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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)





III-2.2.2. La présence d'importantes économies d'échelle et de gamme


Les produits d'accès au réseau téléphonique public sont caractérisés par d'importants coûts fixes (notamment de génie civil), en particulier en France où la dispersion des habitations est très importante dans certaines zones.
France Télécom bénéficie de fortes économies d'échelle. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à l'importance de son volume de production. Ces économies d'échelle sont identifiables dans l'activité de France Télécom par le nombre très important de clients pour chaque réseau local, qui permet à l'opérateur historique un amortissement particulièrement rapide de ses investissements. A l'inverse, un opérateur souhaitant être compétitif par rapport à l'opérateur historique sur les marchés de l'accès devra limiter ses tarifs de détail, ce qui rendra d'autant plus difficile l'amortissement de ses coûts et la couverture à terme des coûts irrécupérables. Cela augmentera son profil de risque financier en allongeant la période de rentabilisation de ses investissements.
En outre, France Télécom bénéficie d'économies de gamme. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à une gamme de services plus étendue. De fortes économies de gamme sont permises à France Télécom par le partage des coûts fixes du réseau d'accès entre les différents segments de clientèle mais aussi entre les différentes offres de détail et de gros.


III-2.3. Evolution prospective du marché


L'Autorité estime que sans intervention sur ces marchés, et notamment sans l'imposition à France Télécom de proposer une offre de VGAST, la situation concurrentielle et la position de l'opérateur historique ne devraient pas sensiblement évoluer sur les marchés de détail résidentiel et non résidentiel de l'accès au service téléphonique.


III-2.4. Commentaires des acteurs sur l'analyse de l'Autorité


Plusieurs acteurs estiment que France Télécom demeure en position de monopole sur la boucle locale cuivre et bénéficie à ce titre d'une rente élevée sur les prestations d'accès. SFR considère même que la position de France Télécom se renforce sur ce marché.
France Télécom conteste la qualification de son réseau d'accès cuivre d'infrastructure essentielle et estime que les opérateurs mobiles et les opérateurs déployant la fibre ou utilisant le dégroupage ont répliqué ce réseau. Elle précise que ces derniers ne fournissent pas de service d'accès principalement dédié à la téléphonie pour la seule raison que ce marché est fortement en décroissance.
L'Autorité rappelle que la boucle locale cuivre du réseau de France Télécom et les infrastructures de génie civil sous-jacentes constituent une facilité essentielle. Elle souligne premièrement que les opérateurs dégroupeurs n'ont pas répliqué cette facilité mais utilisent celle de l'opérateur historique. En outre, l'Autorité ayant démontré, dans la partie relative à la délimitation des marchés de détail de l'accès, la non-substituabilité des accès fixes et mobiles, elle ne peut considérer que les opérateurs mobiles ont répliqué le réseau d'accès fixe de France Télécom.
France Télécom estime dans sa contribution que l'analyse de l'Autorité néglige la pression concurrentielle exercée par les offres d'accès mobiles et « triple play » sur les marchés traditionnels de la téléphonie fixe. Elle regrette ainsi que l'Autorité ne prenne pas compte la pression exercée par les opérateurs haut débit et mobiles sur les marchés des accès principalement ou exclusivement dédiés à la téléphonie. L'opérateur précise qu'entre 1995 et 2004, le taux d'équipement des foyers en ligne fixe est passé de 97 % à 82 %, sous l'effet du développement de la pénétration des mobiles. Il indique également que selon certaines projections, en 2010, 67 % des accès téléphoniques fixes devraient ne pas être des accès RTC de France Télécom, mais des accès de type VLB.
L'Autorité note que si le taux d'équipement des ménages a connu une baisse entre 1995 et 2004, du fait du développement des offres mobiles, cette pénétration s'est stabilisée depuis. Elle était de 83 % en 2007, soit en légère croissance depuis 2004. En outre, l'Autorité a exclu du marché de l'accès au service téléphonique les offres de type « triple play » ainsi que les accès mobiles, en démontrant que ces offres n'étaient pas substituables aux offres principalement ou exclusivement dédiées à la téléphonie. Ces analyses de substituabilité n'ont pas été directement remises en cause par France Télécom. Dès lors que les offres mobiles et haut débit ont été exclues du marché pertinent de l'accès, elles ne sont pas pertinentes dans l'appréciation de l'influence significative exercée par France Télécom sur ce marché. Enfin, l'Autorité souligne que les évolutions tarifaires des offres d'accès de France Télécom principalement dédiées à la téléphonie ne démontrent pas l'existence d'une pression concurrentielle autre que celle exercée par les offres naissantes fondées sur la VGAST.
France Télécom soutient, par ailleurs, que l'Autorité sous-estime la dynamique concurrentielle sur le marché de l'accès non résidentiel. Elle reconnaît un développement de la VoIP plus tardif que sur le marché résidentiel, mais indique que ces offres sont en essor depuis fin 2006 et demande une analyse prospective de l'Autorité.
L'Autorité rappelle que, selon ses estimations, les communications en VoIP n'ont représenté que 1 % du trafic global sur le segment non résidentiel en 2006. L'analyse prospective de l'Autorité met en évidence un développement certain des offres de VoIP mais dans une mesure ne remettant pas en cause son analyse à l'horizon du présent exercice d'analyse des marchés. Néanmoins, dans le cas où le développement du marché justifierait une révision de la présente analyse, l'Autorité pourra modifier son analyse en cours de cycle.


