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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



I-3.1.1.2. Cas des réseaux NGN


Les opérateurs, dont France Télécom, ont déployé également des réseaux s'appuyant sur la technologie de transmission en IP. Ces réseaux, qualifiés de « réseaux de nouvelle génération » (NGN ou « Next Generation Networks ») présentent notamment l'avantage de pouvoir être utilisés pour transporter simultanément des flux de voix et de données à des débits importants sur une unique infrastructure de transport utilisant la technologie IP. De plus, ces réseaux permettent de concentrer et de centraliser les équipements de gestion des appels. En effet, les équipements NGN gèrent généralement un plus grand nombre d'abonnés que les équipements de commutation et ne sont pas organisés de façon pyramidale, chaque équipement étant relié à un ou plusieurs autres équipements de même niveau. L'acheminement des communications peut emprunter plusieurs routes différentes pour relier deux abonnés entre eux, de même que le trafic de signalisation peut emprunter une route différente du trafic de données.
Les réseaux NGN peuvent servir comme réseaux de transit, y compris pour du trafic émis ou reçu par des clients raccordés au réseau téléphonique commuté. Dans ce cas, les appels passent par une passerelle TDM/IP qui convertit le trafic commuté en trafic IP, les interconnexions IP-IP entre deux opérateurs n'étant pas aujourd'hui en œuvre à la connaissance de l'Autorité (sauf à titre expérimental). De plus, pour un nombre croissant d'opérateurs, les réseaux NGN servent à acheminer directement les communications émises ou reçues par les clients finals, à partir d'accès large bande notamment. En particulier, France Télécom commercialise ce type de services sous la marque « Orange Internet » sur le marché résidentiel et « Orange Business Services » sur le marché entreprises.
Au deuxième trimestre 2007, environ 30 % du trafic émis depuis les lignes fixes en France l'ont été depuis des lignes VoIP.
L'interconnexion des réseaux est aujourd'hui toujours réalisée en utilisant la technologie TDM. Les flux IP arrivant à un point d'interconnexion sont convertis systématiquement en flux TDM, préalablement à leur livraison à l'opérateur tiers. Les réseaux NGN et les structures de coûts qui en découlent conduisent généralement les opérateurs à concentrer leurs points d'interconnexion en des points proches des équipements de commande et de gestion des appels et des abonnés.
L'Autorité constate que les opérateurs alternatifs utilisant un réseau NGN ont ainsi concentré leurs architectures d'interconnexion autour d'un nombre de points compris entre 1 et une dizaine. De même, pour les appels à destination de ses abonnés « Orange Internet » qui sont raccordés en VoIP et qui utilisent des numéros non géographiques, France Télécom a mis en place une architecture d'interconnexion resserrée autour de neuf points d'interconnexion (même s'il est possible de livrer ces appels dans tous les centres de transit de France Télécom). A la date du présent document, cette architecture n'était cependant pas en vigueur pour les appels à destination des numéros géographiques sur accès VoIP de France Télécom car les opérateurs alternatifs ne sont pas en mesure de distinguer ces numéros des numéros géographiques sur accès RTC classique.


I-3.1.2. Architecture d'interconnexion


Pour s'interconnecter avec les autres réseaux et permettre à ses abonnés de joindre et d'être joints par les abonnés des autres réseaux, chaque opérateur de boucle locale doit mettre en place une architecture d'interconnexion.
Cette architecture d'interconnexion est généralement calquée sur l'architecture générale du réseau de l'opérateur, dans la mesure où chaque opérateur a intérêt à échanger les appels entrants et sortants de son réseau près de ses équipements de commutation et/ou de routage. L'architecture d'interconnexion la plus pertinente pour un réseau est généralement définie par l'opérateur de ce réseau et peut dépendre de la taille de son réseau, de la localisation géographique de ses clients et de la technologie utilisée dans le réseau. Elle dépend également des contraintes des opérateurs qui souhaitent s'interconnecter et peut évoluer selon les rapports bilatéraux entre opérateurs.


