Télécom et, en se dotant d'un outil de modélisation complémentaire, d'apprécier son efficacité.
En effet, l'article L. 38-I (5°) du code des postes et des communications électroniques précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications électroniques peuvent se voir imposer, [...] [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».
Le caractère intégré et le positionnement de France Télécom sur les marchés des communications électroniques peuvent se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et de détail, qui peuvent être mis sous surveillance grâce notamment à l'imposition sur les marchés de gros d'une obligation de séparation comptable.
L'obligation de séparation comptable est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, et en particulier les 2°, 3° et 4°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées.
Les modalités de mise en œuvre de l'obligation de séparation comptable ont été précisées dans la décision n° 2006-1007 en date du 7 décembre 2006 portant sur les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom. L'Autorité estime qu'il convient de maintenir les dispositions prévues par la décision n° 2006-1007 concernant les marchés de la téléphonie fixe sur la période d'application de la présente décision, sans préjudice de toute décision ultérieure.
Au titre des obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposées au niveau des marchés de l'accès et de l'interconnexion, la décision n° 2006-1007 impose à France Télécom de produire des comptes relatifs aux marchés de détail situés en aval, c'est-à-dire les marchés de détail de l'accès et les marchés de détail des communications. L'Autorité explicite les modalités de ces restitutions dans la section IV-5.2.2.2 du présent document.
Par ailleurs, la décision n° 2007-0667 en date du 6 septembre 2007 a étendu les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts pesant sur France Télécom à son offre de reversement, laquelle constitue une prestation associée aux prestations du marché du départ d'appel, déjà soumis à cette obligation. Cette extension demeure justifiée et proportionnée dans le cadre de la présente analyse de marché.


IV-4.7. Obligations imposées aux autres opérateurs
que France Télécom sur le marché de gros de la terminaison d'appel fixe
IV-4.7.1. Interdiction de pratiquer des tarifs excessifs
pour les prestations de terminaison d'appel


L'article 13 de la directive « Accès » ainsi que l'article L. 38-I (4°) du CPCE prévoient que l'Autorité peut imposer à un opérateur disposant d'une influence significative différentes obligations visant à assurer le contrôle des prix des offres d'accès et d'interconnexion, y compris l'obligation pour les tarifs de refléter les coûts.
Comme cela a été démontré précédemment, les prestations de terminaison d'appel fixe vers les réseaux alternatifs ont une importance particulière du fait des risques de distorsion concurrentielle qu'elles emportent et des volumes croissants terminant sur les réseaux alternatifs.
Il est donc nécessaire d'imposer une régulation tarifaire aux opérateurs alternatifs sur leurs prestations de terminaison d'appel, ainsi que, et de manière cohérente, sur les prestations qui leur sont associées. Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ».
L'Autorité estime toutefois justifié de limiter les obligations imposées aux opérateurs fixes de boucle locale alternatifs en matière de contrôle des prix à celle de « ne pas pratiquer de tarifs excessifs ». Elle distingue ainsi la régulation de l'opérateur historique France Télécom sur le marché de sa terminaison d'appel fixe par rapport à celle imposée aux OBL.
En effet, même si la concurrence sur les accès par les alternatifs se développe, à l'horizon de la présente analyse, la part de marché d'accès de France Télécom reste très supérieure à celle de tous ses concurrents. Ainsi, le poids de la terminaison d'appel d'un tel opérateur sur le modèle économique des opérateurs tiers, et notamment sur celui de France Télécom, reste encore relativement limité.
De plus, l'imposition d'une obligation d'orientation vers les coûts aurait un caractère disproportionné pour les opérateurs alternatifs compte tenu des obligations comptables qui y seraient associées.
Ainsi l'Autorité estime-t-elle que, concernant la terminaison d'appel d'un opérateur alternatif, un tarif ne reflétant pas les coûts, mais soumis à une obligation de non-excessivité, ne pourrait contraindre la capacité des opérateurs tiers à proposer des offres globales compétitives.
L'Autorité estime donc proportionné aux objectifs de concurrence loyale et effective recherchés de différencier les obligations tarifaires imposées à France Télécom de celles imposées aux opérateurs alternatifs, en imposant à France Télécom de fixer des tarifs reflétant les coûts, tout en limitant la contrainte tarifaire des opérateurs alternatifs à une interdiction de fixer des tarifs excessifs.
En conséquence, l'Autorité impose aux opérateurs de boucle locale alternatifs en matière de contrôle des tarifs l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs excessifs. Elle est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II précités et en particulier les 2°, 3° et 4°.


