6.2. Prestation d'acheminement
du trafic de terminaison
6.2.1. Deux obligations visant un même objectif
Les obligations d'orientation vers les coûts et de ne pas pratiquer un tarif excessif sont deux instruments qui visent le même objectif, celui de pouvoir orienter à terme les tarifs des prestations en cause vers des références de coûts pertinentes.
En effet, comme l'Autorité l'a exposé au chapitre 3, chaque opérateur mobile dispose d'une position de puissance sur son propre marché de terminaison d'appel vocal mobile sur son réseau. L'analyse de la puissance sur ces marchés développée dans ce chapitre a montré que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques souhaitant terminer un appel vers un numéro que l'opérateur considéré a ouvert à l'interconnexion, et que dès lors, ils ne disposent d'aucun contre-pouvoir sur la fixation du tarif de la prestation de terminaison d'appel que l'opérateur offre. C'est dans ce sens que le Conseil de la concurrence a qualifié ces prestations de « facilités essentielles ». C'est ainsi que l'Autorité relève un risque de distorsion concurrentielle découlant de la présence d'un opérateur non régulé sur un marché mobile où opèrent d'autres acteurs eux-mêmes régulés (cf. 4.2.1).
L'Autorité considère que l'absence d'obligation de contrôle tarifaire plafonnant les tarifs de chacun des opérateurs mobile de l'outre-mer est susceptible de permettre à ceux-ci de bénéficier d'une rente liée à leur position monopolistique sur les marchés de gros en cause, ce qui pourrait soulever de nombreux problèmes concurrentiels (cf. chapitre 4) et entraverait notamment l'exercice d'une concurrence effective sur les marchés de détail sous-jacents.
Par ailleurs, l'Autorité estime nécessaire de prendre en compte la taille tant relative qu'absolue des différents acteurs dans le choix de modalité de contrôle tarifaire, i.e. orientation vers les coûts avec obligation comptable versus tarif non excessif. La première modalité permet de mettre en œuvre une régulation plus efficace car elle multiplie notamment les sources de données comptables réglementaires et permet ainsi de mieux estimer la référence de coût efficace applicable à terme à tous les acteurs sur une zone donnée. Néanmoins, une telle modalité de contrôle induit un coût fixe de mise en œuvre pour l'opérateur relativement indépendant de sa taille et donc plus difficile à assumer pour un acteur de petite taille. L'Autorité estime donc proportionné d'imposer cette modalité de contrôle tarifaire aux seuls opérateurs Orange Caraïbes et SRR et d'imposer une obligation de tarif non excessif aux autres opérateurs. Comme exposé ci-avant, cette dernière modalité ne diffère pas dans sa finalité, c'est-à-dire imposer un plafond tarifaire sur la base d'une référence de coût unique d'un opérateur efficace, mais constitue une modalité de mise en œuvre plus souple et mieux adaptée à des opérateurs de taille réduite.
En conséquence, l'Autorité estime, d'une part, que les tarifs des prestations de terminaison d'appel vocal mobile d'Orange Caraïbes et de SRR doivent refléter les coûts correspondants et être soumis à un encadrement tarifaire sous la forme d'un plafond de niveau de terminaison d'appel et, d'autre part, que les tarifs des prestations de terminaison d'appel vocal mobile de Orange Réunion, Dauphin Télécom, Digicel, Outremer Télécom, SPM Télécom et UTS Caraïbes doivent répondre à une obligation de ne pas pratiquer un tarif excessif.
6.2.2. Les référentiels de coûts utilisés par l'Autorité
pour les opérateurs exerçant dans les DOM
Les états de comptabilisation des coûts et de revenus élaborés selon le référentiel de comptabilité réglementaire spécifié par l'Autorité
Ces restitutions réglementaires forment la référence principale de coûts utilisée par l'Autorité dans la mesure où ils constituent une référence de coûts fiable, i.e. la comptabilité sociale de l'entreprise soumise au contrôle des commissaires aux comptes de l'entreprise.
Spécifications du système de comptabilisation des coûts et de restitution des coûts :
La décision n° 2007-0129 en date du 5 avril 2007 est la décision venant spécifier les obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable imposées à Orange Caraïbes et à SRR en raison de leur influence significative sur les marchés de gros des terminaisons d'appels mobiles voix sur leur réseau respectif. C'est cette décision qui leur sera opposable pour la production de leurs comptes relatifs aux exercices 2006 et 2007. Elle complète la décision n° 2005-0960 de l'Autorité en date du 8 décembre 2005 en clarifiant ou amendant des points déjà spécifiés.
Les comptes relatifs à l'exercice 2005 ont, eux, été élaborés conformément aux spécifications définies dans l'annexe A de la décision n° 2005-0960 en date du 8 décembre 2005, à partir du format des fiches de restitution mises en annexe de cette même décision.
