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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



Parmi ces pays, l'Italie et le Royaume-Uni ont imposé un encadrement tarifaire pluriannuel sur les tarifs de terminaison d'appel local de l'opérateur historique. Par ailleurs, il convient de noter que la décision n° 251/08/CONS de l'AGCOM en date du 14 mai 2008 ne concerne pas la terminaison d'appel local de Telecom Italia mais uniquement le tarif d'interconnexion au niveau des commutateurs de transit, fixé à un niveau de 0,57 centime d'euro par minute en 2010 (contre 0,74 centime d'euro en 2008). Le niveau de la terminaison d'appel de Telecom Italia au niveau du commutateur d'abonné est défini dans la décision n° 417/06/CONS du 28 juin 2006.
Cette comparaison montre que le niveau de la terminaison d'appel local de France Télécom n'est pas significativement différent de celui d'autres opérateurs historiques en Europe et se situe dans la fourchette haute des cinq opérateurs analysés ici.
Si le benchmark européen des niveaux de terminaison d'appel fournit des indications sur les pratiques à travers l'Europe, il convient de ne pas s'en servir comme source première et unique de régulation pour la terminaison d'appel fixe et de prendre en compte les spécificités de chaque pays.


IV-4.2.5. Perspectives


Les éléments de coûts fondés principalement sur les technologies RTC seront amenés, dans les prochaines années, à perdre toute pertinence au profit des éléments de coûts fondés sur les technologies IP. L'ensemble des opérateurs, y compris France Télécom, ont commencé leur phase de transition technologique.
L'Autorité envisage en cela de construire, durant le deuxième cycle d'analyse des marchés, un modèle d'opérateur efficace utilisant principalement les technologies NGN qui permettra de définir les niveaux de terminaison d'appel des opérateurs fixes pour le cycle suivant. Ce modèle rejoint le modèle technico-économique NGN développé ci-dessus et devrait, a priori, fournir des niveaux de terminaison d'appel plus faibles que les niveaux actuels grâce aux gains d'efficacité que le déploiement des réseaux NGN offre sur le long terme. Les coûts de transmission devraient décroître avec la mutualisation des liens avec d'autres applications (Internet, TV, etc.) ; les coûts de commutation/routage devraient également décroître avec les capacités accrues des équipements et la baisse de leur coût unitaire (déjà constatée par l'Autorité à l'occasion de la mise à jour du modèle technico-économique en 2007).
L'Autorité souligne par ailleurs qu'il ne lui semble pas possible de construire un modèle technico-économique suffisamment robuste pour la période spécifique de transition technologique d'un réseau RTC à un réseau NGN et qui fonderait seul l'obligation de contrôle tarifaire. Les modélisations que l'Autorité décrit précédemment sont les références qu'elle estime être les plus pertinentes pour estimer le signal d'efficacité qui doit fonder le contrôle tarifaire au cours du prochain cycle.
Par ailleurs, comme l'Autorité l'a rappelé supra, le coût de la prestation de terminaison d'appel comporte notamment des coûts de transmission, i.e. des coûts joints qui sont supportés par de nombreux produits (voix entrante et sortante, Internet, TV, etc.).
C'est pourquoi il convient de souligner que la référence actuelle de coûts de la terminaison d'appel fixe est une référence de coûts complets distribués, avec un service dédié, l'abonnement, qui couvre les coûts de l'accès. Dans le futur, cette référence de coûts et les méthodologies d'allocation de ces coûts pourraient être amenées à évoluer de façon conjointe avec la référence de coûts et les méthodologies utilisées pour la terminaison d'appel mobile, afin de garantir que, dans un contexte de convergence croissante entre services fixe s et mobiles, la régulation suit bien le principe de neutralité technologique pour favoriser le développement de la technologie la plus efficace.


