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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



I-2.1.5. Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès
utilisés principalement pour la téléphonie sont substituables


Les offres d'abonnement analogiques de France Télécom permettent à leurs clients de souscrire un accès haut débit à Internet auprès de France Télécom ou d'un autre FAI via le dégroupage partiel ou le bitstream. Bien que ce service soit en nette décroissance, l'ensemble des produits commercialisés aujourd'hui pour donner accès au réseau téléphonique public permet également d'accéder à Internet en bas débit. Les offres d'abonnement analogique ne sont ainsi pas toujours utilisées exclusivement pour accéder au réseau téléphonique. Par ailleurs, l'offre d'accès de base RNIS comprend deux canaux B utilisés principalement pour la voix ainsi qu'un canal D utilisé pour la signalisation et le transport de données.
Même s'ils permettent des usages annexes, tous ces produits sont commercialisés principalement pour permettre d'accéder au service téléphonique et sont vendus dans une gamme de prix qui reflète principalement l'usage de l'accès au service téléphonique. Il existe donc une substituabilité du côté de la demande. Ces produits doivent par conséquent être considérés dans les mêmes marchés, y compris les prestations annexes incluses dans ces offres, dans la mesure où l'ensemble de ces services est commercialisable en bouquet indissociable.
Conformément à l'article L. 32-1-II (13°) du CPCE, l'analyse de l'Autorité se doit de rester technologiquement neutre. Le câblo-opérateur commercialise une offre d'accès exclusivement dédiée à la téléphonie qui fait donc partie du même marché que l'abonnement principal de France Télécom. Par ailleurs, si un opérateur commercialisait un produit d'accès pour la voix fondé sur d'autres technologies que celles utilisées aujourd'hui (analogique, RNIS), par exemple de la voix sur IP sur un accès exploitant la technologie ADSL ou un raccordement en fibre optique, et que ce produit était principalement utilisé pour accéder au réseau téléphonique public, et enfin s'il était vendu dans une même gamme de prix, alors il devrait être inclus dans les mêmes marchés que les autres accès principalement dédiés au service téléphonique.
Dans la suite, on qualifie de « principalement téléphonique » les accès exclusivement ou principalement dédiés au service téléphonique.


I-2.1.6. Les accès utilisés principalement pour la téléphonie
et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie ne sont pas substituables


Les produits qui ne sont pas principalement utilisés pour accéder au réseau téléphonique ne peuvent pas être considérés comme substituables aux produits analysés dans la section précédente. Certaines offres d'accès, que le raccordement sous-jacent soit effectué par câble, par paire de cuivre ou par fibre optique, permettent d'accéder au réseau téléphonique mais fournissent de manière conjointe d'autres services tels que l'accès à haut débit au réseau Internet ou l'accès à un bouquet de chaînes de télévision. Dès lors que ces offres ne sont pas choisies par le client final principalement pour la prestation de téléphonie mais aussi, voire principalement, pour leur caractère « multiservice » (notamment l'accès au réseau Internet à haut débit ou à des services audiovisuels), elles ne répondent pas à la même demande que celles destinées principalement à l'accès téléphonique. Il n'existe donc pas de substituabilité du côté de la demande.
En outre, le positionnement et le développement des offres multiservices à haut débit, auxquelles un utilisateur s'abonne pour des services qui peuvent inclure le service téléphonique mais sans en constituer l'élément principal, les distinguent des offres dont cet accès est le principal usage. Le premier élément distinguant les accès principalement téléphonique des autres est le tarif. En effet, le tarif de détail des accès haut débit, s'il a connu une décroissance continue à un débit donné, reste sensiblement plus élevé que celui d'un accès dédié au service téléphonique.
A titre d'exemple, sur le segment résidentiel, les offres les plus vendues par les opérateurs alternatifs sont les offres « triple play » avec téléphonie illimitée en dégroupage total, qui comprennent à la fois l'accès à Internet en haut débit, un service téléphonique sur large bande avec un forfait illimité de communications vers les numéros géographiques métropolitains et certaines destinations internationales, ainsi qu'un bouquet de chaînes de télévision. Or la plupart de ces offres font l'objet d'un abonnement mensuel d'environ 30 €. Ce montant est à mettre en regard des forfaits mensuels associés aux offres d'accès exclusivement dédiées à la téléphonie. A titre d'exemples, l'abonnement mensuel au service téléphonique analogique de France Télécom s'élève à 16 € et ceux de Neuf Cegetel et Télé2 en VGAST sont respectivement de 13,90 € et 14,99 €. Enfin, Numéricable propose une offre couplant accès et communications illimitées vers les postes fixes pour 19,90 € par mois. Ces différences substantielles de niveaux de prix démontrent l'absence de substituabilité de ces différents types d'offres.
Cette analyse est identique pour le marché professionnel : les produits dont l'usage principal n'est pas limité à l'accès au réseau téléphonique ne sont pas substituables à ceux qui sont utilisés principalement pour accéder au réseau téléphonique. Cependant, pour le marché professionnel, il existe des offres de services de capacité qui peuvent être complétées par des offres complémentaires ouvrant l'accès au réseau téléphonique. Ces offres complémentaires doivent alors être considérées comme un accès principalement téléphonique, et être inclues dans le marché.


