III-4.3. Economies d'échelle et de gamme
La position de France Télécom sur l'ensemble des marchés de détail de l'accès et des communications lui permet de bénéficier d'économies d 'échelle et de gamme importantes sur le départ d'appel. En effet, l'activité de France Télécom couvre l'ensemble des produits proposés sur le marché des communications électroniques et l'ensemble du territoire national sur lequel elle peut compter sur une densité de clients importante, équilibrée et durable.
Aucun opérateur alternatif présent sur le marché ou nouvel entrant ne pourrait bénéficier d'une structure de coûts équivalente à celle de France Télécom.
III-4.4. Absence de contre-pouvoir d'acheteurs
Pour intervenir sur les marchés de détail des communications, les opérateurs tiers peuvent soit acheter des prestations d'accès à la boucle locale de France Télécom (dégroupage, bitstream), soit s'appuyer sur la prestation de départ d'appel de France Télécom notamment via la sélection du transporteur. En cas de hausse unilatérale de France Télécom sur ses tarifs de départ d'appel, les opérateurs acheteurs ne disposeraient d'aucun contre-pouvoir si ce n'est l'achat de prestations de gros d'accès à la boucle locale de France Télécom, prestations qui demandent un temps et des investissements sans commune mesure avec les conditions d'achat des prestations de départ d'appel. Cette possibilité ne constitue donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à influer la position de France Télécom sur le départ d'appel.
Il n'existe donc pas de pouvoir d'achat compensateur susceptible de s'exercer sur les prestations de départ d'appel fournies par France Télécom.
III-4.5. Evolution prospective du marché
D'un point de vue prospectif, la tendance actuelle de progression des parts de marché alternatives sur le marché du départ d'appel devrait se poursuivre au cours du prochain cycle d'analyse de marché, sous l'impulsion du développement des offres de gros d'accès à la boucle locale de France Télécom. Pour autant, cette évolution devrait rester limitée à l'horizon de la présente analyse et la situation du marché du départ d'appel ne devrait donc pas évoluer de façon significative au cours de la période couverte par la présente analyse.
III-4.6. Commentaires des acteurs sur l'analyse de l'Autorité
Les acteurs, dans la consultation publique lancée par l'Autorité sur son projet de décision, n'ont pas exprimé de commentaires remettant directement en cause l'analyse de l'Autorité sur l'influence s ignificative sur le marché du départ d'appel qu'elle a défini.
III-4.7. Avis du Conseil de la concurrence
Le Conseil de la concurrence souscrit à l'analyse de l'Autorité en ce qui concerne l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée.
III-4.8. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée.
III-4.9. Conclusion
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime que France Télécom détient une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci-avant sur le territoire d'analyse pour la période d'analyse.
IV. - OBLIGATIONS
L'Autorité ayant délimité des marchés, démontré leur pertinence pour une régulation sectorielle ex ante, puis établi l'existence sur chacun d'eux d'un opérateur exerçant une influence significative, il convient de définir les remèdes à appliquer afin de permettre le développement d'une concurrence effective.
Dans la suite, l'Autorité, dans un souci de lisibilité, s'est attachée à intégrer, le cas échéant, les principaux commentaires des acteurs dans chaque partie visant à définir un remède.
IV-1. Objectifs de l'action réglementaire
Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché est effectivement concurrentiel, l'Autorité peut proposer la suppression des éventuelles obligations qui s'y appliquaient jusqu'alors. Dans le cas contraire, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme puissantes les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE.
Les remèdes disponibles que peut imposer l'Autorité peuvent concerner les marchés de gros (transparence, non-discrimination, séparation comptable, etc.) et les marchés de détail (non-discrimination, contrôle tarifaire, etc.).
Conformément à l'article L. 38-1 du CPCE, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros et n'envisage une régulation via les marchés de détail que lorsque l'imposition d'obligations de gros ne suffit pas à atteindre l'objectif poursuivi. Dans cette logique, sont examinées dans les chapitres IV.2, IV.3 et IV.4 les obligations imposées sur les marchés de gros, puis dans le chapitre IV.5, les éléments justifiant la levée de toute obligation sur les marchés de détail.