IV-4.2.6. Conclusion


L'Autorité a présenté supra l'ensemble des éléments à sa disposition afin de déterminer le coût de la fourniture d'une terminaison d'appel efficace. Ces éléments illustrent la difficulté de définir des coûts prospectifs pour une prestation principalement composée de coûts joints et soumise à des évolutions technologiques importantes. La définition des coûts d'un opérateur efficace doit réconcilier les différentes sources de coûts contradictoires dont l'Autorité dispose.
A ce titre, les résultats de l'exercice de séparation comptable et de comptabilisation des coûts mené en 2006 fournissent une indication connue, auditée et fiable des coûts d'un des opérateurs du secteur pour fournir la prestation de terminaison d'appel et, par conséquent, un majorant des coûts d'un opérateur efficace, selon une méthodologie de coûts complets distribués. De plus, ces niveaux sont en accord avec les niveaux de terminaison d'appel local constatés dans plusieurs pays européens, en particulier en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni.
Par ailleurs, les résultats de la modélisation des coûts prospectifs fournie par France Télécom pour la période 2008-2012 montrent une croissance du coût unitaire de la terminaison d'appel. Si l'Autorité reconnaît que la transition technologique du cœur de réseau de France Télécom, conjuguée à la baisse des volumes acheminés sur ce réseau, peut entraîner la comptabilisation de coûts de transition par France Télécom, ceux-ci ne doivent pas être répercutés sur la prestation de terminaison d'appel, qui ne bénéficie a priori pas de cette transition. Dans ce contexte, la hausse du tarif unitaire calculée par le modèle de France Télécom ne semble pas compatible avec, d'une part, les autres références dont dispose l'Autorité et, d'autre part, les évolutions attendues des coûts de fourniture de la prestation de terminaison d'appel d'un opérateur efficace induites notamment par la mise en œuvre des technologies IP. L'Autorité constate par ailleurs que les encadrements tarifaires pluriannuels qu'elle a étudiés dans d'autres pays européens (Royaume-Uni, Italie) sont toujours orientés à la baisse.
Enfin, la modélisation technico-économique effectuée par l'Autorité des coûts d'un opérateur utilisant uniquement un réseau NGN permet de disposer d'une première évaluation du niveau de terminaison d'appel symétrique une fois la transition technologique achevée. Si cette évaluation correspond à une modélisation pertinente d'un opérateur efficace, notamment en termes de dimensionnement de réseau et d'architecture d'interconnexion, les résultats devront être affinés à l'aide de données plus précises sur l'organisation d'un réseau NGN, les prix des équipements à maturité, la méthode retenue pour l'allocation des coûts joints, ou la manière dont une interconnexion en mode IP peut être envisagée. Néanmoins, les résultats fournis par cette modélisation sont inférieurs, voire très inférieurs, au tarif actuel pratiqué par France Télécom. En première analyse, l'Autorité estime donc que les coûts de terminaison d'appel d'un opérateur efficace utilisant la technologie NGN seront inférieurs à ce tarif.
En l'absence d'éléments plus précis sur les niveaux futurs de terminaison d'appel sur des réseaux NGN, l'évolution faite dans le prochain cycle doit être compatible avec les futurs travaux menés sur ce sujet et ne pas préempter les résultats qui en seront tirés. S'il est donc légitime d'envisager une baisse de la terminaison d'appel d'un opérateur efficace sous l'effet du progrès technique et des gains d'efficacité, il convient de limiter cette baisse aux éléments de coûts connus de l'Autorité.


IV-4.3. Obligations tarifaires imposées à France Télécom
sur les marchés de gros de la terminaison d'appel fixe
IV-4.3.1. Obligation d'orientation vers les coûts des tarifs des prestations de terminaison d'appel


L'examen de la puissance de marché de France Télécom sur les marchés de gros pertinents a montré que France Télécom dispose d'une position durable de puissance sur le marché de la terminaison d'appel vers son réseau. De plus, il a été montré que cette prestation est incontournable pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques en France, qui ne disposent dès lors d'aucun contre-pouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose France Télécom. L'Autorité a également montré que France Télécom était puissante sur les marchés pertinents de détail de l'accès et le marché de gros du départ d'appel. Enfin, France Télécom est une entreprise verticalement intégrée qui intervient sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe et jouit sur ces marchés d'une position de leader (cf. partie « Bilan et perspective »).
L'Autorité note que l'absence d'obligation d'orientation vers les coûts pourrait permettre à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à son monopole sur sa terminaison d'appel et sa position dominante sur le départ d'appel. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés.
L'Autorité estime donc que les tarifs des prestations de terminaison d'appel de France Télécom doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne donc notamment tous les éléments de l'offre technique et tarifaire « Accès, interconnexion et service téléphonique » relatifs aux prestations de terminaison d'appel.
Dans ses décisions de régulation précédentes, l'Autorité avait imposé une obligation d'orientation vers les coûts par laquelle France Télécom était obligée de fixer des tarifs qui reflètent les coûts qu'elle avait encourus. A ce titre et en application de l'article D. 311 du CPCE, l'Autorité pouvait demander à France Télécom de justifier intégralement ses tarifs et, si nécessaire, en exiger l'adaptation.
L'obligation imposée à France Télécom pour le cycle de trois ans consécutif à l'adoption de la présente décision est également une obligation de « pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants », conformément à l'article L. 38 (4°) du CPCE, mais sa modalité d'application prend dorénavant la forme d'un encadrement pluriannuel des tarifs, comme le prévoit l'article D. 311 du CPCE.
De plus, en application de ce même article D. 311 (33), la référence de coûts retenue pour définir cet encadrement pluriannuel des tarifs est celle des coûts d'un opérateur efficace.

(33) « L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à ce que les méthodes retenues prom euvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur. »