I-2.1.7. Les services de capacité et les accès à des réseaux de données
ne sont pas substituables aux accès utilisés principalement pour la téléphonie


Les services de capacité regroupent principalement les liaisons louées, quelle que soit leur interface (offre « point à point »), et les offres de services de capacité en architecture « point à multipoints ». Les accès à des réseaux de données regroupent principalement les offres de réseaux d'entreprises (réseaux privés virtuels), les accès à des réseaux de données privées ou publics. Même dans le cas où son débit est comparable à celui d'une ligne téléphonique traditionnelle, un service de capacité ― par exemple une liaison louée analogique ou numérique ― n'est pas substituable à un accès utilisé principalement pour la téléphonie. Les liaisons louées ne permettent que le transport de voix ou de données entre deux points fixes, et ne fournissent pas l'accès au réseau téléphonique ouvert au public. Réciproquement, une liaison louée assure la fourniture d'une capacité de transmission à la fois garantie et dédiée à l'utilisateur, ce qui n'est pas le cas des accès en bande étroite en position déterminée (parmi lesquels seul l'accès numérique offre un débit garanti mais pas dédié). Une liaison louée peut être utilisée comme élément constitutif d'un accès utilisé pour la téléphonie, mais elle n'en est pas un substitut (cf. section suivante).
La situation est identique pour les services de capacité, les accès à des réseaux de données d'entreprise et les accès à des réseaux de données privés ou publics. Il est possible d'adjoindre à chacun de ces services une fonctionnalité qui permet d'accéder au RTP, mais cette fonctionnalité doit alors être considérée comme une composante spécifique (cf. section suivante). Pour ces raisons, il apparaît que les services de capacité et les accès à des réseaux de données ne peuvent être considérés comme substituables aux accès principalement utilisés pour la téléphonie et ne sont donc pas inclus dans le même marché.


I-2.1.8. La composante « accès RTP » associée aux services
de capacité est substituable aux accès principalement téléphoniques


Certains services de capacité proposent une fonctionnalité optionnelle permettant d'accéder au RTP. Ce type d'accès fait actuellement l'objet d'une obligation de sélection du transporteur. Ces options sont clairement distinguables de la prestation de services de capacité, aussi bien pour les opérateurs que pour les clients. Ces options ne sont donc pas soumises au même jeu concurrentiel que les offres de capacités auxquelles elles sont associées, mais bien à celui des accès principalement téléphoniques. Le client peut arbitrer entre l'offre d'accès au RTP proposée en option sur l'offre de service de capacité qu'il souscrit par ailleurs et les autres offres d'accès proposées indépendamment par son opérateur et ses concurrents, en accès direct à l'un de ses sites. Dès lors il apparaît que ces prestations optionnelles d'accès au réseau RTP doivent être considérées comme substituables aux accès principalement téléphoniques.
En revanche, les offres de « service téléphonique tout IP » fondées sur des réseaux privés virtuels se distinguent des offres classiques tant dans le périmètre de la prestation qui inclut une forte composante de services complémentaires d'administration des réseaux IP sous-jacents et de l'ensemble des prestations fournies sur ce réseau, que dans les structures tarifaires qui en découlent. Ces offres de « téléphonie IP » peuvent combiner accès au RTP et fourniture d'un réseau interne de téléphonie. Ces offres ne sont donc pas substituables à un accès principalement téléphonique.