Par ailleurs, l'article 19 de la directive « service universel » et l'article L. 38.II du CPCE prévoient la possibilité pour l'Autorité d'imposer la sélection du transporteur aux opérateurs exerçant une influence significative sur les marchés de détail de l'accès au service téléphonique. Le code dispose ainsi que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur le marché du raccordement aux réseaux téléphoniques fixes ouverts au public sont tenus de fournir à tout opérateur les prestations d'interconnexion et d'accès nécessaires pour que leurs abonnés puissent, à un tarif raisonnable, présélectionner le service téléphonique au public de cet opérateur et écarter, appel par appel, tout choix de présélection en composant un préfixe court ; les tarifs de ces prestations reflètent les coûts correspondants ». L'expression « marché du raccordement » renvoyant aux marchés de détail de l'accès et la directive « service universel » considérant des obligations sur les marchés de détail, il apparaît que cette obligation est un remède pouvant être imposé au titre de l'influence significative exercée sur lesdits marchés de détail. Néanmoins, s'agissant en pratique d'une offre de gros, l'Autorité traitera la sélection du transporteur dans la partie IV.2 relative aux obligations génériques imposées à France Télécom au niveau des marchés de gros.
L'obligation de vente en gros de l'accès au service téléphonique, répondant rigoureusement aux mêmes considérations, sera é galement traitée dans la partie IV.2 bien qu'étant imposée au titre de l'influence significative exercée sur les marchés de détail.
IV-2. Obligations non tarifaires d'interconnexion et d'accès imposées à France Télécom
L'influence significative qu'exerce France Télécom sur certains marchés de gros et de détail de la téléphonie fixe rend nécessaire l'imposition de remèdes sur ces marchés.
L'Autorité justifie dans cette partie la nécessité et la proportionnalité des obligations non tarifaires qu'elle lui impose, dans le présent document, sur les marchés de gros.
De plus, cette partie identifie les raisons conduisant à imposer à France Télécom des obligations différentes des obligations imposées aux autres opérateurs, qui exercent une influence significative seulement sur le marché de gros de leur terminaison d'appel.
Ces obligations sont imposées à France Télécom pour la durée de validité de cette analyse, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.
IV-2.1. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
Comme cela a été démontré précédemment, France Télécom dispose d'une influence significative sur l'ensemble des marchés pertinents de détail et de gros de la téléphonie fixe identifiés dans la nouvelle recommandation de la Commission européenne, à l'exception des marchés de la terminaison d'appel vers les autres réseaux.
Par conséquent, afin de permettre aux opérateurs d'intervenir dans des conditions équivalentes sur les marchés de détail situés en aval, il est nécessaire d'imposer à France Télécom une obligation de fournir, en réponse aux demandes raisonnables des opérateurs alternatifs, des prestations d'accès, lorsque celles-ci sont relatives aux marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative, ou nécessaires pour l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale sur les marchés de détail.
D'une manière générale, conformément aux dispositions de l'article L. 38 V du code, le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement d'un des marchés de gros ou de détail de la téléphonie fixe.
IV-2.1.1. Obligations générales d'accès
En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour s'interconnecter sur l'un ou l'autre des équipements d'interconnexion de France Télécom, et en vertu de l'article D. 310 (3°) du CPCE, il est proportionné d'imposer à cette dernière de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable expresse de l'Autorité, conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité.
De plus, France Télécom est tenue de fournir les prestations d'accès actuellement fournies, et notamment les prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel, basées sur des protocoles de type « signalisation par canal sémaphore CCITT n° 7 » (dit SS7). France Télécom doit également continuer de fournir la prestation d'interconnexion forfaitaire pour l'Internet actuellement fournie. En effet, bien que les volumes de trafic livré pour cette prestation aient baissé, elle représente encore un produit très utilisé par les opérateurs alternatifs (9 milliards de minutes en 2006) et le maintien de cette offre d'interconnexion dans les conditions actuelles est donc indispensable.