III-2.5. Avis du Conseil de la concurrence


Le Conseil de la concurrence souscrit à l'analyse de l'Autorité en ce qui concerne l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur les marchés de détail de l'accès résidentiel, d'une part, et non résidentiel, d'autre part.


III-2.6. Observations de la Commission européenne


La Commission européenne ne formule aucune observation concernant l'exercice par France Télécom d'une influence significative sur les marchés de détail de l'accès résidentiel, d'une part, et non résidentiel, d'autre part.


III-2.7. Conclusion sur l'influence significative sur les marchés de détail de l'accès


L'Autorité conclut que l'opérateur France Télécom exerce une influence significative sur les marchés de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et pour la clientèle non résidentielle, d'autre part.


III-3. Influence significative sur les marchés de la terminaison d'appel


L'Autorité a défini les marchés de la terminaison d'appel fixe sur chaque réseau individuel de chaque opérateur comme pertinents pour une régulation ex ante. Dans cette partie, l'Autorité analyse la situation concurrentielle en vigueur sur ces marchés de la terminaison d'appel.


III-3.1. Les opérateurs sont en situation de monopole naturel
sur le marché de terminaison d'appel fixe sur leur réseau


Chaque opérateur de boucle locale dispose de 100 % de part de marché sur le marché de la terminaison d'appel sur son propre réseau. En effet, lorsqu'un opérateur souhaite terminer un appel vers un client d'un autre opérateur, il ne dispose d'aucune autre solution de substitution à la prestation de terminaison d'appel de cet opérateur, seul ce dernier étant capable d'acheminer l'appel sur la dernière partie du réseau, jusqu'à son client.
Ainsi, dès lors qu'un opérateur est actif commercialement sur le marché de détail et qu'il a conquis des clients qui sont joignables par des clients d'autres opérateurs, cet opérateur assure bien la fourniture effective de prestations de terminaison d'appel vers ses numéros géographiques et/ou non géographiques fixes et dispose donc d'un pouvoir de marché (de monopole) sur le marché formé par l'ensemble de ces prestations.
Toutefois, il est nécessaire d'évaluer si d'éventuels contre-pouvoirs d'acheteurs peuvent être exercés sur la fourniture des prestations de terminaison d'appel par les OBL afin de déterminer si ces derniers sont effectivement en mesure d'agir indépendamment de leurs concurrents, de leurs clients et, en fin de compte, des utilisateurs finaux.


III-3.2. Analyse des contre-pouvoirs éventuels des acheteurs


L'analyse développée dans cette partie cherche à évaluer les possibilités dont disposent les acheteurs des prestations de terminaison d'appel d'un opérateur de boucle locale donné d'exercer un contre-pouvoir d'achat sur les conditions de la vente de cette prestation, et notamment de s'opposer à une hausse des tarifs des prestations de terminaison d'appel qu'il veut acheter.
Il convient donc, d'une part, d'identifier la nature des contre-pouvoirs potentiels qui pourraient être exercés face à une hausse des tarifs de terminaison d'appel et, d'autre part, d'évaluer si les différents acheteurs du marché sont effectivement en mesure d'utiliser ces contre-pouvoirs.