Avant l'adoption de la décision n° 2005-0960, ces opérateurs mobiles des DOM transmettaient à l'Autorité des rapports de comptes, selon des modalités et un format définis en annexe de la décision n° 2001-458 en date du 11 mai 2001 portant adoption de lignes directrices relatives aux conditions tarifaires d'interconnexion des opérateurs mobiles puissants sur le marché national de l'interconnexion. Orange Caraïbes et SRR ont ainsi transmis à l'Autorité des rapports de comptes pour les années 2002 et 2003.
Enfin, l'Autorité avait laissé le choix du référentiel réglementaire à ces opérateurs pour l'élaboration des comptes relatifs à l'exercice 2004 entre l'ancien référentiel (décision n° 2001-458) et le cadre tout récemment entré en vigueur (décision n° 2005-960). Orange Caraïbes a fait le choix d'élaborer ses comptes relatifs à l'exercice 2005 conformément à la décision n° 2005-0960, tandis que SRR a fait le choix de les élaborer conformément à la décision n° 2001-458.
Travaux d'audit
Les comptes élaborés en application des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à ces deux opérateurs n'ont pas encore été audités, contrairement à la métropole.
L'analyse comparative au niveau européen
publiée par le GRE
Le Groupe des régulateurs européens publie une comparaison internationale des niveaux de terminaison d'appel sur une base biannuelle
Les membres du Groupe des régulateurs indépendants (GRI) sont invités à participer à cette comparaison :
― l'ensemble des 27 pays membres de l'Union européenne (l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède) ;
― les trois Etats membres de l'Espace Economique Européen (EEE) que sont l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège et qui mettent en œuvre le même cadre réglementaire pour le secteur des communications électroniques que les pays membres de l'Union européenne ;
― la Suisse, seul membre de l'Association Européenne de Libre Echange, non membre de l'EEE, et qui à ce titre ne met pas en œuvre le cadre réglementaire ;
― ainsi que la Croatie, la Turquie, en tant que pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne.
La majorité de ces pays a décidé d'imposer une obligation d'orientation des niveaux de terminaison d'appel vers les coûts ou de réguler la terminaison d'appel en référence aux tarifs pratiqués par d'autres pays européens. L'Autorité considère donc que les niveaux de terminaison d'appel correspondant à l'encadrement tarifaire imposé par la majorité des régulateurs constituent, sous réserve de certaines spécificités nationales structurantes, des références de coûts pertinentes. Les éléments de comparaison européenne publiés par le GRE peuvent donc être de nature à éclairer, à travers l'illustration de la mise en œuvre dans les autres pays européens de l'obligation d'orientation des tarifs de terminaison d'appel vers les coûts, les références de coûts relatives aux opérateurs de métropole, qui seront prises en compte dans les décisions de contrôle tarifaire.
Les principales hypothèses de la méthodologie retenue dans le cadre des travaux du GRI sont les suivantes :
― l'analyse comparative a pris comme référence les charges d'interconnexion relatives au trafic fixe vers mobile (qui sont dans certains pays différentes des charges d'interconnexion relatives au trafic mobile vers mobile) ;
― un appel d'une durée de trois minutes a été retenu pour le calcul des niveaux moyens de terminaison d'appel mobile dans chaque pays. Le calcul prend donc en compte l'existence d'éventuelles charges d'établissement d'appel, de crédit temps ou de minute indivisible ;
― le calcul du niveau moyen de terminaison d'appel prend en compte un appel de trois minutes, passé en heures pleines (« peak »), ou en heures creuses (« off peak ») (33). Ce calcul prend en compte le ratio du nombre d'appels passés en heures pleines sur le nombre d'appels passés en heures creuses, communiqué par l'ARN concernée. A défaut, un ratio « peak/off peak » (34) de 1 est appliqué ;
― le niveau moyen de terminaison d'appel calculé au niveau national correspond à la moyenne des niveaux moyens de terminaison d'appel calculée pour chaque opérateur actif dans le pays pondérés par le nombre respectif de clients.
L'ensemble des comparaisons européennes publiées et disponibles sur le site du GRE (à l'adresse suivante : http://irgis.anacom.pt/site/en/) s'appuie sur des informations collectées auprès des différentes ARN concernées.
Les informations transmises par les régulateurs portent quasi systématiquement sur l'encadrement des tarifs de terminaison d'appel tel qu'envisagé par le régulateur. Ainsi, en cas d'appel contre une décision prise par le régulateur à caractère suspensif, comme c'est actuellement le cas en Suède contre les décisions d'encadrement tarifaire des tarifs de terminaison d'appel mobile adoptées par le régulateur PTS, le niveau de terminaison d'appel moyen affiché pour la Suède à travers l'analyse comparative du GRE diffère des tarifs que les opérateurs pratiquent réellement entre eux et qu'ils peuvent fixer librement, en l'absence d'un contrôle tarifaire qui leur soit opposable.