Si les prestations d'interconnexion actuellement proposées par France Télécom utilisent uniquement le protocole SS7, l'importance croissante des offres de communications sur accès large bande (30 % du trafic au départ des postes fixes au T2 2007), la convergence des différentes normes utilisées pour la VoIP et les projets de nombreux opérateurs du secteur conduisent l'Autorité à envisager l'apparition de nouvelles architectures d'interconnexion, basées sur des interfaçages en protocole VoIP, au cours de la période analysée ici. Ces nouvelles architectures pourraient ainsi donner lieu à de nouvelles prestations de gros, ayant vocation à compléter ou à se substituer aux prestations fournies actuellement par France Télécom en mode SS7. Plus propices aux gains d'économies d'échelle et permettant de se dispenser d'équipements comme les passerelles de conversion TDM/IP, elles pourraient engendrer un gain d'efficacité pour l'ensemble du secteur. C'est pourquoi, dans un souci de neutralité technologique et afin de ne pas fausser le jeu concurrentiel, il est nécessaire que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables des opérateurs relatives à ces nouvelles architectures d'interconnexion.
Par ailleurs, France Télécom étant une entreprise verticalement intégrée fournissant tout type de prestations de détail et de gros, il est également nécessaire et proportionné, qu'elle présente les prestations qu'elle offre de façon suffisamment claire et détaillée, et qu'elle ne subordonne pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.
Enfin, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (2°), négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès relatives à ces marchés, afin, d'une part, de minimiser les cas de litige et, d'autre part, de ne pas profiter de l'influence significative qu'elle exerce sur ces marchés pour durcir les négociations avec les opérateurs.
Ces obligations sont conformes aux critères fixés par l'article L. 38 V en particulier les a, b et d en ce qu'elles sont aujourd'hui fournies par France Télécom et permettent le développement de la concurrence. Elles sont proportionnées aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE précités, en particulier les 2°, 3° et 4°.
IV-2.1.1.1. Prestations d'accès et d'interconnexion associées
Les offres d'accès et d'interconnexion incluent un ensemble de prestations élémentaires dont la fourniture est nécessaire au bon acheminement des communications des opérateurs alternatifs et à leur activité. Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès et la prestation de reversement.
1. Raccordement des sites d'interconnexion et d'accès
L'utilisation effective de prestations d'acheminement suppose le raccordement physique des réseaux de communications électroniques entre eux. Ainsi, les offres de gros d'accès au réseau de France Télécom ne peuvent être opérationnelles que si elles sont accompagnées de prestations connexes adaptées, nécessaires à leur utilisation par les opérateurs alternatifs.
L'Autorité estime que les obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès précitées doivent dès lors s'accompagner d'obligations connexes concernant l'accès aux sites d'interconnexion.
Il est donc nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de raccordement de leurs équipements dans ses propres sites. En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès aux prestations de départ d'appel ou de terminaison d'appel serait vidée de son sens puisque aucun opérateur ne pourrait placer ses équipements de réseau.
France Télécom propose actuellement les solutions de raccordement suivantes :
― une offre de colocalisation qui permet à un opérateur de pouvoir accéder au site de l'opérateur en installant ses équipements de transmission directement dans les locaux de France Télécom. C'est la solution la plus directe pour un opérateur alternatif, mais elle représente des frais d'investissement importants : un tel investissement ne se justifie donc qu'au-delà d'un certain seuil de trafic ;
― une offre de liaisons de raccordement qui permet à un opérateur de pouvoir livrer son trafic de terminaison au niveau de son point de présence, l'acheminement du trafic entre ce point et le point d'interconnexion se faisant sur un lien pris en charge par un opérateur tiers. Elle représente des coûts variables et récurrents et se prête à des volumes de trafic plus faibles. Elle peut être fournie par France Télécom, ou par un autre opérateur colocalisé dans le site de l'opérateur ;
― une offre d'interconnexion en ligne dite « In-Span », qui est une solution intermédiaire où l'interconnexion physique des réseaux se fait non pas dans les locaux de France Télécom mais dans un lieu proche de ce dernier.
Tous ces moyens d'accès sont nécessaires au développement de la concurrence sur les marchés de gros de la téléphonie fixe en ce qu'ils permettent à un opérateur de disposer de plusieurs options dans sa logique de déploiement et de pouvoir se déployer au niveau d'un site d'interconnexion même avec des volumes relativement faibles.