III-3.2.1. Nature des contre-pouvoirs potentiels


Lorsqu'un OBL augmente ses tarifs de terminaison d'appel, les possibilités dont disposent les acheteurs de s'opposer à cette hausse sont extrêmement limitées puisqu'il n'est pas possible d'accéder à des offres alternatives pour terminer les appels vers les clients de cet OBL.
Les seuls contre-pouvoirs potentiels d'un acheteur sont donc limités à :
― renoncer, ou menacer de renoncer, à l'achat de terminaison d'appel vers les clients de cet OBL ce qui ne permettrait plus aux clients de cet OBL d'être joints par les clients raccordés par l'acheteur. Ceci suppose toutefois, inversement pour l'acheteur, de renoncer à offrir à ses propres clients sur le marché de détail l'acheminement des appels vers cet OBL ;
― augmenter, ou menacer d'augmenter, les tarifs de détail des appels vers cet OBL, de façon à diminuer le volume de trafic acheminé vers cet OBL, et donc à baisser les revenus de terminaison d'appel de ce dernier, ou à le faire paraître sur le marché de détail comme un réseau où il est « cher » d'être appelé, ce qui pourrait en théorie dissuader les utilisateurs finaux de souscrire aux services de cet OBL ou inciter ceux qui y ont déjà souscrit à changer d'opérateur.
A priori, la possibilité dont disposent les acheteurs d'exercer effectivement ces contre-pouvoirs paraît étroitement liée à leur propre position sur le marché de détail. En particulier, le cas particulier des contre-pouvoirs d'acheteur de France Télécom doit être distingué du cas des autres opérateurs.
Par ailleurs, un acheteur de terminaison d'appel pourrait théoriquement bénéficier d'un contre-pouvoir indirect via ses clients, si ceux-ci renoncent à appeler l'opérateur pratiquant une terminaison d'appel élevée. Comme cela a été montré lors de la délimitation des marchés, cette possibilité est très limitée, très aléatoire et dépend de nombreux facteurs. Elle ne saurait donc constituer un contre-pouvoir d'acheteur crédible à une hausse de terminaison d'appel.
Enfin, il convient de distinguer les contre-pouvoirs d'acheteur d'un opérateur vis-à-vis de la terminaison d'appel fixe vers des numéros déjà acheminés de ceux d'un acheteur de la terminaison d'appel fixe sur des numéros qui ne sont pas encore ouverts.


III-3.2.2. Contre-pouvoirs éventuels des autres opérateurs
III-3.2.2.1. Vis-à-vis de la terminaison d'appel de France Télécom


Des contre-pouvoirs d'acheteurs existeraient si les acheteurs de terminaison d'appel avaient la capacité de s'opposer à une hausse éventuelle par France Télécom de ses prix de terminaison d'appel ou de contraindre ceux-ci à une baisse. L'Autorité estime qu'aucun opérateur alternatif n'est en mesure d'exercer un tel contre-pouvoir.
Tout d'abord et comme on l'a vu précédemment lors de la délimitation de marché, il n'existe pas d'alternative effective à l'achat de terminaison d'appel à France Télécom pour l'acheminement des communications jusqu'aux abonnés raccordés à son réseau.
Par ailleurs, compte tenu de l'importance de la taille du parc d'abonnés raccordés au réseau de France Télécom par rapport à celui de ses concurrents, la possibilité théorique dont disposent les opérateurs tiers de menacer de cesser l'achat de terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom en cas de hausse significative de ses tarifs n'est pas susceptible d'exercer une contrainte sur les prix de ces prestations. En effet, France Télécom peut supporter dans une certaine mesure, compte tenu de la taille des autres réseaux de boucle locale, les conséquences de l'impossibilité qui en résulterait pour ses abonnés d'être appelés par les utilisateurs de l'un de ces autres réseaux. En revanche, l'impossibilité pour les utilisateurs raccordés à un autre opérateur de téléphonie de joindre les abonnés raccordés au réseau de France Télécom, qui représentent encore la très grande majorité du parc total d'abonnés aux réseaux de téléphonie fixe en France, serait extrêmement pénalisante et compromettrait la viabilité de l'activité commerciale de cet opérateur.
Si France Télécom décide d'augmenter unilatéralement son tarif de terminaison d'appel, les autres opérateurs peuvent répliquer immédiatement en procédant à une hausse du même ordre de manière à équilibrer globalement les flux financiers d'interconnexion entrants et sortants. Une telle réplique, qui pourrait théoriquement constituer un véritable contre-pouvoir d'acheteur sur le marché de gros (en stérilisant les effets de la hausse chez l'opérateur ayant augmenté sa terminaison d'appel le premier), reste cependant difficile à mettre en œuvre quand les volumes de terminaison d'appel en cause ne sont pas symétriques. Or, du fait de la sélection du transporteur et de profils de clientèle spécifiques, la plupart des opérateurs alternatifs présentent un solde d'interconnexion avec France Télécom négatif en volume.
Cette possibilité ne constitue donc pas un contre-pouvoir d'acheteur de nature à influer sur la position d'un opérateur sur sa terminaison d'appel et poserait de plus des problèmes concurrentiels néfastes pour le consommateur final puisqu'elle conduirait à une hausse généralisée des tarifs de gros, entraînant ensuite une hausse injustifiée des tarifs de communications au détail.
Enfin, les services de détail de France Télécom restent les plus gros acheteurs en volume de prestations de terminaison d'appel, ce qui rend très peu probable la perspective d'une pression à la baisse sur les prix de ces offres par le principal acheteur de ce marché.


