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Article AUTONOME (Avis n° 2007-0857 du 22 octobre 2007 sur trois articles du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs)

Article AUTONOME (Avis n° 2007-0857 du 22 octobre 2007 sur trois articles du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs)



A N N E X E S


AVIS N° 2006-0847 DE L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES EN DATE DU 7 SEPTEMBRE 2006 PORTANT SUR TROIS ARTICLES DU PROJET DE LOI EN FAVEUR DES CONSOMMATEURS ET RELATIFS AU SECTEUR DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 35-1, L. 35-2, L. 35-3, et L. 36-5 ;
Vu le code de la consommation ;
Vu la saisine pour avis du ministre délégué à l'industrie en date du 1er août 2006 soumettant trois articles de l'avant-projet de loi en faveur des consommateurs et portant sur le secteur des communications électroniques ;
Vu le rapport n° XA1-2006 du Conseil général des technologies de l'information sur la « gratuité des temps d'attente des centres de relation client » ;
Après en avoir délibéré le 7 septembre 2006,


1. La saisine


Par une lettre en date du 1er août 2006, le ministre délégué à l'industrie a saisi pour avis l'Autorité, en application de l'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques, sur trois articles de l'avant-projet de loi en faveur des consommateurs et relatifs au secteur des communications électroniques.
Le premier article vise à encadrer les délais de résiliation des contrats de services de communications électroniques et les modalités de restitution des avances sur consommation et des dépôts de garantie versés par les consommateurs lors de la souscription de ces contrats.
Le deuxième article vise à imposer la gratuité des temps d'attente pour les services d'assistance technique, services après-vente et services de réclamations des opérateurs de communications électroniques, dénommés « services d'assistance technique » dans la suite du présent avis.
Le troisième article vise à modifier les articles L. 35-2 et L. 35-3 du CPCE afin de permettre l'attribution à deux opérateurs distincts des prestations annuaire et renseignements téléphoniques et d'autoriser le ministre à ne pas désigner d'opérateur pour fournir une composante du service universel si le marché suffit pour satisfaire aux besoins des consommateurs.
Le présent avis reprend les trois articles susmentionnés en précisant pour chacun les éléments qui lui semblent pertinents.


2. Sur les conditions de résiliation des contrats de services de communications électroniques
(article 6 de l'avant-projet de loi)


L'Autorité s'associe pleinement à la démarche engagée par le ministre de l'industrie lors de la table ronde du 27 septembre 2005 visant à accroître la capacité des consommateurs à faire jouer la concurrence entre fournisseurs de services de communications électroniques en améliorant les conditions de résiliation des contrats au bénéfice des consommateurs.
En effet, les conditions de résiliations d'un contrat de service sont un déterminant fondamental des coûts de sortie, dont l'importance dans l'établissement d'une concurrence effective a été soulignée par le rapport Nasse (1). Ce rapport définit les coûts de sortie comme l'ensemble « des difficultés de toute nature que rencontre, parfois, un consommateur lorsqu'il veut quitter pour un autre : une marque, une enseigne ou un opérateur lui fournissant ses biens ou services habituels » et rappelle que « ces coûts ont tous le même effet : rendant plus coûteuse la "sortie”, ils fidélisent la clientèle en faisant obstacle au jeu de la concurrence entre les offreurs » (soulignement ajouté).
Les dispositions de l'article 6 du projet de loi portent sur la modification de l'article L. 121-85 du code de la consommation ainsi que sur l'insertion d'un article L. 121-86 dans ce code. Ces articles seront insérés dans la partie du code relative aux « contrats de services de communications électroniques » (section 11 du chapitre 1er « Pratiques commerciales réglementées » du titre II « Les pratiques commerciales »).