Il est donc nécessaire que France Télécom continue à fournir ces prestations. En effet, leur suppression ou modification aurait pour conséquence de déstabiliser le marché et les plans d'affaire des opérateurs alternatifs. Dans la mesure où ces prestations sont déjà offertes aujourd'hui et sont nécessaires à l'activité des opérateurs tiers, leur imposition répond aux critères de l'article L. 38-V du code, en particulier les a, b, c et d.
De plus, avec le développement du dégroupage, de nombreux sites utilisés pour l'interconnexion sont également utilisés pour l'accès aux équipements de la boucle locale de France Télécom. Plusieurs opérateurs alternatifs ont demandé la possibilité de mutualiser les ressources dédiées à l'interconnexion avec celles dédiées au haut débit. Ces opérateurs souhaitent que soit levée l'interdiction de maintenir des équipements de transmission installés pour la collecte DSL en cas de résiliation des BPN, ce maintien n'entraînant selon eux aucun coût ou complexité technique supplémentaires pour France Télécom. Aujourd'hui, les prestations annexes associées aux deux types de produits de gros font en effet l'objet d'offres distinctes, ce qui conduit parfois les opérateurs à acheter à la fois des espaces pour l'interconnexion et des espaces pour le dégroupage ou le bitstream. L'Autorité estime qu'il est pertinent, pour ce type de site hébergeant plusieurs prestations de gros, et lorsque la configuration du site le permet, que France Télécom tienne compte des demandes des autres opérateurs concernant la mutualisation des espaces loués pour l'interconnexion et pour l'accès à la boucle locale. La mise en œuvre de ce principe relève des négociations entre France Télécom et les opérateurs tiers, au vu des circonstances du cas d'espèce (configuration du site, spécification de la demande, etc.).
Enfin, l'Autorité constate que de nombreux opérateurs utilisent des interconnexions au niveau des centres de transit de France Télécom pour sécuriser les acheminements de trafic qui devraient être livrés aux commutateurs d'abonnés reliés à ces centres de transit. Ce type de dispositif de sécurisation est souhaitable dans la mesure où il garantit l'acheminement et la qualité des communications, comme elle l'avait précisé dans sa décision n° 2000-0030 du 5 janvier 2000 sur un différend entre Télécom Développement et France Télécom.
C'est pourquoi l'Autorité considère que les prestations de raccordement des sites d'interconnexion et d'accès au niveau des centres de transit sont également des offres associées aux prestations d'interconnexion au niveau des commutateurs d'abonnés.
De manière générale, l'Autorité considère que toute offre de sécurisation du trafic pour une prestation d'acheminement de trafic est une prestation associée à cette dernière.
Conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1-II du code, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose au titre de l'article D. 310 (1° et 3°) du code une offre de raccordement des équipements des autres opérateurs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima les trois offres précitées.
2. Prestation de reversement
Dans sa décision de régulation symétrique n° 2007-0213, l'Autorité impose une obligation à tout opérateur départ d'un appel vers un numéro SVA de faire droit aux demandes raisonnables de reversement d'une partie des montants facturés au client final, l'opérateur départ ayant la charge de facturer le client final en son nom propre et de reverser une partie des sommes ainsi facturées à l'exploitant de numéro. Sans accord raisonnable quant à cette prestation de reversement, l'interopérabilité des SVA et leur acheminement de bout en bout peuvent être remis en cause par l'un ou l'autre des acteurs. C'est pourquoi cette obligation est un complément nécessaire à l'obligation d'accessibilité imposée à l'opérateur départ.
Cette obligation imposée aux opérateurs départ, et en particulier à France Télécom, apparaît pleinement conforme aux objectifs poursuivis par l'Autorité, et notamment ceux qui lui sont imposés aux 2°, 4° et 10° de l'article L. 32-1-II du CPCE.
Enfin, l'Autorité l'estime proportionnée en ce qu'elle est indispensable au développement de services sur des numéros SVA du plan national de numérotation, compte tenu des faibles montants que les communications à destination de ces numéros SVA engendrent et de la consommation en règle générale à l'acte de ces services.