I-2.2. Délimitation géographique des marchés de détail
de l'accès au réseau téléphonique public


Après avoir délimité les marchés de détail de l'accès en termes de produits, il est nécessaire d'établir leur délimitation géographique.
Le groupe France Télécom est présent, tant pour les prestations de détail que pour les prestations de gros, sur tout le territoire d'analyse, qui comprend la métropole, les départements d'outre-mer, et Mayotte, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. L'Autorité estime que les conditions de concurrence sont suffisamment proches en métropole, dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, Saint-Martin et Saint-Barthélemy pour les intégrer dans les mêmes marchés, dans la mesure où la présence et la pratique d'une politique commerciale, et tarifaire notamment, uniforme sur l'ensemble de ce territoire de l'opérateur France Télécom y structurent le jeu concurrentiel de manière suffisamment homogène.
Par conséquent, la délimitation géographique retenue dans la présente analyse pour les marchés de détail de l'accès correspond à la métropole, aux départements d'outre-mer, et aux collectivités territoriales de Mayotte, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.


I-2.3. Commentaires des acteurs sur l'analyse de l'Autorité


Colt et l'AFORST considèrent que le marché pertinent de l'accès devrait être plus large que celui délimité par l'Autorité, en ne se limitant pas aux accès principalement ou exclusivement dédiés à la téléphonie. Colt précise que les offres « triple play » peuvent être comparées par les clients aux offres couplant abonnement et communications sur RTC. France Télécom estime que l'analyse de l'Autorité ne prend pas en compte la pression concurrentielle exercée par les offres haut débit et mobiles sur le marché de l'accès à la téléphonie fixe.
L'Autorité considère que les offres d'accès haut débit incluant un accès VLB ne sont pas substituables à un accès principalement dédié à la téléphonie. En effet, ces offres « multiplay », notablement plus chères que les abonnements téléphoniques seuls, ne constituent pas un substitut pour les clients ne désirant accéder aux autres services (accès à Internet, télévision sur ADSL). Cette analyse conduit à exclure ces offres du marché pertinent de l'accès au service téléphonique. Elle ne conteste pas néanmoins le fait que les offres haut débit incluant un accès VLB puissent, dans une mesure limitée, exercer une pression concurrentielle sur le segment des clients intéressés par les autres services haut débit, sans pour autant remettre en cause la non-substituabilité des offres « multiplay » avec les offres principalement dédiées à la téléphonie.
France Télécom conteste la segmentation effectuée par l'Autorité sur le marché de l'accès au service téléphonique entre le marché résidentiel, d'une part, et le marché non-résidentiel, d'autre part. Elle précise que dans sa nouvelle recommandation sur les marchés pertinents la com mission propose de définir un unique marché de l'accès. Elle estime en outre que le contexte décrit par l'Autorité ne diffère pas dans les autres pays de l'UE.
L'Autorité rappelle que dans sa recommandation la Commission laisse la possibilité aux ARN de maintenir une segmentation entre clientèles résidentielle et non résidentielle lorsque le contexte national le justifie. En l'occurrence, il apparaît à l'Autorité que le marché français de la téléphonie se divise nettement entre le résidentiel et le non-résidentiel, tant du point de vue de l'offre que de la demande. Du côté de la demande, les statistiques d'usages sont très différentes entre les deux segments, de même que la demande en niveau de qualité de service. Du côté de l'offre, il existe une séparation nette entre les offres destinées à la clientèle résidentielle, d'une part, et les offres conçues pour les clients professionnels et entreprises, d'autre part. En outre, chaque type de clientèle achète dans la très grande majorité des cas des produits destinés au segment auquel il appartient. Les clients résidentiels ne souscrivent que très marginalement des offres non résidentielles et les entreprises n'achètent que marginalement des produits conçus à l'intention du segment résidentiel.
Neuf Cegetel propose dans sa contribution une autre délimitation des marchés de l'accès non résidentiel, constituée de quatre segments : les petits professionnels, les PME, les entreprises monosite et les entreprises multisites.
L'Autorité estime que cette sous-segmentation du marché non résidentiel correspond à une approche relevant plus du marketing que d'une véritable segmentation du type de produits offerts et des cond itions d'exercice de la concurrence.