Sur le projet d'article L. 121-85 du code de la consommation


Sur le fond :
L'Autorité est favorable à l'introduction de cette disposition qui vise à encadrer le délai de restitution par les fournisseurs des sommes versées d'avance. En cas de changement d'opérateur, un consommateur peut en effet être contraint de payer de telles sommes à son nouveau fournisseur alors même qu'il n'a pas été remboursé par le fournisseur qu'il quitte. Cette disposition a donc pour effet de réduire l'impact sur la trésorerie du consommateur d'un changement de fournisseur.
Sur la forme :
L'expression « somme versée d'avance » semble désigner les « avances sur consommation » et « dépôts de garantie » comme le mentionne la lettre de saisine du ministre, auquel cas ces dernières expressions pourraient être employées. En outre, l'Autorité relève que la rédaction actuelle peut prêter à confusion car le terme « sommes versées d'avance » est synonyme d'« arrhes » dans un autre article du code de la consommation (cf. art. L. 114-1 dudit code).
De même, l'utilisation du terme « date de fin effective du contrat » paraît plus appropriée que l'expression « date d'expiration du contrat ». En effet, le terme « fin effective du contrat » prend en compte tous les cas de rupture du contrat (à l'initiative du consommateur ou du fournisseur, à terme ou non) alors qu'une lecture restrictive de l'expression « expiration du contrat » pourrait suggérer que seuls les contrats à durée déterminée, pour lesquels une date d'expiration est explicitement déterminée, sont visés.
L'Autorité observe que la rédaction actuelle pourrait impliquer un droit au remboursement intégral et systématique des sommes versées d'avance. Or, conformément au contrat qui le lie à son client, le fournisseur est en droit de ne pas reverser intégralement un dépôt de garantie par exemple s'il existe une facture impayée. Le paiement par avance d'un abonnement qui constitue un exemple d'avance sur consommation est couramment remboursé partiellement au prorata temporis en fonction de la date de résiliation effective du contrat. La rédaction de l'article pourrait donc lever ce risque d'ambiguité en précisant qu'il ne traite que des sommes qui doivent être restituées au consommateur conformément aux conditions contractuelles liant le fournisseur et le consommateur.
Une proposition de modification de la rédaction de l'article L. 121-85 est formulée en annexe du présent avis.