La décision n° 2007-0667 a défini le contenu de la prestation de reversement de France Télécom :
« En ce qui concerne France Télécom, la modalité de commercialisation des SVA se traduira contractuellement par la mise à disposition d'une facturation et d'un recouvrement en son nom propre auprès du client final, lesquels s'accompagneront du reversement aux fournisseurs de services d'une partie des sommes facturées à l'utilisateur final appelant, comme cela est déjà le cas pour les services à valeur ajoutée à paliers bas et intermédiaires. Il ne s'agira en aucun cas d'une offre de recouvrement pour compte de tiers.
France Télécom maintiendra par ailleurs, dans le cadre de son offre de reversement, les modalités existantes de fixation des tarifs de détail des SVA. Elle propose ainsi une palette de structures et de niveaux tarifaires respectant les règles de gestion du plan public de numérotation, dans lesquels les fournisseurs de services ou leurs intermédiaires techniques choisissent la structure et le niveau de prix de détail du SVA fourni au départ de la boucle locale de France Télécom qui leur conviennent. Ces modalités de fixation des prix ainsi que les paliers existants ne sont pas amenés à changer du fait de la mise en place de cette offre de reversement.
Quant à la composition de la facture, ci-avant détaillée, dorénavant, pour l'ensemble des appels à destination des SVA, France Télécom inclura les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture, le troisième volet disparaissant. Celle-ci comprendra l'ensemble des services gratuits, des services à paliers bas et intermédiaires (dits aussi à coûts partagés), des services à paliers élevés (dits aussi à revenus partagés) et des services de renseignements téléphoniques. France Télécom procédera par conséquent au recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients pour l'ensemble des SVA et non plus pour les seuls SVA à paliers bas ou intermédiaires, comme elle le fait déjà pour ses propres besoins.
Cette offre de reversement sera enfin indépendante du type de réseau utilisé pour acheminer les SVA : elle sera donc disponible sur l'ensemble des lignes offrant un service téléphonique (RTC et VoIP) de la boucle locale fixe de France Télécom. »
La prestation de reversement que doit fournir France Télécom au titre de la présente analyse de marché est identique à celle définie dans la décision n° 2007-0667 susvisée.
IV-2.2. Obligation de non-discrimination
L'article L. 38-I (2°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative sur un marché une obligation de non-discrimination.
L'article D. 309 du CPCE précise que l'obligation de non-discrimination fait notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».
France Télécom, entreprise intégrée verticalement, intervient sur l'ensemble des marchés de gros d'acheminement de trafic, et sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents, et exerce une influence significative sur une partie de ces marchés de gros et de détail. Il est par conséquent nécessaire de garantir que France Télécom n'avantagera pas ses propres services de détail par les moyens qu'elle leur fournit. Il est de même nécessaire que France Télécom n'avantage pas certains opérateurs, et en particulier ses filiales ou ses partenaires, en leur proposant des offres de gros privilégiées, afin d'exclure ses concurrents les plus directs des marchés de détail et de gros sous-jacents.
Une obligation de non-discrimination est donc imposée à France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros où elle exerce une influence significative. Cette obligation s'applique à toutes les prestations d'accès et d'interconnexion, y compris les prestations qui leur sont associées et notamment aux conditions techniques et tarifaires offertes par voie contractuelle, aux contenus et à la qualité des informations fournies dans les processus mis en œuvre pour l'accès et l'interconnexion, aux délais de fourniture des offres de gros, ou encore à la qualité de service offerte.
IV-2.3. Obligation de transparence
L'article L. 38-I (1°) du CPCE prévoit que l'Autorité peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.
L'influence significative de France Télécom sur les marchés de gros du départ et de la terminaison d'appel rend les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent s'interconnecter avec elle structurantes pour la viabilité des services qu'ils peuvent proposer.
Il est donc nécessaire que les opérateurs disposent d'une bonne visibilité sur l'architecture technique, économique et tarifaire des offres de gros de France Télécom, afin de garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans la fourniture des services de communications électroniques, au bénéfice des utilisateurs, ainsi qu'à l'égalité des conditions de concurrence. Cette obligation est d'autant plus nécessaire dans la perspective de transformation technologique possible du réseau de l'opérateur historique.
