6.2.5. Discussion sur le contrôle
tarifaire relatif aux BPN
Il convient de noter tout d'abord que plusieurs opérateurs ― Outremer Télécom, Dauphin Télécom, UTS Caraïbes et Saint-Pierre et Miquelon Télécom (SPM Télécom) ― utilisent une structure tarifaire sans composante relative au BPN. Cette pratique est courante chez des opérateurs de taille réduite. L'Autorité prend en compte cette différence de structure dans son appréciation du niveau des charges de terminaison d'appel à la minute.
Concernant les opérateurs ― SRR, Orange Caraïbes, Orange Réunion et Digicel ― qui mettent en œuvre un tarif de Bloc Primaire Numérique (BPN), l'Autorité note que ces tarifs ont baissé durant la période 2005-2008, mais demeurent néanmoins encore élevés et supérieurs à ceux pratiqués par les opérateurs fixes sans justification.
L'Autorité ne dispose pas de référence de coûts précise sur les BPN des opérateurs mobiles, et choisit donc de se référer aux tarifs pratiqués par France Télécom sur son réseau fixe. A ce jour, ces prestations sont, par ailleurs, beaucoup moins structurantes que les prestations de terminaison d'appel sur le marché de l'interconnexion mobile, dans la mesure où elles représentent moins de 2 % des revenus directs d'interconnexion des opérateurs mobiles.
6.2.6. Discussion sur les modalités
du contrôle tarifaire
Interdiction de proposer une structure de tarification comportant un crédit temps :
L'Autorité estime que la structure de tarification de la charge de terminaison d'appel doit respecter le principe selon lequel un opérateur demandeur ne paie une prestation d'interconnexion ou d'accès qu'en fonction du service rendu. Or le système de crédit temps qui conduit à ce que, par exemple, un appel de 60 secondes soit facturé au même prix qu'un appel d'une seconde, ne répond pas à cette exigence. En application de l'article D. 311 II, l'Autorité impose donc à l'ensemble des opérateurs concernés par la présente décision l'interdiction de pratiquer une structure de tarification pour leur prestation de terminaison d'appel qui comporterait un crédit temps.
Cette obligation est proportionnée aux objectifs de régulation et en particulier ceux prévus à l'article L. 32-1 II 2° et 4° du CPCE.
A l'heure actuelle, plus aucune structure tarifaire des opérateurs d'outre-mer ne comporte un crédit temps.
Non-excessivité des charges d'établissement d'appel (CEA) :
Dans certaines circonstances, il peut être pertinent d'introduire une structure tarifaire non linéaire avec une charge d'établissement d'appel et un prix à la minute décompté à la première seconde. C'est notamment le cas lorsque le nombre d'appels constitue un inducteur de coût pertinent en plus de l'inducteur relatif à la durée des appels.
Néanmoins, l'Autorité estime que l'opérateur de terminaison d'appel doit fixer une charge d'établissement d'appel en cohérence avec la structure de coûts relative à sa terminaison d'appel vocal, et en particulier les coûts qu'il supporte et qui ont pour inducteur principal le nombre d'appels plutôt que le volume de trafic de terminaison. En veillant à une telle cohérence, l'opérateur de terminaison respecte le principe selon lequel un opérateur demandeur ne paie une prestation d'interconnexion ou d'accès qu'en fonction du service rendu. Ainsi, une structure tarifaire qui inclurait une CEA sans rapport avec les références connues dans l'industrie serait incompatible avec l'obligation de ne pas pratiquer de tarif excessif ou avec l'obligation d'orientation vers les coûts.
En pratique, on constate que dans une très large majorité des Etats membres de l'UE, il n'existe pas de charge d'établissement d'appel. En effet, seuls la Belgique et l'Espagne (37) ont des CEA qui n'excèdent pas 0,05 euro (à l'exception de l'opérateur espagnol Amena qui a une CEA à 0,12 euro).
Les opérateurs métropolitains, Orange Caraïbes, Orange Réunion, UTS Caraïbes, SPM Télécom et SRR n'appliquent pas de charge d'établissement d'appel. On constate également qu'en matière de terminaison d'appel fixe, il existe une unique référence de charge d'établissement d'appel, inférieure à 0,1 c/appel. Dans les marchés outre-mer, on observe que seuls les opérateurs Digicel, Dauphin Télécom et Outremer Télécom maintiennent des charges d'établissement d'appel à un niveau particulièrement élevé.
La persistance de charges d'établissement d'appel à un niveau tarifaire élevé induit des effets pervers car, d'une part, cette charge d'établissement d'appel facturée par appel n'est pas réciproque entre opérateurs et, d'autre part, cette charge d'établissement d'appel n'incite pas à une meilleure qualité de service car sa facturation est indépendante de la durée de l'appel.
En outre, pour Orange Caraïbes dans sa réponse à première la consultation publique, « l'obligation de passage à une structure tarifaire sans crédit temps a incité la plupart des opérateurs de la zone Antilles-Guyane à adopter une structure tarifaire avec une charge d'établissement d'appel élevée, et ce, afin de minimiser l'impact de cette mesure sur leur revenu. En effet, la mise en place de charge d'établissement d'appel élevée a des effets comparables à celle d'une structure tarifaire avec un crédit temps, puisqu'elle s'applique à tous les appels, indépendamment de la durée de l'appel, agissant ainsi comme un palier de facturation ».