I-3.2. Eléments d'analyse communs à tous les marchés de gros


L'analyse des substituabilités comporte des éléments communs aux marchés du départ d'appel et de la terminaison d'appel. Cette partie montre que les prestations de gros d'acheminement de trafic produites selon différents modes techniques sont substituables (I-3.2.1), puis que les prestations de gros d'acheminement de trafic vocal, de trafic à destination d'Internet bas débit et à destination des services à valeur ajoutée sont substituables (I-3.2.2), que l'origine des communications (résidentiel ou non-résidentiel) ne délimite pas de marchés de gros distincts (I-3.2.3), et enfin que les prestations connexes aux prestations de gros d'acheminement de trafic sont incluses dans le même marché (I-3.2.4).


I-3.2.1. Les prestations de gros d'acheminement de trafic produites
selon différents modes techniques sont substituables


Les opérateurs qui s'échangent aujourd'hui des prestations de gros d'acheminement de trafic se livrent ce trafic en mode commuté sur des interfaces d'interconnexion utilisant principalement des protocoles de signalisation de type « signalisation sémaphore n° 7 ». Avant et après ce point d'interconnexion, les opérateurs acheminent le trafic sur leur réseau.
Les produits inclus dans les marchés de gros analysés ici désignent des prestations d'acheminement de trafic offertes par certains opérateurs pour le compte d'autres opérateurs. Par conséquent, ils sont définis par leur fonction et non par leur mode technique de production, conformément au principe de neutralité technologique. L'Autorité considère à cet égard que la prestation commercialisée ne se définit pas par son mode de production ou par la technologie utilisée, mais par ses caractéristiques visibles pour l'acheteur. Par exemple, dans le cas de la terminaison d'appel fixe, la prestation de terminaison d'un appel vocal vers un numéro spécifique, livré en un point d'interconnexion donné quelle que soit l'interface, dans le cas de la.
En particulier, le fait que le trafic soit transporté, avant et après livraison sur l'interface d'interconnexion, en mode commuté, en mode VoIP ou selon tout autre mode reste neutre sur la définition du produit du point de vue de l'acheteur, qui n'est de toute façon pas en mesure de savoir quelle sera la technologie de transport utilisée par l'opérateur vendeur de la prestation. De fait, en l'état actuel des interconnexions, les appels acheminés en mode ATM (« Asynchronous transfer mode » ou mode de transfert asynchrone) ou VoIP sur les réseaux des opérateurs sont convertis en mode commuté à l'interconnexion. De même, des prestations de gros qui seraient livrées sur de nouvelles interfaces d'interconnexion, et notamment sur des interfaces de type VoIP, et qui permettraient aux opérateurs y ayant recours de proposer sur les marchés de détail des produits similaires à ceux qui s'appuient aujourd'hui sur les prestations de gros existantes analysées dans la présente décision, seront de fait incluses dans les marchés pertinents correspondants.


I-3.2.2. Les prestations de gros d'acheminement de trafic vocal, de trafic
à destination d'Internet bas débit et à destination des services à valeur ajoutée sont substituables


Les marchés de gros analysés ici doivent être délimités de telle sorte à couvrir l'acheminement des communications téléphoniques. Les termes « communications téléphoniques » regroupent, dans le cadre du présent document, tant les communications vocales interpersonnelles que d'autres communications vocales, comme celles consistant à joindre des plates-formes de services avancés (les « services à valeur ajoutée »). En pratique, les prestations de gros fournies par un opérateur pour ce type de trafic permettent également aux opérateurs acheteurs de véhiculer d'autres types de trafic bande étroite, comme, notamment, de l'Internet bas débit (limité à 64 kb/s), ou des communications par télécopie.
L'Autorité estime que les prestations d'acheminement de trafic en gros fournies pour ces différents types de trafic, et plus généralement pour l'ensemble du trafic à destination des numéros du plan national de numérotation, doivent être incluses dans un même marché. En effet, la plupart des opérateurs offrant des prestations de gros d'acheminement de trafic pour l'un de ces types de trafic fournissent également ces prestations pour les autres trafics, et cela en utilisant les mêmes éléments de réseau. Par conséquent, et même si du point de vue de la demande les prestations d'acheminement des différents types de trafic ne sont pas substituables, elles présentent un degré de substituabilité du côté de l'offre qui justifie leur inclusion dans un même marché de produits.


I-3.2.3. Les prestations de gros d'acheminement de trafic
issu des abonnés résidentiels et non résidentiels sont substituables


De même, même si la structure de la demande des clients finals sur le marché de détail est différente pour les communications résidentielles et les communications non résidentielles, la substituabilité du côté de l'offre sur le marché de gros permet également de regrouper les prestations appartenant à ces deux types de clientèle en un seul marché.