III-3.2.2.2. Vis-à-vis de la terminaison d'appel des autres opérateurs alternatifs


A la connaissance de l'Autorité, les interconnexions directes entre opérateurs alternatifs ont commencé à se mettre en place de manière importante depuis 2006, avec la croissance des trafics entrants chez ces opérateurs. L'Autorité dispose encore de peu de recul sur les relations entre opérateurs alternatifs concernant l'interconnexion.
Néanmoins, comme cela a été rappelé, dans l'hypothèse où un opérateur déciderait d'augmenter unilatéralement et sensiblement ses tarifs de terminaison d'appel, les autres opérateurs alternatifs pourraient répondre de plusieurs façons :
― renoncer, ou menacer de renoncer, à l'achat de terminaison d'appel vers les clients de cet opérateur ;
― augmenter, ou menacer d'augmenter, les tarifs de détail des appels vers cet opérateur.
Concernant la première possibilité, l'Autorité estime que les opérateurs alternatifs se positionnent sur le marché des communications d'abord en fonction des offres de l'opérateur historique. Or, dans le mesure où France Télécom raccorde aujourd'hui tous les numéros et donc tous les opérateurs, il semble difficile, pour un opérateur alternatif, de proposer une offre plus réduite en termes de destinations joignables par ses clients. Dès lors, l'Autorité estime que la renonciation à l'achat de terminaison d'appel d'un opérateur alternatif ne constitue pas un contre-pouvoir d'acheteur efficace.
Concernant la seconde possibilité, l'Autorité estime qu'il est très difficile pour un opérateur de mettre en œuvre des tarifs de détail différenciés par opérateur, car les offres de détail sont généralement regroupées par destination (tous les numéros géographiques, tous les numéros mobiles, etc.) et les utilisateurs ne souhaitent pas devoir faire des distinctions plus fines, leurs attentes étant pour beaucoup marquées par le besoin de simplification.
Par conséquent, une différenciation tarifaire à la hausse des appels d'un opérateur alternatif A vers un autre opérateur alternatif B suite à l'augmentation des tarifs de terminaison d'appel de ce dernier aurait pour principal effet de mécontenter les abonnés de l'opérateur A par la hausse tarifaire, sans que l'opérateur B ne soit incité à baisser sa terminaison d'appel. En effet, d'une manière générale, les utilisateurs de téléphonie ne sont pas sensibles au prix des appels entrants dans le choix de leur opérateur, et d'autant plus quand seul un opérateur alternatif pratique une différenciation tarifaire.
A ce titre, l'Autorité constate qu'un opérateur, Free, a tenté, en 2006, de mettre en œuvre une différenciation tarifaire au détail pour les appels à destination des numéros et des opérateurs dont il estimait le tarif de terminaison d'appel trop élevé. Concrètement, Free a exclu ces numéros de son forfait « illimité France » vendu à tous ses clients haut débit et mis à disposition de ces derniers un outil permettant de connaître les numéros en question. Quelques semaines après cette annonce, sans que les opérateurs en question aient modifié à la baisse leurs tarifs de gros mais sous la pression de ses clients, Free a été contraint de renoncer à cette distinction, au motif qu'elle entraînait une complexité trop importante pour les clients finals. Cette expérience a confirmé l'impossibilité pratique pour un opérateur alternatif d'agir sur les tarifs de terminaison d'appel des autres opérateurs via sa tarification de détail.
En conséquence, l'Autorité estime que les opérateurs alternatifs ne sont pas en mesure d'exercer un contre-pouvoir d'achat sur les prestations de terminaison d'appel fournies par les autres OBL alternatifs.