Sur le projet d'article L. 121-86 du code de la consommation


Sur le fond :
L'Autorité est favorable à l'introduction de cette disposition qui vise à restreindre la possibilité pour les fournisseurs d'introduire dans leur contrat l'obligation pour le consommateur de respecter un préavis de résiliation de plusieurs mois. Cette disposition permettra de réduire significativement un coût de sortie purement artificiel et particulièrement préjudiciable au consommateur. Dans ses travaux pour améliorer les conditions de portabilité des numéros téléphoniques, l'Autorité a eu l'occasion de dénoncer cette situation à de nombreuses reprises. Par ailleurs, cette disposition est en parfaite cohérence avec les évolutions législatives et réglementaires récentes relatives à la conservation du numéro (article L. 44 du CPCE).
Néanmoins, l'Autorité note que la rédaction actuelle ne permet pas au consommateur de demander à son initiative que la résiliation de son contrat prenne effet à une date postérieure au délai de dix jours suivant la réception de sa demande. Elle estime qu'une telle souplesse doit être introduite pour permettre au consommateur de choisir la date d'effet de sa résiliation afin d'une part, de minimiser voire d'éviter le paiement d'une indemnité de rupture anticipée de contrat et, d'autre part, de choisir la date où la portabilité de son numéro sera effective, limitant ainsi l'impact de l'interruption de service qui est susceptible d'avoir lieu ce jour-là.
Sur la forme :
L'Autorité comprend que l'expression « sans préjudice des éventuelles dispositions financières liées à la durée d'engagement » signifie que le non-respect de la clause relative à la durée d'engagement peut engendrer le paiement d'une indemnité de résiliation anticipée par le consommateur à son fournisseur au titre des mois restants dus.
Une proposition de modification de la rédaction de l'article L. 121-86 est formulée en ce sens en annexe du présent avis.
Sur l'application aux contrats en cours et la date d'entrée en vigueur des articles L. 121-85 et L. 121-86 du code de la consommation :
Le paragraphe III de l'article 6 de l'avant-projet de loi prévoit que l'article L. 121-85 est applicable au contrat en cours.
L'ARCEP est favorable à cette disposition, mais souligne la nécessité de l'étendre à l'article L. 121-86. A défaut, en effet, cet article engendrerait des délais de résiliation disparates entre, d'une part, les contrats en cours et, d'autre part, les contrats conclus postérieurement à l'adoption de cette loi (délai de dix jours). En outre, cela engendrerait également des délais de résiliation inégaux entre une résiliation simple et une résiliation résultant d'une demande de portabilité selon les modalités décrites à l'article L. 44 du CPCE qui impose ce même délai de dix jours pour la prise d'effet de la résiliation. Au final, la non-applicabilité de l'article L. 121-86 aux contrats en cours brouillerait la compréhension du consommateur concernant les délais de résiliation applicables.
Par ailleurs, l'Autorité recommande qu'un délai de six mois, postérieurement à la publication de la loi, soit introduit pour l'entrée en vigueur de ces deux dispositions pour permettre aux opérateurs d'informer les consommateurs, d'adapter en conséquence les contrats, les systèmes d'information et plus généralement l'ensemble de leurs services de relation clientèle.
Une proposition de modification de la rédaction du paragraphe III de l'article 6 est formulée en annexe du présent avis.
Sur l'opportunité d'introduire un encadrement réglementaire des durées minimales d'engagement et des paiements forfaitaires lors de la résiliation :
L'Autorité souhaite attirer l'attention du ministre sur les pratiques prévalant actuellement sur le marché français en matière de durée minimum d'engagement et d'obligation pour le consommateur de payer des montants forfaitaires à l'occasion de la résiliation de son contrat.
L'Autorité comprend que l'objectif des dispositions précédentes, sur lesquelles le ministre a demandé l'avis de l'Autorité, est d'accroître la capacité des consommateurs à faire jouer, à leur bénéfice, la concurrence qui s'exerce entre fournisseurs de services de communications électroniques. La généralisation des clauses d'engagement minimum pour des périodes longues (24, voire 36 mois) constitue un facteur certain de ralentissement du jeu concurrentiel. A titre illustratif, l'Autorité note qu'actuellement 75 % des clients de contrats « postpayés » de téléphonie mobile sont soumis au respect d'une telle clause d'engagement au 30 juin 2006 et ne sont donc pas en mesure de changer de fournisseur sans payer une indemnité au fournisseur qu'ils quittent.
Si ces durées d'engagement sont souvent accompagnées d'une contrepartie sous la forme d'une subvention de l'équipement terminal (téléphone mobile ou fixe, modem et « box » pour les offres multiservices), force est de constater que le consommateur ne dispose pas des moyens d'évaluer s'il est dans son intérêt de souscrire à une telle durée minimum d'engagement. Ceci est d'autant plus vrai que la durée d'engagement est longue et implique donc que le consommateur soit capable d'anticiper l'évolution du marché à un horizon de 24, voire de 36 mois.
Cette politique de subvention a permis de stimuler le développement du marché mobile durant sa phase de croissance et joue un rôle équivalent actuellement dans le marché du haut débit et des offres multiservices. Les clauses relatives aux durées d'engagement minimal peuvent en effet assurer à l'opérateur la possibilité de recouvrer le coût de la subvention accordée à son client ou les coûts fixes d'acquisition d'un client par le biais du prix mensuel qui lui est facturé. Il est donc bien évidemment souhaitable que, dans l'intérêt des consommateurs, les opérateurs puissent, dans une certaine mesure, présenter des offres comportant de telles clauses.
Par ailleurs, indépendamment des durées minimum d'engagement, de nombreux contrats imposent le paiement par le consommateur de somme forfaitaire à l'occasion de leur résiliation. La prohibition des « clauses abusives » inscrite dans le code de la consommation permet au consommateur, ou aux associations les représentant, de contester de telles clauses, le cas échéant. Mais de telles contestations restent difficiles et longues à mettre en œuvre dans la mesure où les contrats ne précisent pas à quel titre de telles sommes sont dues.
Dans ce contexte, l'Autorité estime nécessaire d'introduire une disposition limitant à 12 mois au maximum les durées minimum d'engagement associées à la souscription de contrats de services de communications électroniques et une disposition instaurant une obligation pour les fournisseurs d'expliciter dans leur contrat la contrepartie associée au paiement de sommes forfaitaires dues lors de la résiliation du contrat.


3. Sur la gratuité des temps d'attente pour les services d'assistance technique des fournisseurs
de services de communications électroniques (article 7 de l'avant-projet de loi)


