1.2. Contexte européen
La Commission européenne a adressé à la République française une lettre de mise en demeure en avril 2006, puis un avis motivé en décembre 2006, en raison de la « mise en œuvre incomplète par la France » de la directive 2003/54/CE portant, en particulier, sur les tarifs réglementés de vente de gaz.
1.3. Arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007
Dans son arrêt du 10 décembre 2007, pris dans le cadre du recours contre l'arrêté du 29 décembre 2005 qui modifiait l'arrêté du 16 juin 2005, le Conseil d'Etat considère qu'« il résulte des dispositions combinées de l'article 7 de cette loi [du 3 janvier 2003] et de l'article 2 du décret du 20 novembre 1990 que ces tarifs [réglementés de vente en distribution publique] ne peuvent être inférieurs aux coûts moyens complets de chaque opérateur ; que, pour satisfaire à cette obligation, il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, premièrement, de permettre au moins la couverture par les tarifs des coûts moyens complets des opérateurs tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et, troisièmement, d'ajuster ces tarifs s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarifs et coûts, du fait d'une sous-évaluation des tarifs, au moins au cours de l'année écoulée, afin de compenser cet écart dans un délai raisonnable ».
2. Observations générales
La CRE constate avec satisfaction que le projet d'arrêté concerne, d'une part, non seulement les tarifs en distribution publique mais aussi les tarifs à souscription et, d'autre part, non seulement les ELD mais aussi TEGAZ. Cela devrait accroître la transparence et apporter de la visibilité pour les consommateurs.
Toutefois, le projet d'arrêté ne concerne pas les tarifs réglementés de vente de Gaz de France. Cette différence de traitement de Gaz de France par rapport aux ELD et TEGAZ n'est pas justifiée.
L'absence de règles détaillées d'établissement des tarifs de Gaz de France est préjudiciable au bon fonctionnement du marché français du gaz naturel. L'absence de visibilité constitue en effet un risque et, donc, une barrière à l'entrée pour tout nouvel entrant.
De plus, la CRE déplore que le décret du 20 novembre 1990 ne tire pas les conséquences des nouvelles dispositions sur les tarifs réglementés de vente introduites par l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, ce qui crée une insécurité juridique. En particulier, les dispositions du décret relatives à la procédure d'évolution des tarifs sont devenues caduques.
Enfin, la CRE regrette de n'avoir été saisie d'un premier projet d'arrêté que le 12 décembre 2007. Cette saisine tardive lui interdit de procéder à toutes les auditions formelles qu'elle aurait souhaité faire. De plus, la date à laquelle elle pourra être saisie sur les barèmes déposés par les ELD et TEGAZ pour le 1er janvier 2008, nécessairement ultérieure à la publication de l'arrêté, risque de ne pas être compatible avec le respect de cette échéance.
3. Observations sur le contenu des évolutions de tarifs
3.1. Type d'évolutions
Le projet d'arrêté prévoit que les tarifs réglementés de vente de gaz évoluent « tous les trois mois à compter du 1er janvier 2008 » et que « les variations des tarifs [...] répercutent les variations des coûts d'approvisionnement en gaz et, au plus une fois par an, les variations des charges hors coûts d'approvisionnement ».
Le projet d'arrêté doit mettre en place un processus qui assure que les tarifs couvrent les coûts des opérateurs, conformément à la loi du 3 janvier 2003. Pour ce faire, il n'est pas possible de se contenter d'appliquer des variations de charges sans vérifier annuellement que les coûts sont effectivement couverts.
C'est pourquoi l'article 5 prévoit que les opérateurs peuvent demander chaque année la prise en compte, dans leurs tarifs de vente, des coûts effectivement supportés sur une durée maximale d'un an et qui n'ont pas été répercutés dans leurs tarifs.
3.2. Coûts d'approvisionnement
Durée de la période de calcul de la moyenne
des coûts d'approvisionnement
A ce jour, les tarifs réglementés de vente en distribution publique des ELD évoluent tous les trois mois, en application de l'arrêté du 16 juin 2005. A chaque échéance, les coûts d'approvisionnement pris en compte dans les tarifs sont égaux à la moyenne des coûts d'approvisionnement calculés par la formule déposée par les opérateurs, évaluée sur une période de six mois se terminant un mois avant la date du mouvement tarifaire.