Il est donc nécessaire que les opérateurs mobiles Digicel, Dauphin Télécom et Outremer Télécom suppriment ou diminuent de manière très significative leur charges d'établissement d'appel à un niveau proche de la seule référence existante en France à savoir moins de 0,1 c/appel sans gradient horaire. Ainsi, l'Autorité considère qu'à l'horizon du 1er janvier 2009, les charges d'établissement d'appel devront être au plus égales à 0,2 c/appel.
Si Orange Caraïbes, dans sa réponse à la consultation publique lancée le 24 juillet 2007, approuve l'approche de l'Autorité, il n'en est pas de même pour certains opérateurs tels que Dauphin Télécom qui estime que « toute comparaison avec les coûts encourus dans le cadre de la CEA fixe apparaît erronée compte tenu de la différence d'architecture entre les réseaux fixe et mobile ».
L'Autorité apprécie effectivement la non-excessivité de la CEA au regard de la pratique en France des opérateurs de la téléphonie fixe, mais aussi au regard de celle de la téléphonie mobile et également au regard de la pratique européenne en la matière. Or il s'avère que l'ensemble de ces éléments montrent que les niveaux des CEA actuels sont effectivement incompatibles avec l'obligation de ne pas pratiquer de tarif excessif ou avec l'obligation d'orientation vers les coûts, et que l'Autorité est contrainte d'imposer aux opérateurs présentant encore une structure tarifaire avec une CEA une réduction drastique du niveau, voire une suppression pure et simple, des CEA.
Mesure du prix moyen à la minute pour des structures tarifaires non linéaires :
Le cycle d'analyse précédent montre l'importance de retenir des modalités de contrôle tarifaire pertinentes selon les marchés considérés car elles peuvent introduire au final un biais important. En effet, pour rendre comparables des tarifs ayant des structures différentes (avec ou sans crédit temps, avec ou sans charge d'établissement d'appel), l'Autorité a calculé des prix moyens par minute en utilisant des statistiques d'appel. Si la statistique retenue s'écarte trop des caractéristiques réelles des distributions d'appel, une divergence peut apparaître entre le prix moyen estimé par l'Autorité et le prix moyen réel.
Pour rappel, les tarifs moyens de terminaison d'appel peuvent être calculés selon plusieurs méthodes :
― pour l'Autorité, les tarifs sont calculés avec la loi Weibull utilisée pour le contrôle tarifaire avec une durée moyenne 100 secondes et répartition 75 % ― 25 % des appels entre heures pleines (HP) et heures creuses (HC) ;
― pour les comparaisons internationales (par exemple celles de la Commission européenne), les tarifs de terminaison d'appel sont calculés en prenant compte seulement des heures pleines (HP) et en considérant que la durée d'un appel moyen est de 180 secondes.
Dans la réponse d'un opérateur à la première consultation publique soumise au secret des affaires, l'opérateur estime qu'« il est indispensable que pour la fixation du niveau des obligations tarifaires envisagées pour les opérateurs de la zone Réunion-Mayotte, l'Autorité prenne en compte les profils de consommation réels de la zone concernée et non comme par le passé ceux appliqués en métropole, qui ne permettent pas de juger convenablement de la réalité des baisses imposées aux opérateurs ».
Pour Orange Caraïbes, « il est indispensable que pour la fixation du niveau des obligations tarifaires envisagées pour les opérateurs de la zone Antilles-Guyane, l'Autorité prenne en compte les profils de consommation réels de la zone concernée et non le profil de référence métropolitain, qui ne permet pas de juger convenablement de la réalité des baisses imposées aux opérateurs.
En effet, les critères reflétant la réalité du marché antillo-guyanais et ses particularités d'usage ne sont pas pris en compte dans les décisions actuelles de l'Autorité, dans lesquelles les prix moyens sont calculés selon la loi statistique de Weibull.
De plus, il est important de noter que cette méthode ne tient que partiellement compte de la charge d'établissement d'appel, appliquée actuellement par la plupart des opérateurs de la zone (Digicel, Outremer Télécom, Dauphin Télécom). En effet, avec une structure tarifaire incluant une charge d'appel, le prix moyen dépend du volume d'appels, ce paramètre n'étant pas pris en compte par la loi de Weibull ».
Orange Caraïbes réitère sa position dans sa réponse à la seconde consultation publique.
Ainsi, en prenant le cas d'un opérateur tel que Dauphin Télécom qui usait jusqu'en 2004 de crédit temps et qui a, à l'heure actuelle, une charge d'établissement d'appel élevée, l'Autorité observe un niveau de prix moyen de terminaison d'appel variant de 20 à 30 %. Ainsi, pour le premier trimestre 2007, la différence de tarifs entre le prix moyen mesuré avec une durée moyenne de 100 secondes et celui mesuré avec une durée moyenne de 60 secondes est de 20 % et elle est de 36 % si l'on retient des durées moyennes respectives de 180 secondes et 60 secondes.
Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 287 du 11/12/2007 texte numéro 67
Il faut préciser que la durée moyenne des appels entrants varie selon les opérateurs de destinations, selon que les appels sont issus de réseaux fixe ou mobile. La durée moyenne de 100 secondes est une référence issue du marché métropolitain. Or, pour l'outre-mer, la durée moyenne d'un appel entrant mobile est plus proche de 60 secondes.
L'Autorité considère donc que les tarifs peuvent être calculés en retenant la même loi statistique de Weibull mais avec un paramètre de durée moyenne d'appel de 60 secondes (cf. annexe B). L'Autorité retiendra donc cette durée moyenne plus proche de la réalité pour mesurer et apprécier les prix moyens à la minute outre-mer.