III-3.2.3. Contre-pouvoirs éventuels de France Télécom
vis-à-vis de la terminaison d'appel des autres opérateurs alternatifs


France Télécom contrôle plus de 80 % des accès au service téléphonique fournis aux utilisateurs du territoire national. Par conséquent, compte tenu du nombre limité d'utilisateurs raccordés aux réseaux de ses concurrents OBL, France Télécom pourrait en théorie cesser d'offrir à ses clients l'acheminement au détail des communications vers l'un de ces concurrents sans pour autant que sa compétitivité en soit significativement altérée. Inversement, une telle pratique serait extrêmement pénalisante pour l'activité d'un OBL alternatif dans la mesure où il ne serait plus en mesure d'offrir à ses clients ou prospects la possibilité d'être joints par l'immense majorité des abonnés au service téléphonique en France. En l'absence de régulation, une telle pratique, ou la menace d'une telle pratique, pourrait ainsi agir comme un contre-pouvoir effectif empêchant toute hausse des tarifs de terminaison d'appel d'un OBL alternatif.
Cependant, France Télécom est tenue, au titre de ses obligations de fournisseur du service universel (12) d'acheminer les communications issues de ses clients vers l'ensemble des numéros situés sur le territoire national, y compris ceux de ses concurrents. France Télécom ne dispose donc pas de la possibilité de renoncer à l'achat des prestations de terminaison d'appel d'un OBL alternatif, et ainsi d'utiliser ce moyen comme un contre-pouvoir effectif.
Par ailleurs, compte tenu de sa position sur le marché des communications locales et nationales, où sa part de marché demeure très importante, France Télécom dispose en théorie de la possibilité d'appliquer à ses clients des prix particulièrement élevés, de façon excessive et durable, pour les appels vers cet OBL. En l'absence de régulation, une telle pratique, ou la menace d'une telle pratique, pourrait ainsi agir comme un contre-pouvoir effectif face à toute hausse des tarifs de terminaison d'appel de cet OBL.
Cependant, les possibilités dont France Télécom dispose pour fixer ses tarifs de détail indépendamment de ses concurrents et de ses utilisateurs sont encadrées par le droit commun de la concurrence, et en particulier l'interdiction faite aux acteurs économiques d'abuser de leur éventuelle position dominante. De plus, au titre de ses obligations actuelles de fournisseur du service universel, une partie des tarifs de détail pratiqués par France Télécom doivent aujourd'hui être abordables.
Dans l'hypothèse d'une hausse des charges de terminaison d'appel d'un OBL donné, ces dispositions permettraient de vérifier que la hausse correspondante des tarifs de détail vers cet OBL, si elle était justifiée dans son principe, resterait strictement proportionnée à la hausse de ces charges de terminaison d'appel et d'éviter ainsi l'apparition de tout comportement anticoncurrentiel. De plus, en augmentant ses tarifs de détail vers un opérateur en particulier, sans que ses clients puissent facilement identifier les numéros concernés par cette augmentation, France Télécom s'exposerait à un mécontentement de ces derniers et risquerait d'être pénalisée sur les marchés de détail.
En conséquence, l'augmentation des tarifs de détail vers un opérateur dont la terminaison d'appel augmenterait ne semble pas être un contre-pouvoir de nature à modifier la position d'un opérateur alternatif sur sa terminaison d'appel.
Enfin, l'ensemble de cette analyse est confirmé par l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 décembre 2006 sur le contentieux opposant la société UPC France et l'ARCEP : « Si France Telecom est l'acheteur le plus important sur le même marché, cette société ne dispose pas pour autant, de ce fait, d'un pouvoir lui permettant de contrebalancer celui de la société requérante (UPC France), notamment celui de s'opposer à une hausse des tarifs de terminaison d'appel ; ».

(12) Arrêté du 3 mars 2005 portant désignation de l'opérateur chargé de fournir la composante du service universel prévue au 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques (service téléphonique).