3.1. L'Autorité approuve et soutient l'action du ministre visant à préserver l'intérêt des consommateurs mais souligne les difficultés techniques et juridiques qui résultent des modalités prévues par la disposition législative proposée
Les services de communications électroniques ont connu une expansion tout à fait remarquable au cours de la dernière décennie. En particulier en matière d'internet haut débit, le nombre de clients est passé de près de 70 000 fin 2000 à plus de 11 millions à la fin du deuxième trimestre 2006. Selon le onzième rapport de la Commission européenne, la France se classait deuxième en nombre d'abonnements haut débit à la fin du troisième trimestre 2005, derrière l'Allemagne et devant le Royaume-Uni.
Fortement concurrentiel et dynamique, le marché français du haut débit présente les tarifs de détail les plus bas d'Europe. Le développement du secteur des communications électroniques ne doit toutefois pas se faire au détriment de la qualité du service offert aux consommateurs, dont la protection est au centre des préoccupations de l'Autorité. Or il apparaît qu'aujourd'hui encore ceux-ci se heurtent à de nombreuses difficultés, techniques, contractuelles, ou financières. Ainsi, les plaintes recueillies par la DGCCRF concernant les services de communications électroniques ont augmenté de plus de 34 % en 2005, et de 79 % pour les seuls litiges concernant internet (47,7 %, contre 23,9 % pour la téléphonie mobile et 28,4 % pour la téléphonie fixe). La DGCCRF observe que cette augmentation traduit « les difficultés rencontrées par les consommateurs dans un contexte d'abondance et de diversité des offres de services [...] de plus en plus complexes à appréhender ».
Comme l'ont montré les tables rondes entre associations de consommateurs et fournisseurs de services de communications électroniques, organisées par le ministre, l'insatisfaction des consommateurs est forte en matière de traitement des problèmes de qualité du service rendu par les services d'assistance technique des fournisseurs. Cette assistance est fournie à travers des centres d'appel téléphonique pouvant être joints via des numéros de téléphone donnant accès à des services vocaux à valeur ajoutée (de la forme 08 AB PQ MC DU) faisant l'objet d'une tarification particulière au détail pour le consommateur (0,34 euro la minute en général pour les services d'assistance) et d'un reversement d'une part de ce montant au centre d'appel, et donc in fine au fournisseur de services de communications électroniques. La généralisation de l'attente qui précède fréquemment le traitement de la demande du client appelant un service d'assistance technique ainsi que le déséquilibre entre la situation respective du consommateur, qui paye cette attente comme une assistance active, et du fournisseur, qui est rémunéré durant cette attente, ont créé une suspicion sur la légitimité de ces schémas de tarification.
Dans ces circonstances, l'article 7 de l'avant-projet de loi introduit un article L. 113-5 dans le code de la consommation imposant la « gratuité des temps d'attente pour les services d'assistance technique des opérateurs de communications électroniques ». L'Autorité approuve et soutient l'action du ministre visant à préserver l'intérêt des consommateurs.
Toutefois, l'Autorité souligne les difficultés techniques et juridiques qui résultent des modalités prévues par la disposition législative proposée :
― sur un plan technique, la disposition proposée pose des difficultés importantes de mise en œuvre et ne pourra pas, en tout état de cause, être effective dans le délai de trois mois suivant la publication de la loi ;
― sur un plan juridique, la complexité du dispositif pourrait être source de contentieux inextricables pour les juridictions intervenant dans la sanction des infractions.


3.2. Les difficultés techniques et juridiques qui résultent des modalités
prévues par la disposition législative proposée