IV-4.7.2. Modalité du contrôle tarifaire des tarifs d'interconnexion des opérateurs alternatifs
IV-4.7.2.1. Définition du contrôle


Comme l'Autorité l'a indiqué supra, il est nécessaire de mettre en œuvre une réduction des écarts existants sur le tarif des terminaisons d'appel fixe. L'imposition d'une interdiction de pratiquer des tarifs excessifs pour la terminaison d'appel des opérateurs alternatifs permet de mettre en œuvre ce principe.
En effet, l'appréciation de la non-excessivité d'un tarif de TA doit tenir compte :
― des coûts pertinents d'un opérateur efficace pour la fourniture de la prestation de TA ;
― de l'écart entre ce tarif et les tarifs pratiqués par les autres opérateurs et en particulier France Télécom (dont la prestation de TA est orientée vers les coûts d'un opérateur efficace) et des risques de distorsion concurrentielle que cet écart implique ;
― des effets de cet écart sur les marchés de détail, notamment pour les consommateurs.
Les éléments de coûts que l'Autorité retiendra pour apprécier le caractère non excessif de la terminaison d'appel des alternatifs sont les mêmes que les éléments retenus pour déterminer l'encadrement pluriannuel des tarifs de la terminaison d'appel de France Télécom. En effet, en application de l'article D. 311 du CPCE, « l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à ce que les méthodes retenues [pour la tarification et la comptabilisation des coûts] promeuvent l'efficacité économique, [...] ». La référence de coûts d'un opérateur efficace définie pour déterminer l'encadrement tarifaire pluriannuel de la terminaison d'appel de France Télécom est donc également la référence de coûts pertinente pour les opérateurs alternatifs. Cette référence est pertinente pour les opérateurs alternatifs de portée nationale comme pour les opérateurs alternatifs qui ciblent un marché de détail et/ou une zone géographique particulière car, comme l'Autorité l'a indiqué, ces paramètres ne constituent pas des éléments justifiant des asymétries différenciées et de long terme.
Par ailleurs, la non-excessivité d'un tarif de terminaison se fonde aussi sur les risques potentiels de distorsion découlant des différences entre les tarifs des terminaisons d'appel des différents opérateurs. Des distorsions dues à un écart trop important entre deux terminaisons d'appel peuvent notamment affecter le bon fonctionnement de certains marchés de détail.
Enfin, des écarts de terminaison d'appel trop importants peuvent entraîner d'autres problèmes sur les marchés de détail, comme la différenciation des tarifs de détail en fonction de la TA pratiquée par l'opérateur de destination, ce qui dégrade la lisibilité des tarifs pour les consommateurs.
L'Autorité a toujours tenu compte de l'ensemble de ces éléments pour fixer les niveaux de terminaisons d'appel des opérateurs sur lesquels pesait une interdiction de pratiquer des tarifs excessifs mais les raisons qui ont justifié des asymétries de TA par le passé (date d'entrée sur le marché et prise en compte de risques supplémentaires pour les opérateurs alternatifs notamment) perdent de leur pertinence avec le temps alors que les problèmes concurrentiels créés par les écarts de TA demeurent. C'est pourquoi l'Autorité a toujours indiqué que les écarts de tarifs de terminaison d'appel qu'elle autorisait les opérateurs alternatifs à pratiquer ne l'étaient que de manière transitoire. Cette transition doit maintenant être définie pour faire converger les TA des opérateurs alternatifs vers le niveau de la terminaison d'appel d'un opérateur efficace. L'opérateur historique étant soumis à une obligation d'orientation vers les coûts d'un opérateur efficace, il en découle que l'écart de terminaison d'appel entre opérateurs alternatifs et historique doit disparaître à l'issue d'une période de transition de quelques années et que les niveaux s'égalisent sur celui d'un tel opérateur efficace.