Par ailleurs, l'obligation de transparence apparaît indispensable pour permettre le contrôle de l'obligation de non-discrimination, et ainsi permettre aux opérateurs négociant l'accès avec France Télécom de s'appuyer sur des données de référence publiques. L'obligation de transparence imposée à France Télécom est ainsi nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code, et notamment à ceux cités aux 2°, 4° et 9° de cet article. En pratique, l'Autorité impose à France Télécom une obligation de transparence au moyen de deux dispositifs.
IV-2.3.2. Conventions d'interconnexion et d'accès
Les conditions inscrites dans les conventions d'interconnexion et d'accès précisent les conditions techniques et tarifaires offertes par les parties. France Télécom devra informer l'ARCEP de la signature de toutes les conventions d'interconnexion et d'accès et de tout avenant à ces conventions qu'elle signe avec des tiers dans un délai de sept jours à compter de la signature du document, lorsque les prestations concernées sont fournies sur les marchés de gros pertinents de la téléphonie fixe, ou qu'elles leur sont associées.
Cette information permettra à l'Autorité de demander le cas échéant à France Télécom de lui transmettre ledit document, en application de l'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques, afin notamment de lui permettre de contrôler le respect par France Télécom de l'obligation de non-discrimination.
IV-2.3.2. Informations données aux acteurs
bénéficiant de prestations d'accès et d'interconnexion
Par ailleurs, afin de donner la visibilité nécessaire aux acteurs ayant signé avec elle une telle convention d'interconnexion et d'accès, France Télécom devra leur fournir des informations sur les caractéristiques et les évolutions de son réseau, notamment en termes d'architecture, d'interfaces et de dimensionnement.
Conformément aux dispositions de l'article D. 307-III du code, elle devra également informer ces acteurs, dans un préavis raisonnable, de toute évolution de ses conditions techniques et tarifaires des prestations d'interconnexion et d'accès, ainsi que de toute évolution d'architecture de son réseau, en cas de modification de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion et d'accès à modifier ou adapter leurs propres installations. Le délai de préavis suffisant variera selon la nature de l'évolution proposée et ne saurait être inférieur à un mois. En cas d'évolution tarifaire, ce préavis sera de trois mois minimum (sauf en cas de baisse d'un tarif orienté vers les coûts qui pourra être immédiate le cas échéant), et il sera porté à un an en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations.
Compte tenu des évolutions importantes que France Télécom envisage d'opérer dans son réseau et de l'importance de l'architecture du réseau de France Télécom pour l'ensemble des opérateurs interconnectés, l'Autorité considère que, lors du prochain cycle d'analyse des marchés, il est nécessaire que les opérateurs interconnectés à France Télécom et l'Autorité disposent d'une visibilité suffisante sur ces évolutions.
En période de transition technologique, comme ce sera le cas pour le réseau de France Télécom dans la période d'application de la présente décision, ce préavis est néanmoins insuffisant et il est essentiel que France Télécom fournisse des informations indicatives à plus long terme aux opérateurs interconnectés et à l'Autorité. A ce titre, l'AFORST a demandé une révision du préavis d'information que doit respecter l'opérateur historique avant de procéder à toute évolution pour le faire passer de douze mois à dix-huit mois pour les modifications de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations. France Télécom estime pour sa part qu'un tel allongement « aurait pour principale conséquence de fortement limiter la capacité de France Télécom à faire évoluer opérationnellement son réseau ».
Au vu de l'ensemble des commentaires des acteurs, l'Autorité estime in fine pertinent d'imposer à France Télécom l'obligation de communiquer, avant le 31 janvier de chaque année, les prévisions indicatives d'évolution de son réseau sur les trois années suivantes. Les prévisions pour les années deux et trois peuvent être révisées par France Télécom dans des plans triennaux postérieurs. Ces prévisions incluent notamment les fermetures et ouvertures d'équipements à l'interconnexion, la modification des trafics pouvant être collectés ou livrés sur ces équipements. Elles sont communiquées à l'Autorité et aux opérateurs qui ont signé une convention d'interconnexion avec France Télécom, France Télécom pouvant imposer une clause de confidentialité sur ces informations. Ces informations font l'objet d'une présentation annuelle par France Télécom au comité de l'interconnexion et de l'accès.