Sur le plan technique :
La tarification des appels vers les services d'assistance technique, et notamment du temps d'attente, est une problématique complexe, dans la mesure où à l'heure actuelle, les montants de ces appels sont susceptibles d'être facturés par un fournisseur autre que celui dont le service d'assistance technique est appelé.
Or, le projet de loi ne précise pas les modalités techniques de mise en place de la gratuité du temps d'attente. En particulier, le texte proposé laisse la possibilité aux opérateurs de mettre en place la gratuité du temps d'attente par un mécanisme de modulation tarifaire en cours d'appel, consistant à ne facturer la communication qu'à compter du changement d'état attente/prise de ligne d'un interlocuteur, et ce quelle que soit la boucle locale à partir de laquelle est émis l'appel. Ceci implique la généralisation, et donc la standardisation d'un mécanisme interopérateur de modulation tarifaire, soulevant des problématiques délicates de mise en œuvre pour l'ensemble des opérateurs de boucle locale fixe ou mobile ainsi que pour les opérateurs de transit et de collecte intervenant dans l'interconnexion et l'acheminement de l'appel. Ceux-ci devraient alors notamment adapter leur système d'information pour pouvoir détecter la fin du temps d'attente en respectant les standards définis en concertation avec l'ensemble des acteurs. Ce processus serait à la fois coûteux et long, et nécessiterait probablement un encadrement réglementaire complémentaire complexe pour en préciser les modalités techniques.
A cet égard, le rapport publié en juillet 2006 par le CGTI sur la gratuité des temps d'attente des centres de relation client indique, concernant la mise en place d'un service de modulation tarifaire en cours d'appel, qu'« il est nécessaire de fixer par avance et de façon réaliste la durée transitoire pour que les acteurs disposent d'une bonne visibilité ; il est en conséquence proposé de la fixer à deux ans à compter de la mise en place de l'obligation de gratuité du temps d'attente. »
Cette estimation paraît réaliste compte tenu du caractère complexe des problématiques techniques sous-jacentes et des délais longs de spécification, de développement et d'implémentation de standards partagés par l'ensemble des acteurs. En tout état de cause, le délai de trois mois prévu par le projet de loi pour l'application de la gratuité du temps d'attente ne pourrait être respecté dès lors que cette disposition s'applique aux appels passés depuis une boucle locale tiers et non aux seuls appels passés depuis la boucle locale du fournisseur lorsqu'elle existe (i.e. lorsque le consommateur dispose effectivement d'une offre de service téléphonique de la part de son fournisseur, ce qui n'est pas toujours le cas).
Par ailleurs, concernant les appels passés depuis les mobiles vers un service d'assistance technique tiers, le projet de loi ne permettrait pas de limiter le montant facturé au client lors de l'attente précédant le traitement effectif de sa demande. Si à l'heure actuelle, ce montant correspond au prix d'une simple communication (couramment appelé « airtime »), le projet de loi laisserait aux opérateurs mobiles la liberté de fixer librement ce montant, voire de l'augmenter à terme. De surcroît, le projet de loi ne permettrait pas d'empêcher les opérateurs mobiles d'instaurer une discrimination entre d'une part, les appels passés vers leur service d'assistance technique, qui seraient décomptés dans le forfait de l'abonné pour la durée courant à partir du début de traitement effectif de la demande, et, d'autre part, les appels passés vers des services d'assistance technique tiers qui non seulement ne bénéficieraient pas de la gratuité du temps d'attente, mais ne seraient pas décomptés dans le forfait de l'abonné.
Sur le plan juridique :
― Champ d'application du a et du b de l'article L. 113-5 :
Compte tenu de la rédaction employée, l'Autorité émet certaines réserves sur l'imprécision inhérente à l'emploi des notions de « boucle locale du fournisseur », « boucle locale fixe », et « autre boucle locale ».
En particulier, il convient de noter que la « boucle locale du fournisseur », qui semble désigner un accès au service téléphonique offert par le fournisseur, n'existe pas dans de nombreuses circonstances. En effet, dès lors que l'objet du contrat de service de communications électroniques qui lie le consommateur et le fournisseur n'inclut pas la fourniture d'un service téléphonique fixe ou mobile, il n'existe pas d'« appel de même nature émanant de sa boucle locale » tel que considéré par le b du projet d'article L. 113-5. Cette circonstance est courante pour les services d'accès à internet qui n'incluent pas de service téléphonique. Si le marché est en passe de généraliser l'offre de service téléphonique en complément (optionnel dans de nombreux cas) d'une offre d'accès à haut débit à internet, les contrats existants sont loin d'inclure systématiquement une telle fonctionnalité.
L'Autorité interprète néanmoins ainsi ces dispositions :
― le a correspondrait aux appels passés depuis la boucle locale exploitée par l'opérateur dont le service d'assistance technique est appelé, qu'elle lui appartienne en propre (France Télécom, câblo-opérateurs tels que Noos/UPC, opérateurs mobiles) ou qu'elle soit louée par celui-ci (opérateurs alternatifs ayant recours aux offres de gros de France Télécom, opérateurs mobiles virtuels...). Le a inclurait également le cas des appels passés depuis toute « boucle locale fixe » sur le territoire national, quel que soit l'opérateur qui l'exploite ;