I-2.4. Avis du Conseil de la concurrence


Le Conseil de la concurrence souscrit à l'analyse de l'Autorité et en particulier à la pertinence de la segmentation en deux marchés de l'accès distincts pour les usagers résidentiels, d'une part, et non résidentiels, d'autre part.


I-2.5. Observations de la Commission européenne


La Commission européenne ne formule aucune observation concernant la délimitation des marchés de détail de l'accès.


I-2.6. Conclusion


La délimitation des marchés de détail de l'accès, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et pour la clientèle non résidentielle, d'autre part, reste inchangée par rapport à l'analyse effectuée par l'Autorité en 2005. Ces marchés comprennent les offres dédiées principalement ou exclusivement à l'accès au service téléphonique, sur l'ensemble du territoire d'analyse :
― le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle résidentielle principalement pour accéder au réseau téléphonique public ;
― le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle professionnelle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle professionnelle principalement pour accéder au réseau téléphonique public ; en particulier, il inclut les prestations spécifiques des offres de services de capacité destinées aux clients professionnels qui donnent accès au réseau téléphonique public.


I-3. Délimitation des marchés de gros du départ d'appel et de la terminaison d'appel fixe
I-3.1. Préambule relatif aux architectures des réseaux


La première partie de ce document, « Bilan et perspectives », a permis de décrire les évolutions des architectures et des technologies utilisées par les opérateurs fixes. Cette partie se concentre sur l'organisation de l'interconnexion.


I-3.1.1. Architecture des réseaux téléphoniques
Figure 1 : Architecture générique du réseau téléphonique public




Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 12/08/2008 texte numéro 51



Ce schéma présente l'architecture type d'un réseau téléphonique. Le terminal de l'abonné est directement relié à un équipement de commutation ou de routage, chargé d'acheminer l'appel vers son destinataire. Si ce dernier n'est pas raccordé par le même élément de réseau, l'appel est véhiculé, sur un réseau de transit, jusqu'à l'équipement de commutation ou de routage le desservant.


I-3.1.1.1. Cas du réseau téléphonique commuté de France Télécom


Le réseau « historique » de France Télécom est un réseau téléphonique commuté, organisé hiérarchiquement et présenté ci-après. Depuis quelques années, France Télécom a déployé des équipements IP, lui permettant d'utiliser la technologie VoIP pour l'acheminement de la voix (commercialisée sous la marque « Orange Internet » sur le marché résidentiel et « Orange Business Services » sur le marché entreprises) et de proposer des services supplémentaires à des abonnés. Deux réseaux, RTC et IP, coexistent ainsi.
Sur le réseau téléphonique commuté de France Télécom, les commutateurs raccordant les abonnés sont appelés « commutateurs d'abonnés » (CA) ou « commutateurs à autonomie d'acheminement » (CAA).


Figure 2 : Architecture du réseau téléphonique commuté de France Télécom




Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 187 du 12/08/2008 texte numéro 51



Un commutateur de transit (CT) raccorde plusieurs commutateurs d'abonnés et achemine le trafic qui leur est destiné ou qu'ils génèrent. La métropole est divisée en 18 zones de transit (ZT), comprenant chacune un commutateur de transit (4) auquel sont connectés plusieurs commutateurs d'abonnés. Les réseaux commutés des autres opérateurs de boucle locale sont souvent d'envergure plus faible que celui de France Télécom, et ne possèdent généralement qu'un seul niveau de commutation, pouvant assurer simultanément des fonctions de transit et de commutation.

(4) En pratique, une zone de transit comprend un ou plusieurs commutateurs de transit doublons, assurant la sécurité de l'acheminement du trafic géré par le commutateur de transit principal.