I-3.2.4. Les prestations connexes aux prestations d'acheminement
de trafic sont incluses dans le même marché


Les prestations d'acheminement de trafic (départ et terminaison d'appel notamment) ne sont fournies qu'à condition d'avoir mis en place une interconnexion physique et logique des réseaux. Cette interconnexion nécessite le recours à différentes prestations connexes comme la création d'un faisceau, la location d'un espace de colocalisation, la sécurisation de l'interconnexion, etc. En particulier, les prestations d'accès aux sites d'interconnexion et de sécurisation du trafic sont essentielles pour la fourniture des prestations d'acheminement de trafic.
Ces prestations connexes ne font sens que dans l'objectif de recourir aux prestations principales d'acheminement de trafic et, inversement, ces dernières ne sont pas réalisables sans ces prestations connexes. Par conséquent, les marchés de gros d'acheminement de trafic incluent les prestations connexes qui leur sont associées.


I-3.3. Le marché de la terminaison d'appel fixe vers chaque réseau
I-3.3.1. Définition de la terminaison d'appel fixe


La terminaison d'appel fixe désigne les prestations d'acheminement d'appels fournies par un opérateur de boucle locale (OBL) à d'autres opérateurs afin de permettre à ces derniers d'établir, via l'interconnexion de leur réseau au réseau de cet OBL, des communications téléphoniques à destination des abonnés raccordés à cet OBL. Du fait du sens des communications ainsi acheminées, on dit que cet OBL « termine » les appels vers ses abonnés.
Du point de vue de l'opérateur acheteur, une prestation de terminaison d'appel est demandée indépendamment de la technologie employée au sein du réseau de l'opérateur de boucle locale offrant cette prestation : avant et après le point d'interconnexion des réseaux, l'acheminement du trafic est de la seule responsabilité de l'opérateur considéré quant au choix de la solution technologique. L'opérateur de terminaison d'appel offre alors une prestation de terminaison d'appel au niveau d'équipements sur lesquels il est possible de proposer l'interconnexion, et au-delà desquels seul l'opérateur de réseau de l'abonné appelé est capable de terminer l'appel. Ces équipements constituent le goulot d'étranglement structurel, le point le plus « bas » offert par l'opérateur pour livrer l'appel.


Figure 3 : Prestation de terminaison d'appel




Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 12/08/2008 texte numéro 51



I-3.3.2. Opérateurs de boucle locale concernés


Les prestations de terminaison d'appel sont fournies par des opérateurs de boucle locale, c'est-à-dire des opérateurs qui raccordent les utilisateurs finals sur leur réseau, et qui associent à ce service la possibilité pour ces utilisateurs de recevoir une communication téléphonique.
Ainsi, sont concernés l'ensemble des réseaux téléphoniques fixes, quelle que soit leur couverture géographique, utilisant des infrastructures en propre tels que les réseaux cuivrés classiques, les réseaux de câblo-téléphonie, de boucle locale radio, ou les réseaux en fibre optique, mais également les réseaux utilisant la location d'infrastructures d'accès à des tiers pour fournir des accès téléphoniques, tels que les réseaux utilisant des liaisons louées d'accès ou des paires de cuivre dégroupées. De plus, les prestations de terminaison d'appel sont fournies quelle que soit la technologie utilisée pour le raccordement de l'abonné au réseau téléphonique public (accès analogique, accès numérique, accès VoIP, etc.).


I-3.3.3. Analyse de la substituabilité entre les différentes offres de terminaison d'appel fixe