― le b intégrerait le cas des appels passés depuis une boucle locale mobile ou en dehors du territoire national, autre que celle exploitée par l'opérateur dont le service d'assistance technique est appelé. En particulier, cela inclurait le cas des appels « off net », i.e., appels passés depuis une boucle locale mobile vers une autre boucle locale, et celui des appels passés depuis une boucle locale située à l'étranger.
Toutefois, si cette interprétation s'avère correcte, on peut s'interroger sur la rédaction du b, et notamment sur le fait que la disposition s'applique « sauf pour la fraction du coût de la communication excédant le montant facturé par le fournisseur de services de communication électroniques pour un appel de même nature émanant de sa boucle locale située sur le territoire national ».
En effet, l'application du a devrait conduire à ce que le montant facturé par un service d'assistance technique pour un appel émanant de sa boucle locale soit nul lors du temps d'attente. Il convient donc probablement de préciser dans le b qu'il s'agit du montant facturé lors du traitement effectif de la demande, hors temps d'attente. Par ailleurs, le terme « fraction du coût » est ambigu. On pourrait en effet interpréter le b comme une disposition imposant implicitement une obligation d'orientation vers les coûts des tarifs correspondant à la facturation du temps d'attente pour les appels off-net passés depuis une boucle locale mobile ou depuis l'étranger, minoré du montant facturé par le service d'assistance technique de l'opérateur pour un appel passé depuis la boucle locale qu'il exploite.
Il pourrait donc être souhaitable de modifier la proposition susmentionnée du b par la proposition suivante : « la fraction du prix de la communication téléphonique excédant le montant facturé par l'opérateur pour un appel de même nature émanant de sa boucle locale située sur le territoire national lors du traitement effectif de l'appel par un interlocuteur d'un service visé à l'alinéa précédent ».
Enfin, il convient de noter que l'extension du champ de la disposition au cas des appels passés de l'étranger sous-entendue dans le texte actuel pourrait inciter les fournisseurs à ne plus offrir de service d'assistance technique accessible de l'étranger. En effet, l'accessibilité des numéros vocaux à valeur ajoutée à l'international n'est pas systématique, et est actuellement d'ores et déjà très limitée pour des structures tarifaires simples : dans ce cadre, il est illusoire d'espérer que des numéros spéciaux respectant le principe de gratuité des temps d'attente puissent être rendus accessibles depuis des boucles locales téléphoniques étrangères.
― Aucune somme ne peut, à quelque titre que ce soit, être exigée du consommateur :
Le terme « exigée » paraît inapproprié, dans la mesure où la notion d'exigibilité renvoie en droit au recouvrement d'une créance, alors que le texte soumis pour avis vise plus largement l'existence d'une créance (il est présumé que l'intention des rédacteurs est d'instaurer la gratuité du temps d'attente, ce qui veut dire que la créance ne naît pas). Dès lors, le terme « facturée » serait plus adéquat.
3.3. Reprenant les suggestions faites par le CGTI, l'Autorité préconise que le projet de disposition législative impose le recours par les fournisseurs à un numéro libre appel pour leur service d'assistance technique, tout en leur laissant la possibilité de facturer le traitement effectif de la demande a posteriori sur les factures mensuelles des abonnés
La mise en œuvre d'un numéro libre appel :
Comme l'indique le rapport du CGTI, l'adaptation de l'ensemble des réseaux sera une opération longue d'au moins deux ans privant les consommateurs du bénéfice de la mesure dans l'intervalle. Dès lors, l'Autorité propose qu'une modalité d'application consistant à imposer la gratuité des appels vers les services d'assistance technique dans leur totalité depuis une boucle locale fixe en demandant aux opérateurs de mettre à disposition de leurs abonnés un numéro libre appel pour leur service d'assistance technique, tout en leur laissant la possibilité de facturer le traitement effectif de la demande a posteriori sur les factures mensuelles des abonnés, l'opérateur ayant le choix de facturer par exemple la durée de traitement effectif de cette demande, ou à l'acte.
Ce dispositif présente plusieurs avantages. Dans la mesure où le fournisseur de service contrôle l'ensemble des éléments de facturation, il pourrait adapter celle-ci à sa politique commerciale. Notamment, il pourra choisir de ne rien facturer à son client, ce qui est d'ores et déjà le choix de certains fournisseurs comme Telecom Italie et Club Internet, ou encore de facturer a posteriori la durée de traitement effectif de la demande du client, par le biais de la facture qu'il adresse à son client. Le temps d'attente en début de communication ou entre les interlocuteurs successifs peut être décompté, tout comme peut l'être le temps de filtrage requis par le service vocal interactif.