En ce sens, l'appréciation de la non-excessivité suit une approche similaire tant pour la terminaison d'appel vocal mobile que pour la terminaison d'appel fixe.
L'Autorité constate que la plupart des acteurs (34) reconnaissent que la symétrie des terminaisons d'appel doit, à terme, être atteinte. En particulier, l'Autorité relève que l'AFORTS affirme que les effets qu'elle a identifiés pour justifier le maintien d'une asymétrie transitoire « sont naturellement destinés à s'amoindrir dans le temps ».
L'Autorité constate que la grande majorité des opérateurs alternatifs pratiquent aujourd'hui une terminaison d'appel à 1,088 centime d'euro par minute, soit le tarif plafond défini dans le cadre du règlement de différend ayant opposé les sociétés France Télécom et Neuf Telecom (35) en 2006. Ce tarif, défini au cas d'espèce en 2006, n'a presque pas évolué depuis (1,11 centime d'euro par minute jusqu'au 31 décembre 2006 également selon la décision de règlement de différend, 1,088 centime d'euro par minute du 1er janvier 2007 au 1er septembre 2008) alors que le tarif de France Télécom baissait d'environ 10 % au 1er janvier 2008 à 0,49 centime d'euro par minute.
En cela, l'Autorité estime que les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs doivent baisser dans un délai rapproché en application de la présente décision.
A ce sujet, France Télécom estime que l'Autorité « devrait établir des niveaux de terminaison d'appel symétriques dès le premier jour de l'entrée en vigueur de l'analyse de marché » compte tenu des effets d'une terminaison d'appel asymétrique sur le marché. A l'inverse, l'AFORTS et Neuf Cegetel évaluent à six ans la période à l'issue de laquelle la symétrie des terminaisons d'appel doit être achevée. Cette durée est, selon l'AFORTS, « cohérente avec d'une part l'amortissement des équipements, et d'autre part l'atteinte de véritables effets d'échelle par les opérateurs alternatifs ».
L'Autorité estime qu'il n'est pas pertinent que l'écart entre la terminaison d'appel de France Télécom et celle des alternatifs soit annulé de façon immédiate. En effet, les facteurs qui ont justifié une asymétrie des terminaisons d'appel (et notamment la date d'entrée sur le marché ou la prise en compte de risques supplémentaires pour les opérateurs alternatifs) ne disparaissent pas à l'occasion de l'analyse des marchés de l'Autorité : une période de transition doit être définie. D'ores et déjà, une baisse au début du cycle permettra de réduire les risques de distorsion concurrentielle et de limiter les éventuelles rentes perçues par les opérateurs alternatifs. De plus, il est nécessaire de donner aux opérateurs suffisamment de visibilité sur leurs revenus et charges d'interconnexion et de ne pas remettre en cause leurs stratégies d'investissement.

(34) Parmi les réponses à la consultation publique sur les référentiels de coûts et autres éléments pertinents pour la mise en œuvre des obligations de contrôle tarifaire des prestations de terminaison d'appel et de départ d'appel sur les réseaux fixes, seule celle de Bouygues Telecom conteste l'objectif de symétrie tout en adhérant au principe d'efficacité retenu par l'Autorité. (35) Décision n° 2006-0551 de l'ARCEP en date du 30 mai 2006 se prononçant sur un différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Telecom.