Après avoir donné un sens aux termes de « terminaison d'appel », il est justifié, pour effectuer la délimitation du marché, de partir du marché le plus petit possible, à savoir la terminaison d'un appel vocal à destination d'un numéro spécifique d'un OBL, puis d'examiner quelles prestations doivent également être incluses dans ce marché en fonction de la substituabilité que présentent les autres prestations du côté de la demande et du côté de l'offre.
Concernant la terminaison d'appel fixe, cet examen des degrés de substituabilité conduit à conclure que :
― le marché contient au moins l'ensemble des prestations de terminaison d'appel fixe d'un opérateur sur son réseau (I-3.3.3.1) ;
― les prestations de terminaison d'appel fournies par des opérateurs distincts sont incluses dans des marchés distincts (I-3.3.3.2) ;
― les prestations de terminaison d'appel fixe et de terminaison d'appel mobile d'un opérateur ne sont pas substituables (I-3.3.3.3) ;
― les offres couplant terminaison et transit ne font pas partie du marché (I-3.3.3.4) ;
― les prestations de terminaison d'appel produites selon différents modes techniques sont substituables (voir partie I-3.2 précédemment développée) ;
― les prestations de terminaison d'appel fournies pour du trafic issu d'abonnés résidentiels et d'abonnés non résidentiels sont substituables (voir partie I-3.2 précédemment développée).


I-3.3.3.1. Le marché contient au moins l'ensemble des prestations
de terminaison d'appel fixe d'un opérateur donné


La prestation de terminaison d'appel fixe vendue par un opérateur de boucle locale pour les appels à destination d'un des abonnés raccordés à son réseau n'est pas en soi substituable à la prestation vendue pour les appels à destination d'un autre de ses abonnés. L'Autorité considère néanmoins que ces deux prestations doivent être incluses dans le même marché car, du point de vue de l'offre, elles sont généralement commercialisées de manière homogène et soumises aux mêmes contraintes au regard de leurs conditions de production et du point de vue de la demande, elles font généralement l'objet d'une demande d'interconnexion relative à l'ensemble des numéros fixes d'un opérateur donné.
En particulier, l'Autorité constate que l'attribution de numéros géographiques (01 à 05) ou non géographiques (087B et 09AB) résulte généralement de la politique de l'opérateur ou des souhaits des clients finals mais qu'il n'y a aujourd'hui pas de distinction faite entre les clients utilisant des numéros géographiques et les clients utilisant des numéros non géographiques, certains d'entre eux pouvant même disposer d'un numéro géographique et d'un numéro non géographique pour la même ligne. De plus, lors de la mise en place d'une interconnexion, l'acheteur de terminaison d'appel souhaite généralement pouvoir joindre l'ensemble des numéros fixes, géographiques ou non, de l'opérateur vendeur.
A ce titre, l'analyse de l'Autorité a évolué depuis la dernière analyse menée en 2005. A l'époque, l'Autorité avait notamment considéré, concernant la TA vers les numéros non géographiques qu'il était « trop tôt pour mener une analyse pertinente de l'ensemble des critères de puissance listés par la Commission européenne sur ces prestations, et tout particulièrement l'existence ou non de contre-pouvoirs d'acheteurs sur ces marchés ». En effet, ces numéros venaient de faire leur apparition et l'Autorité ne disposait pas encore d'assez de recul sur les services offerts via ces numéros. Comme le montre l'analyse ci-dessus, les numéros non géographiques sont aujourd'hui utilisés pour les mêmes services et dans les mêmes conditions que les numéros géographiques.
L'Autorité rappelle que les numéros pour lesquels une prestation de terminaison d'appel fixe est fournie sont uniquement les numéros fixes du plan national de numérotation appelés « numéros de communications interpersonnelles » et commençant, à ce jour, par 01, 02, 03, 04, 05 et 09 et, jusqu'au 15 décembre 2008, 087 (5). Le marché de la terminaison d'appel inclut donc toutes les prestations de terminaison vers ces types de numéros et vers toute autre ressource en numérotation susceptible d'être affectée à un usage de communications interpersonnelles en position déterminée impliquant une architecture d'interconnexion directe avec fourniture d'une prestation de terminaison d'appel.
L'acheminement des communications vers les numéros d'accès à des services à valeur ajoutée (à ce jour, numéros commençant par 08 et numéros courts de la forme 10XY, 3BPQ et118XYZ) ne recourt pas à une prestation de terminaison d'appel mais à une prestation de départ d'appel, les communications étant « collectées » par l'opérateur d'arrivée. Il ne peut donc exister de marché de la terminaison d'appel vers ces types de numéros.
L'Autorité considère donc que l'ensemble des prestations de terminaison d'appel fixe fournies par un même opérateur de boucle locale fixe sur son réseau doit être regroupé dans un même marché.

(5) Voir la décision n° 2005-1085 de l'ARCEP en date du 15 décembre 2005 fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation.