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Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article AUTONOME (Décision n° 2008-0896 du 29 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



I-2.1.1. Les services d'accès aux réseaux mobiles ne sont pas substituables
aux services d'accès aux réseaux fixes


Un accès mobile est caractérisé par le fait de permettre à l'utilisateur d'y avoir recours indépendamment de sa localisation. Cette fonctionnalité de mobilité conduit par nature à ce que l'utilisateur perçoive ces services comme différents des services « en position déterminée », ou « services fixes ». En outre, le mobile revêt un caractère personnel. En pratique, un foyer, quand bien même certains de ses membres disposeraient d'un téléphone mobile, se dispense rarement d'une ligne téléphonique fixe. L'Autorité constate d'ailleurs en pratique que le nombre d'accès aux services de téléphonie fixe n'a pas réellement diminué du fait de la pénétration des services mobiles. A ce jour, la grande majorité des usagers disposent ainsi à la fois d'un téléphone mobile et d'un accès au service téléphonique fixe. Les accès mobiles ne sont donc pas substituables à leurs équivalents fixes.
On observe néanmoins des effets de substituabilité limités entre les deux types de services. L'Autorité note qu'un usager final peut utiliser un accès mobile sur le lieu où il dispose de son accès fixe, la réciproque étant fausse par définition. Ces comportements découlent notamment des politiques de forfaits quasi-généralisées sur les réseaux mobiles, et du niveau relativement élevé du prix des communications depuis un poste fixe vers un mobile en comparaison de celui des communications d'un mobile vers un autre. Mais cet effet de substituabilité porte en réalité sur les prestations de communications et non sur les prestations d'accès.
L'Autorité remarque également l'apparition d'offres de convergence entre les réseaux fixes et mobiles. Ces offres sont proposées par des acteurs intégrés horizontalement sur les marchés fixe et mobile ou bien par des opérateurs fixe et mobile s'étant entendus pour proposer une offre conjointement. Certains de ces services permettent, lorsque l'on passe un appel avec son terminal mobile depuis chez soi, d'acheminer la communication via un accès Wi-Fi et de bénéficier ainsi des tarifs applicables pour les communications téléphoniques de type voix sur large bande. Un opérateur mobile s'est également positionné de manière à concurrencer ces offres de convergence à partir d'un service purement mobile. La politique commerciale de cet opérateur consiste à offrir ou à vendre à ses clients une option permettant de passer des appels illimités depuis leur terminal mobile lorsqu'ils sont chez eux. Il ne s'agit que d'une offre commerciale puisque techniquement les appels continuent d'être systématiquement acheminés via la boucle locale radio.
L'ensemble de ces nouveaux types d'offres conduit à penser que les services d'accès aux réseaux fixes et mobiles pourraient à long terme constituer un unique marché des services téléphoniques. Mais il ne s'agit à ce jour que de tendances potentielles puisque la très grande majorité des consommateurs continue d'utiliser les services fixes, d'une part, et les services mobiles, d'autre part, de façon distincte et non interchangeable.


I-2.1.2. Les services d'accès et les services de communications constituent des marchés distincts


Du point de vue historique, les prestations d'accès ont toujours été proposées séparément des prestations de communications. Bien qu'aujourd'hui se développent des offres couplant accès et communications, la majorité des clients continue de distinguer l'abonnement des communications dans leurs choix d'achats et dans le contrôle de leur budget.
En outre, le mécanisme de sélection du transporteur, introduit à partir de 1997, repose sur la séparation entre l'accès et les communications et maintient cette distinction. La sélection du transporteur a été mise en œuvre pour développer la concurrence entre les opérateurs fournissant l'acheminement des appels, indépendamment des conditions de concurrence qui pouvaient être observées sur le marché de l'accès au réseau téléphonique public (ci-après dénommé « RTP »). De fait, la souscription à un abonnement de téléphonie fixe et la souscription à un service de communications fixes, appel par appel ou en présélection, sont effectuées auprès d'opérateurs distincts. Sous le coup du développement d'offres de communications fondées sur la sélection du transporteur, l'intensité concurrentielle est sensiblement différente entre les marchés des communications et ceux de l'accès.
Cependant, depuis 2006 et la création de l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique (ci-après dénommée « VGAST »), les opérateurs alternatifs ont la possibilité de proposer des offres couplant accès et communications aux clients titulaires d'un accès chez France Télécom. De même, France Télécom commercialise une gamme d'offres « Optimale » couplant accès et communications. Ces offres unifiées permettent de simplifier les usages des clients, avec notamment une facture unique au lieu de deux dans le cas de la sélection du transporteur.
A moyen terme, il est possible que les offres couplant accès et communications se généralisent et fusionnent les marchés de l'accès et des communications en un unique marché des services téléphoniques. Mais à ce jour, les offres de sélection du transporteur représentent encore une part très importante des offres de téléphonie des opérateurs alternatifs et la majorité des usagers continuent de distinguer l'achat de l'accès de l'achat des communications.
Pour ce qui concerne les prochaines années, l'Autorité estime donc que les marchés de l'accès et des communications ne sont pas substituables et continuent de constituer des marchés distincts. Cette analyse est conforme à la nouvelle recommandation « marchés pertinents » de la Commission européenne, qui explique dans la note explicative sur sa recommandation : « Telephone services are usually supplied as overall packages of access and usage. Various options and packages may be available to end users depending on their typical usage or calling patterns. Although many end users appear to prefer to purchase both access and outgoing calls from the same undertaking, many others choose alternative undertakings from the one providing access (and the receipt of calls) in order to make some or all of their outgoing calls. An undertaking that attempted to raise the price of outgoing calls above the competitive level would face the prospect of end users substituting alternative service providers. End users can relatively easily choose alternative undertakings by means of short access codes, (carrier selection via contractual or pre-paid means) or by means of carrier pre-selection. Whilst undertakings that provide access compete on the market for outgoing calls, it does not appear to be the case that undertakings supplying outgoing calls via carrier selection or pre-selection would systematically enter the access market in response to a small but significant non-transitory increase in the price of access. Therefore, it is possible to identify separate retail markets for access and outgoing calls. »


I-2.1.3. Les clientèles résidentielle et professionnelle délimitent des marchés distincts


La Commission européenne avait distingué dans ses lignes directrices et dans sa recommandation « marchés pertinents » de 2003, deux types de clientèles : les « abonnés résidentiels » et les « abonnés d'affaires » qui regroupent les professions libérales, les PME et les grandes entreprises. De même, dans sa première décision d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité avait estimé que dans le cas français, la segmentation des marchés de détail en fonction des clientèles résidentielle et professionnelle était pertinente d'un point de vue concurrentiel et avait donc défini, d'une part, trois marchés pertinents de détail pour la clientèle résidentielle et, d'autre part, trois marchés pertinents de détail pour la clientèle professionnelle.
Dans sa nouvelle recommandation « marchés pertinents », estimant que les conditions d'accès ne diffèrent en réalité pas substantiellement d'un segment de clientèle à l'autre, la Commission européenne considère dorénavant que les clientèles résidentielle et professionnelle peuvent être regroupées au sein d'un même marché pertinent : « In the initial Recommendation, a distinction was made between residential and non-residential access. However, the experience so far of market analyses and notifications under the Framework Directive has shown that the contractual terms of access in most Member States, do not significantly and systematically differ between residential and non-residential access. Operators do not generally seek to classify different demand categories and do not normally register whether a particular access service is supplied to a residential or non-residential customer, so that collecting separate data for both groups of customers has in practice often appeared to be difficult. From a supply perspective, since similar products (in particular PSTN access lines) are often used by residential and non-residential users, suppliers to non-residential customers could generally divert their supplies to residential customers should prices to residential customers rise, and vice versa. On this basis, the Commission proposes in the draft revised Recommendation to define one single narrowband access market for residential and non-residential customers. » La Commission européenne précise toutefois dans le même document que les Autorités de régulation nationales ont la possibilité de décider, si les circonstances nationales le justifient, de continuer de considérer des marchés distincts pour les clientèles résidentielle et professionnelle : « NRAs may, however, decide on the basis of national circumstances and in line with competition law principles to segment this market further where this would be appropriate. » (2)
L'Autorité considère que la segmentation des marchés de détail entre clientèles résidentielle et non résidentielle demeure pertinente au cas d'espèce de la France. En effet, s'il existe un certain degré de substituabilité notamment en matière de demande, celle-ci n'est pas totale.
Tout d'abord en ce qui concerne les besoins des utilisateurs, les produits d'accès ainsi que les contrats associés à ces produits achetés par la clientèle non résidentielle diffèrent souvent de ceux achetés sur le marché résidentiel. A titre d'exemple, les accès de base (ainsi que les groupements d'accès de base) et les accès primaires (ainsi que les groupements d'accès primaire) sont quasi exclusivement achetés sur le marché non résidentiel. De plus, même si certains accès sont à la fois achetés par la clientèle résidentielle et non résidentielle (par exemple les accès analogiques), les caractéristiques associées à ces produits diffèrent fortement d'un marché à l'autre. Notamment, s'agissant des usagers du marché non résidentiel, les commandes d'accès sont souvent centralisées, les dates de livraison des commandes harmonisées, et en cas de portabilités des numéros, celles-ci se font souvent par bloc de numéros. En outre, ces usagers tendent à solliciter davantage de services associés ou avancés (présentation du nom, transfert d'appel, statistiques d'usage, etc.) et à acheter leurs accès via des appels d'offres (les processus d'achat sur les marchés résidentiels étant en général moins complexes). L'Autorité tient à souligner, toujours concernant les caractéristiques des usages sur les deux marchés de l'accès identifiés, que les clients professionnels présentent une demande nettement supérieure en termes de qualité de service (disponibilité, temps de rétablissement, service après-vente, etc.), une interruption de services pouvant porter préjudice au fonctionnement d'une entreprise, notamment en ce qui concerne la relation avec ses partenaires externes. Enfin, les profils d'usages diffèrent sensiblement sur les deux marchés et les clients professionnels utilisent les services de communications électroniques principalement durant les heures et jours ouvrables, à l'opposé des résidentiels. Les offres de détail achetées par ces deux catégories de client ne sont en conséquence pas identiques (mode de tarification, remises accordées, etc.).
Les besoins spécifiques des clients non résidentiels présentés supra ont un impact important sur la façon dont sont construites les offres sur ces deux marchés mais aussi sur la structure des marchés concernés. Ainsi, du côté de l'offre, on constate qu'à ce jour seuls deux acteurs desservent à la fois les clientèles résidentielle et professionnelle, les autres opérateurs étant positionnés exclusivement sur l'une ou l'autre. Or ces deux opérateurs continuent de développer des offres tarifaires différentes pour chacune d'elles. L'Autorité note également que les canaux de distribution et de commercialisation, et plus généralement les politiques commerciales de ces opérateurs, sont distincts entre les deux clientèles. Ainsi, chaque offre est explicitement destinée soit aux clients résidentiels, soit aux clients professionnels. Certains petits professionnels, dont les usages sont particulièrement proches de ceux des clients résidentiels, peuvent toutefois opter pour des offres conçues pour les résidentiels, mais ce chevauchement entre les deux franges de clientèles identifiées reste marginal.
Enfin, la plus grande complexité des offres destinées au marché non résidentiel impose des contraintes particulières aux opérateurs désirant adresser ce marché. Ces derniers doivent par exemple être en mesure d'offrir des garanties de qualité de service adaptées aux besoins des clients non résidentiels (garanties de temps de rétablissement plus élevés que sur les marchés résidentiels) ou encore collaborer avec des installateurs et intégrateurs pour le déploiement des infrastructures d'accès. A titre illustratif, du fait de la plus grande complexité des offres destinées à la clientèle du marché non résidentiel (et notamment de la qualité de service à fournir), l'utilisation de l'offre de gros de vente en gros de l'accès au service téléphonique (VGAST) a été plus rapide et répandue sur le marché résidentiel. Sur le marché non résidentiel, les opérateurs alternatifs ont estimé nécessaire de procéder au préalable à des expérimentations plus élaborées.
Au vu de ces éléments, l'Autorité estime justifié de segmenter les types de clientèle sur lesquels porte la délimitation des marchés et d'analyser la clientèle résidentielle, d'une part, et la clientèle professionnelle, d'autre part.

(2) Source : Note explicative de la Commission sur sa recommandation en date du 17 décembre 2007.