Il serait simple à mettre en œuvre techniquement par l'ensemble des fournisseurs de services de communications électroniques. Il n'est pas nécessaire de mettre en œuvre des solutions techniques permettant de moduler le tarif d'un appel au cours de celui-ci grâce à la réception d'impulsions notifiant le début du traitement effectif de l'appel, et d'imposer que cette modulation soit prise en compte par l'ensemble des opérateurs intervenant dans cette communication (fournisseur d'accès internet, opérateur de boucle locale téléphonique fixe ou mobile, opérateur de transit, opérateur de collecte, etc.).
Le service d'assistance apparaîtrait alors sur la facture mensuelle du client, au même titre que le service principal fourni, le client pouvant suivre directement sa consommation et le coût de ce service. Ceci présenterait un double intérêt : celui, majeur, de résoudre le problème de la double facturation, dans le sens où la facture ne transiterait plus par un autre opérateur, et celui d'offrir plus de transparence et de lisibilité au consommateur.
Contrairement au principe de modulation tarifaire, la mise en place de ce dispositif pourrait être envisageable dans le délai de trois mois retenu dans l'avant-projet de loi.
L'application aux appels émis depuis une boucle locale mobile :
Si la mise en œuvre de numéros libre appel à destination des services d'assistance technique était retenue, il est souhaitable que la loi impose aux opérateurs mobiles de tarifer ces appels comme des appels à destination d'un numéro géographique situé dans la zone de couverture de l'opérateur et donc de les décompter en priorité du forfait. A ce jour, ceci n'est usuellement le cas que pour les services libre appel et les services « appel local », mais ce principe de décompte en priorité dans le forfait n'est pas généralisé à toutes les offres de détail mobile.
En effet, du point de vue du consommateur, il ne serait pas acceptable que les appels vers ces numéros puissent être systématiquement facturés au tarif d'une communication hors forfait, voire à un tarif ad hoc plus élevé, en cas d'appel depuis une boucle locale mobile, alors que, tout au moins pour le temps d'attente, ces appels seraient entièrement gratuits en cas d'appel depuis une boucle locale fixe.
De surcroît, l'Autorité considère que la fourniture d'une communication passée depuis une boucle locale mobile vers un numéro donnant accès à un service vocal à valeur ajoutée et celle d'une communication passée vers un numéro géographique sont proches techniquement et ne présentent donc pas des coûts très différents, qui pourraient motiver la mise en place par l'opérateur mobile de tarifs différenciés.
Il paraît donc souhaitable d'imposer que les appels vers les services d'assistance technique tiers passés depuis une boucle locale mobile soient tarifés au plus au prix d'un appel à destination d'un numéro géographique du territoire national situé dans la zone de couverture de l'opérateur mobile et, à ce titre, inclus dans les forfaits des abonnés.
Au regard de ce qui précède, l'Autorité propose donc la rédaction alternative suivante pour le deuxième alinéa de l'article 7 :
« Les services visés à l'alinéa précédent sont accessibles par un numéro téléphonique :
a) dont le tarif d'appel est gratuit pour l'appelant lorsque l'appel est passé depuis la boucle locale exploitée par le fournisseur de services de communications électroniques ou depuis toute boucle locale fixe du territoire national ;
b) dont le tarif d'appel n'excède pas le tarif applicable au consommateur pour un appel à destination d'un numéro géographique fixe du territoire couvert par l'opérateur de la boucle locale mobile lorsque l'appel est passé depuis une boucle locale mobile tierce du territoire national.
Aucune somme ne peut, à quelque titre que ce soit, être facturée au consommateur qui appelle un service visé au premier alinéa du présent article par le fournisseur de services de communications électroniques tant qu'il n'a pas été mis en relation avec un interlocuteur assurant le traitement effectif de sa demande. »
Les modifications ainsi suggérées par l'Autorité sont de nature à répondre à un certain nombre d'objectifs :
― inciter chaque opérateur à réduire le temps d'attente des consommateurs lorsqu'ils appellent son service d'assistance technique, en interdisant la rémunération du temps d'attente ;
― ne pas permettre à un opérateur mobile, dans le cadre d'appels vers des services d'assistance technique, après-vente ou de réclamations autres que le sien, de facturer le temps d'attente plus cher que les appels à destination des numéros géographiques du territoire national situés dans sa zone de couverture, lesquels sont décomptés dans les différents forfaits souscrits par les consommateurs ;
― être suffisamment simple pour permettre une mise en œuvre à court terme, peu coûteuse, et éviter toute discrimination entre les opérateurs ;
― permettre, dans un souci de transparence vis-à-vis du consommateur, que les services d'assistance technique, après-vente et de réclamations puissent apparaître sur la facture mensuelle du client émise par le fournisseur dont le service d'assistance technique est appelé, au même titre que le service principal qu'il fournit. Les consommateurs sont en effet particulièrement demandeurs de pouvoir suivre directement leur consommation et, les coûts induits par les appels à destination de ce type de services.


