Dès lors que les marchés de la terminaison d'appel fixe vers chaque réseau individuel font partie des marchés pertinents de la nouvelle recommandation de la Commission européenne, l'Autorité n'est plus tenue de démontrer sa pertinence pour une régulation ex ante. L'Autorité montre néanmoins dans la partie suivante que l'analyse de la Commission européenne s'applique bien au cas français et que, comme imposée par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme sa pertinence.
II-3.2. Obstacles au développement d'une concurrence effective en France
L'Autorité considère que l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel fixe qui est présentée par la Commission européenne dans sa nouvelle recommandation est pertinente dans le contexte français.
Tout d'abord, de la définition même du marché de la terminaison d'appel fixe vers le réseau d'un opérateur faite supra, seul cet opérateur est en mesure de proposer une prestation sur ce marché.
De plus, pour un opérateur donné, l'achat des prestations de terminaison d'appel de ses concurrents est nécessaire pour garantir à ses utilisateurs la possibilité d'appeler les utilisateurs raccordés à ces réseaux. Inversement, la vente par un opérateur de boucle locale de sa propre prestation de terminaison d'appel à ses concurrents lui est nécessaire s'il souhaite assurer la possibilité pour ses abonnés d'être appelés par les abonnés des autres réseaux.
Ces prestations portent ainsi une importance particulière, d'une part, dans la réalisation des objectifs généraux de l'Autorité définis à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques tels que la possibilité pour les utilisateurs de communiquer librement entre eux quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ― objectif dit « d'interopérabilité des réseaux » ―, et, d'autre part, dans la concurrence que se livrent les opérateurs de boucle locale fixe sur le marché de détail sous-jacent des communications, sur lequel la constitution d'offres dépend des conditions de mise à disposition de ces prestations.
L'importance de ces prestations pour le développement de la concurrence n'est toutefois pas limitée à la question de l'absence ou de la fourniture effective de ces prestations, c'est-à-dire finalement à la mise en œuvre technique de l'interconnexion.
En effet, du fait du modèle économique dit du calling party pays (« la partie appelante paye ») qui prévaut pour les appels vers les numéros fixes géographiques ou non géographiques en France, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs de boucle locale sur le marché de détail. Dans ce modèle économique, c'est l'opérateur de l'appelant qui se voit facturer l'intégralité des charges liées à l'acheminement des appels par l'opérateur de destination raccordant les abonnés appelés. Ainsi de nombreux tarifs que peuvent offrir les opérateurs de boucle locale sur le marché de détail sont contraints par les charges de terminaison d'appel qui leur sont facturées par les autres opérateurs de boucle locale, qui sont en même temps leurs concurrents directs sur ces mêmes marchés de détail. En augmentant sa terminaison d'appel, un opérateur donné augmente ses revenus d'interconnexion et pénalise les offres de détail de ses concurrents.
Il en résulte qu'il n'existe intrinsèquement pas, ou peu, d'incitation économique pour les opérateurs de boucle locale à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Pour ces marchés, la régulation sectorielle ex ante dispose d'outils adaptés, comme notamment les obligations tarifaires ou encore la mise en place et le suivi d'obligations comptables. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Le seul droit de la concurrence apparaît comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence structurels existant sur ce marché. Dans ce contexte, et en l'absence de régulation ex ante des prestations de terminaison d'appel, le marché de la terminaison d'appel fixe vers le réseau d'un opérateur présente des obstacles au développement d'une concurrence effective, non seulement sur le marché de la terminaison d'appel lui-même, mais également sur les marchés de détail aval.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments et en application de l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité considère que les marchés de la terminaison d'appel vers chaque réseau individuel tels que définis ci-dessus doivent être déclarés pertinents au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques.
II-3.3. Avis du Conseil de la concurrence
Le Conseil de la concurrence souscrit à l'analyse de l'Autorité en ce qui concerne la pertinence des marchés de gros de la terminaison d'appel.
II-3.4. Observations de la Commission européenne
La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la pertinence des marchés de la terminaison d'appel fixe.
II-4. Pertinence du marché de gros du départ d'appel
II-4.1. Dans la nouvelle recommandation de la Commission
Le marché du départ d'appel depuis le réseau téléphonique public figure dans la nouvelle recommandation « marchés pertinents » du 17 décembre 2007 en tant que marché susceptible d'être régulé ex ante.
Dans sa recommandation, la Commission européenne estime que l'alternative à l'achat d'une prestation de départ d'appel réside dans l'établissement d'un réseau d'accès alternatif ou l'achat ou la location d'un réseau d'accès existant. La Commission européenne relève que ces deux alternatives demandent un temps et des investissements considérables, dont une large proportion est irrécupérable (8). La Commission européenne estime donc que le marché du départ d'appel fixe présente des barrières à l'entrée élevées et durables et est pertinent pour une régulation ex ante.
Dès lors que le marché du départ d'appel en position déterminée fait partie des marchés pertinents de la nouvelle recommandation de la Commission européenne, l'Autorité n'est plus tenue de démontrer sa pertinence pour une régulation ex ante. L'Autorité montre néanmoins dans la partie suivante que l'analyse de la Commission européenne s'applique bien au cas français et que, comme imposée par l'article L. 37-1 du CPCE, l'analyse des obstacles au développement d'une concurrence effective confirme sa pertinence.