L'évolution des tarifs à souscription des opérateurs est réglementée par le décret du 20 novembre 1990, qui ne fixe ni fréquence d'évolution, ni période de calcul pour évaluer la moyenne des coûts d'approvisionnement. Dans la pratique, les tarifs à souscription évoluent tous les trois mois, aux mêmes échéances que les tarifs en distribution publique, les coûts d'approvisionnement pris en compte dans les tarifs étant égaux à la moyenne des coûts d'approvisionnement évaluée sur une période de trois mois, se terminant un mois avant la date du mouvement tarifaire.
Le projet d'arrêté prévoit de conserver cette périodicité trimestrielle à partir du 1er janvier 2008. Par contre, le calcul de la moyenne des coûts d'approvisionnement à prendre en compte dans les tarifs serait réalisé sur une période définie par les opérateurs, entre trois et six mois, se terminant un mois avant la date du mouvement tarifaire.
Le choix de la durée de la période de calcul permettra aux opérateurs qui le souhaitent, en prenant une courte durée, de limiter le risque d'écart entre les coûts d'approvisionnement supportés et les tarifs de vente appliqués.
Possibilité de prendre en compte
les coûts estimés sur le futur
Dans son arrêt du 10 décembre 2007, le Conseil d'Etat précise que, pour satisfaire à l'obligation de couverture des coûts par les tarifs, « il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, premièrement, de permettre au moins la couverture par les tarifs des coûts moyens complets des opérateurs tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date [...] ».
Plutôt que de prendre en compte uniquement des coûts constatés dans le passé comme le prévoit le projet d'arrêté (moyenne de coûts passés sur trois à six mois), l'arrêt du Conseil d'Etat préconise de se fonder également sur une estimation des coûts futurs, plus proches des coûts qui seront effectivement supportés. La faisabilité d'un tel processus devra être étudiée en concertation avec les acteurs de marché, selon que les opérateurs s'approvisionnent sur le marché, en considérant des indices publiés de prix à terme, ou auprès de fournisseurs d'offres réglementées à souscription.
3.2.1. Charges hors coûts d'approvisionnement
Les tarifs réglementés de vente de gaz doivent couvrir, d'une manière générale, les coûts de la « molécule », les coûts d'utilisation des réseaux de transport et de distribution, la contribution tarifaire acheminement, les coûts d'accès aux stockages et les coûts commerciaux.
Les coûts d'utilisation des réseaux sont couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux fixés par le gouvernement, sur proposition de la CRE.
Afin de s'assurer que les évolutions des tarifs d'utilisation des réseaux sont prises en compte rapidement dans les tarifs réglementés de vente, il est nécessaire d'ajouter, à la fin de l'article 3, que « toute évolution des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution doit être répercutée dans les tarifs réglementés de vente de gaz au plus tard à la première échéance trimestrielle suivant cette évolution ».
La prise en compte de ces évolutions dans les tarifs de vente uniquement à l'issue du bilan annuel des coûts prévu à l'article 5 risquerait de créer une distorsion de concurrence pendant une durée pouvant aller jusqu'à un an, ce qui n'est pas acceptable au regard de l'ouverture des marchés.
4. Observations sur la procédure d'évolution des tarifs
4.1. Dépôt trimestriel des barèmes
Le projet d'arrêté prévoit un dépôt de barèmes obligatoire chaque trimestre.
Etant donné la volatilité des indices de prix sur lesquels sont indexés directement ou indirectement les coûts d'approvisionnement des fournisseurs, cette obligation est nécessaire afin de permettre « au moins la couverture par les tarifs des coûts moyens complets des opérateurs » (voir arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007).
4.2. Délai laissé à la CRE
Le projet d'arrêté prévoit que la CRE rend son avis « au plus tard huit jours après la saisine ». L'arrêté du 16 juin 2005 ne fixait pas de délai à la CRE pour rendre son avis après saisine par les ministres concernés.