A l'initiative de France Télécom en cas de révision d'ampleur significative ou à la demande de l'Autorité, une mise à jour de ces prévisions lui est communiquée, entre les dates prévues à l'alinéa précédent.
Cette obligation apparaît essentielle pour permettre aux opérateurs d'anticiper ces évolutions, et ainsi d'avoir une visibilité suffisante de leurs plans d'investissement, condition nécessaire au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures.
IV-2.4. Communication pour information
Conformément au cadre réglementaire, l'Autorité entend favoriser une action sur les marchés de gros tout en s'assurant de la réplicabilité des offres de détail de France Télécom. Ainsi, lors des allégements de la régulation en 2006 et 2007 (16), l'Autorité a supprimé la plupart des obligations imposées à France Télécom sur les marchés de détail résidentiels et notamment a mis un terme à l'obligation de communication préalable et à la possibilité de s'opposer à leur commercialisation.
Toutefois, si l'homologation tarifaire avait été mise en place principalement pour vérifier que France Télécom respectait bien ses obligations sur les marchés de détail, celle-ci permettait également la surveillance de plusieurs obligations imposées sur les marchés de gros. En particulier, il est nécessaire de vérifier l'adéquation de la régulation des marchés de l'accès et de l'interconnexion vis-à-vis des évolutions des marchés de détail aval et le respect par France Télécom des obligations de non-discrimination sur les marchés de gros.
Afin donc de s'assurer que France Télécom respecte bien ses obligations de non-discrimination sur les marchés de l'interconnexion et de l'accès (départ d'appel, terminaison d'appel, sélection du transporteur et vente en gros de l'abonnement au service téléphonique), l'Autorité juge nécessaire d'imposer à France Télécom de lui transmettre pour information les offres des marchés de détail aval à ces marchés et prestations régulées par la présente décision, dans un délai raisonnable avant leur mise en œuvre.
L'Autorité estime donc qu'il convient d'imposer l'obligation de communication pour information des offres de détail de communications et d'accès de France Télécom sur les marchés de détail aval des marchés de terminaison d'appel, de départ d'appel et des prestations de sélection du transporteur et de vente en gros de l'abonnement au service téléphonique.
France Télécom estime qu'il n'est pas fondé juridiquement de lui imposer une obligation de communication de ses offres de détail pour information. Elle souligne qu'en conclusion de son analyse des marchés de détail l'Autorité estime que les remèdes imposés au niveau des marchés de gros suffisent et qu'il ne convient pas d'imposer de remèdes directement au niveau des marchés de détail.
L'Autorité indique que l'obligation de communication pour information est imposée à France Télécom au titre de sa puissance sur les marchés de gros du départ d'appel et de la terminaison d'appel et sur les marchés de détail de l'accès en vue de permettre la mise en œuvre effective de ses obligations d'accès et d'interconnexion et non à des fins de régulation des marchés de détail.
Cette obligation ne permettra pas à l'Autorité de s'opposer à la commercialisation d'offres de détail mais permettra de modifier, le cas échéant, sa régulation des offres de gros sous-jacentes pour la mettre en cohérence avec les évolutions des offres de détail. En cas de risque concurrentiel important découlant de la commercialisation d'une offre de détail par France Télécom et indépendamment de la présente décision, l'Autorité peut saisir du problème le Conseil de la concurrence.
Cette obligation est une modalité de mise en œuvre des obligations de non-discrimination et de transparence imposées à France Télécom sur les prestations d'accès et d'interconnexion de la téléphonie fixe au titre de l'article L. 38-I (1° et 2°) du CPCE. Cette obligation, imposée au titre de l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, est conforme et proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1-II du CPCE, et en particulier ceux visant à garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques et l'égalité des conditions de concurrence. L'Autorité pourra préciser, en tant que de besoin, les modalités de mise en œuvre de cette obligation.