4. Sur la modification des conditions de désignation des opérateurs
en charge de fournir des prestations de service universel (article 8 de l'avant-projet de loi)


L'avant-projet de loi se propose dans son article 8 d'introduire une certaine souplesse dans le mécanisme de désignation des prestataires du service universel, au vu des évolutions du marché, des usages et des modèles économiques associés en matière d'annuaires et de services de renseignements (retrait du 12, lancement des services 118, développement rapide de l'usage des annuaires et moteurs de recherche en ligne), et en considérant que certains éléments du service universel peuvent être naturellement offerts par le marché sans nécessiter de désignation d'un prestataire particulier.
Sur la modification des trois premiers alinéas de l'article L. 35-2 du CPCE :
Sur le fond :
La nouvelle rédaction proposée pour le premier alinéa (2) de l'article L. 35-2 permet désormais que soient distingués, au sein de la deuxième composante du service universel, les différents éléments qui la composent, c'est-à-dire l'annuaire papier, l'annuaire électronique et les services de renseignement, afin de permettre une désignation d'opérateurs distincts chargés de fournir chacun de ces éléments. De plus, la rédaction retenue (« le ministre peut désigner ») rend possible, en cas d'appréciation positive par le ministre du caractère suffisamment concurrentiel de la prestation relative à l'une des composantes ou à l'un des éléments constitutifs de la deuxième composante, qu'il ne soit pas procédé à la désignation d'un opérateur en charge de cette prestation. Néanmoins, la rédaction comporte une part d'ambiguïté sur ce qui peut ou non être fourni par deux opérateurs distincts et sur l'unicité de la désignation de l'opérateur chargé d'une composante (1re et 3e) ou d'un élément (2e composante) donné. Par ailleurs, il pourrait être judicieux d'expliciter dans le texte les trois éléments constitutifs de la deuxième composante.
L'Autorité accueille ainsi favorablement l'intention d'introduire plus de souplesse dans le mécanisme de sélection des prestataires du service universel, qui semble résulter de la rédaction proposée, mais propose, afin d'éliminer toute ambiguïté sur la souplesse proposée, d'adopter la rédaction alternative indiquée en annexe.
S'agissant de la nouvelle rédaction proposée du troisième alinéa, l'Autorité comprend qu'il a pour objet de permettre au ministre de désigner plusieurs opérateurs, et non un unique opérateur comme c'est le cas actuellement, en vue d'assurer une prestation de service universel dont il estimerait qu'elle devrait être assurée alors que l'appel à candidatures se serait révélé infructueux, et accueille favorablement cette nouvelle possibilité.
Elle estime toutefois que la rédaction actuelle semble contraindre le ministre à procéder à une telle désignation dès lors que l'appel à candidatures se serait révélé infructueux. Dans certaines circonstances, le caractère infructueux de l'appel d'offres peut être un révélateur du caractère non nécessaire de l'offre de service universel ; l'Autorité propose donc que la nouvelle rédaction laisse au ministre la flexibilité de procéder ou non à la désignation d'un ou plusieurs opérateurs dans cette circonstance.
Une proposition de modification de la rédaction de l'article 8 de l'avant-projet de loi est formulée en annexe du présent avis.
Sur la modification du troisième alinéa de l'article L. 35-3 du CPCE :
L'Autorité comprend que cette disposition vise à éviter que les éditeurs d'annuaires universels (imprimés ou en ligne) ou que les fournisseurs de service de services universels de renseignements téléphoniques (opérateurs 118) qui ne seraient pas désignés par le ministre pour offrir une prestation au titre du service universel ne revendiquent un financement par le fonds de service universel ou une déduction à leur contribution à ce fonds.
L'Autorité accueille favorablement cette disposition.


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Sous réserve des remarques énoncées ci-dessus, notamment sur l'extrême difficulté à mettre en œuvre les dispositions proposées en matière de gratuité du temps d'attente, et des modifications rédactionnelles formulées en annexe, l'Autorité émet un avis favorable sur l'avant-projet de loi.
Le présent avis et les propositions rédactionnelles annexées seront transmis au ministre délégué à l'industrie et publiés au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 7 septembre 2006.


Le président,
P. Champsaur

(1) Rapport sur les « coûts de sorties », mission confiée à Philippe Nasse par M. le ministre de l'industrie, 24 mai 2005. http://www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/dossiers/sec/pdf/rapportnasse.pdf. (2) [...], le ministre chargé des communications électroniques peut désigner un ou plusieurs opérateurs chargés de fournir les composantes du service universel mentionnées aux 1° et 3° de l'article L. 35-I ou les éléments de celle décrite au 2° du même article ».