Le projet d'arrêté ne fixe pas de délai aux ministres concernés pour saisir la CRE après le dépôt des barèmes par les opérateurs. L'arrêté du 16 juin 2005 fixait un délai maximal de cinq jours.
L'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 dispose que la CRE formule des avis motivés sur les tarifs réglementés de vente « après avoir procédé à toute consultation qu'elle estime utile des acteurs du marché de l'énergie ».
Le délai de huit jours laissé à la CRE par le projet d'arrêté ne lui permet pas de mettre en œuvre cette disposition. L'arrêté ne doit pas fixer un tel délai à la CRE pour rendre ses avis.
La CRE s'efforcera de rendre ses avis dans des délais compatibles avec l'entrée en vigueur des barèmes aux échéances trimestrielles fixées par le projet d'arrêté.
4.3. Baisse prévue par l'article 7
L'article 7 de l'arrêté du 16 juin 2005 donnait la possibilité aux ELD d'augmenter leurs tarifs de 0,14 cEUR/kWh au 1er avril 2006. Cette hausse correspondait à un rattrapage en masse devant s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2007, comme indiqué dans l'avis de la CRE du 16 juin 2005. C'est pourquoi l'article 7 du projet d'arrêté impose aux ELD de procéder à une baisse équivalente à la hausse qu'elles ont appliquée.5. Avis de la CRE
5.1. Le projet d'arrêté ne concerne pas les tarifs réglementés de vente de Gaz de France. Cette différence de traitement de Gaz de France par rapport aux ELD et TEGAZ n'est pas justifiée, d'autant que Gaz de France fournit environ 11 millions de clients, contre 500 000 environ pour les ELD et TEGAZ.
L'absence de règles détaillées d'établissement des tarifs réglementés de vente de Gaz de France est préjudiciable au bon fonctionnement du marché français du gaz naturel. L'absence de visibilité sur les évolutions des tarifs appliqués par ce fournisseur constitue en effet un risque et, donc, une barrière à l'entrée pour tout nouvel entrant.
5.2. La CRE a été saisie du premier projet d'arrêté le 12 décembre 2007. Elle regrette de n'avoir pu procéder à toutes les auditions formelles qu'elle aurait souhaité faire. De plus, la date à laquelle elle pourra être saisie sur les barèmes déposés par les ELD et TEGAZ pour le 1er janvier 2008, nécessairement ultérieure à la publication de l'arrêté, risque de ne pas être compatible avec le respect de cette échéance.
5.3. La CRE constate que le projet d'arrêté, qui concerne les ELD et TEGAZ, apporte plus de précisions que l'arrêté du 16 juin 2005.
Elle a analysé ce projet au regard de la loi du 3 janvier 2003, en considérant que :
― la couverture des coûts de fourniture par les tarifs réglementés de vente, dont les modalités ont été précisées par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 10 décembre 2007, doit être assurée ;
― la CRE formule ses avis sur les tarifs réglementés de vente « après avoir procédé à toute consultation qu'elle estime utile des acteurs du marché de l'énergie ».
La CRE émet un avis favorable sur le projet d'arrêté, sous réserve de la prise en compte des observations suivantes :
― toute évolution des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution doit être répercutée dans les tarifs réglementés de vente de gaz au plus tard à la première échéance trimestrielle suivant cette évolution. Cette disposition doit permettre aux tarifs de couvrir au mieux les coûts et d'éviter une distorsion de concurrence pendant une durée pouvant aller jusqu'à un an, date à laquelle un bilan annuel des coûts sera fait ;
― l'arrêté ne doit pas fixer un délai de huit jours à la CRE pour rendre ses avis, délai qui ne lui permet pas de procéder à toute consultation qu'elle estime utile. La CRE s'efforcera de rendre ses avis dans des délais compatibles avec l'entrée en vigueur des barèmes aux échéances trimestrielles fixées par le projet d'arrêté.
Fait à Paris, le 18 décembre 2007.