Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, il appartient à l'Autorité de déterminer les marchés pertinents « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ». L'identification des problèmes concurrentiels sur les marchés de gros définis au chapitre 2, ainsi que sur les marchés de détail sous-jacents recensés dans la section 2.1, permet d'évaluer la présence ou non d'obstacles au développement d'une concurrence effective, et de conclure ainsi à la pertinence des marchés de gros en cause pour une régulation ex ante.
Plus généralement, ce chapitre a pour vocation de préciser les obstacles à la concurrence sur le marché, les barrières à l'entrée sur ce marché, et en quoi l'application du droit de la concurrence ne peut aboutir à remédier aux problèmes concurrentiels relevés. Il constitue l'assise économique et concurrentielle pour les obligations détaillées dans le chapitre suivant.
A cet égard, une première sous-section 4.1 vise les obstacles à toute concurrence sur le marché de gros de la terminaison d'appel vers les numéros mobiles, et la sous-section 4.2 relève les implications économiques et concurrentielles qui découlent d'une telle caractéristique pour les marchés de détail qui en dépendent.
4.1. Une absence de pression concurrentielle
sur les prix de terminaison d'appel
S'agissant d'abus d'ordre tarifaire, l'Autorité estime qu'en l'absence de régulation, les opérateurs mobiles seront incités à faire évoluer leurs tarifs de terminaison d'appel à la hausse et ne subiront aucune pression à la baisse. Ce phénomène conduirait à la fixation de tarifs éloignés des « niveaux concurrentiels » qui seraient atteints si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
L'objectif de chaque opérateur pris isolément est d'imposer une terminaison d'appel élevée pour les appels entrants, de façon à augmenter ses revenus d'interconnexion, tout en payant une terminaison d'appel basse pour ses appels sortants (off net), de façon à minimiser ses charges d'interconnexion, voire à déséquilibrer les soldes d'interconnexion existant entre les opérateurs pris deux à deux. Dans ce dernier cas, l'opérateur vise à faire encourir à un concurrent des charges d'interconnexion significativement plus élevées que celles que lui-même supporte, tirant ainsi sur le marché de gros des revenus auprès de ses concurrents qui lui permettent, le cas échéant, de pratiquer, par exemple, au détail des tarifs moins chers par rapport aux tarifs des autres opérateurs.
En ce sens, dans un marché dynamique, si un opérateur augmente unilatéralement son tarif d'interconnexion, les autres opérateurs auront intérêt à répliquer immédiatement en procédant à une hausse du même ordre de manière à équilibrer globalement les flux financiers d'interconnexion entrants et sortants. Inversement, si un opérateur décide de diminuer unilatéralement sa charge d'interconnexion, les autres opérateurs n'ont aucun intérêt ― toutes choses étant égales par ailleurs ― à diminuer la leur dans la mesure où leurs coûts d'interconnexion diminuent sans que leurs revenus ne soient affectés. Dans ces conditions, un opérateur qui ne serait pas soumis à une régulation ex ante et qui souhaiterait augmenter son tarif d'interconnexion à partir d'un niveau correspondant aux coûts de fourniture du service pourrait la fixer à un niveau arbitrairement élevé, sans que ce mouvement n'entraîne d'autre mouvement qu'une hausse des tarifs de terminaison d'appel des autres opérateurs.
Il en résulte qu'en dehors de toute action du régulateur, il n'existe intrinsèquement peu ou pas d'incitation économique, pour les opérateurs, à fixer leur tarif de terminaison d'appel à des « niveaux concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective. Cette symétrie d'intérêts généralisée emporte comme conséquence que la seule obligation de non-discrimination ne peut mener à des niveaux de charges de terminaison d'appel effectivement concurrentiels.
Plus généralement, la latitude d'action de chaque opérateur sur la fixation de ses charges de terminaison d'appel rend concevable la fixation de tarifs discriminatoires selon l'appelant, ce qui aurait pour conséquence d'infliger à ce dernier un désavantage concurrentiel.
Par ailleurs, des abus non tarifaires pourraient être commis. A titre d'exemple, un opérateur pourrait exploiter sa liberté de fixation de gradients horaires à l'encontre de ses concurrents, modifiant l'équilibre de leurs plans tarifaires et les contraignant à les modifier dans des conditions abusives ou difficilement conciliables avec le droit applicable. Il est également loisible à un opérateur, en l'absence de toute régulation, de refuser l'interconnexion à ses réseaux, privant de ce fait un concurrent d'avoir accès à sa base de clients (forclusion verticale).
Les éléments susmentionnés font état d'un marché de gros comportant des obstacles d'ordre structurel à la concurrence, tenant à la détention par chaque opérateur d'un pouvoir de monopole sur les charges de terminaison d'appel en direction de ses numéros mobiles.
A l'horizon de la présente analyse, cet obstacle à la concurrence est non contestable, du fait des barrières à l'entrée infinies tenant à la structure même du marché.
Enfin, au regard des délais d'instruction, et du niveau d'information et d'expertise requis en la matière, il semble, en première analyse, peu concevable que le droit de la concurrence ex post puisse remédier seul de manière pertinente aux éventuels problèmes concurrentiels et économiques pouvant survenir sur ce marché ainsi que sur les marchés connexes qui en découlent.
4.2. Conséquences sur les marchés de détail sous-jacents
S'agissant des services mobiles, le problème concurrentiel majeur pouvant résulter des obstacles à la concurrence sur le marché de gros tient à la possibilité pour un opérateur mobile de pratiquer une terminaison d'appel significativement plus élevée que celles fixées par ses concurrents. Il existe alors un écart significatif entre les tarifs de gros de terminaison d'appel. Cette situation peut notamment se produire lorsque cet opérateur n'est pas régulé sur son marché de terminaison d'appel, alors que tous ses concurrents le sont. L'opérateur mobile considéré parvient alors à percevoir auprès d'eux d'importants revenus d'interconnexion grâce auxquels il pratique en contrepartie des prix plus faibles au détail, lui permettant ainsi de conquérir des clients (section 4.2.1).
Par ailleurs, en supposant que la situation précédemment décrite n'est pas observée sur les services mobiles offerts au détail et donc qu'une certaine cohérence est assurée entre les niveaux de terminaison d'appel des opérateurs mobiles en concurrence sur un même marché ― chacun étant régulé sur cette prestation ―, un autre problème concurrentiel lié au marché de gros peut être identifié à travers la multiplication d'offres tarifaires on net illimitées mises en place sur les marchés mobiles. Constituant une tendance générale du secteur aujourd'hui, ces pratiques se présentent sous la forme d'offres dites « d'abondance » permettant d'appeler un certain nombre de clients d'un même opérateur pour un prix forfaitaire indépendant du nombre et de la durée des appels. Au cas d'espèce des marchés de détail de l'outre-mer, cette tendance est encore limitée comparée à la métropole, mais dans une démarche prospective, l'Autorité la considère comme pertinente pour ces marchés qui devraient suivre une tendance analogue à la métropole. (cf. section 2.1).
Ainsi, la conjugaison d'une pratique de terminaison d'appel vocal mobile élevée et l'absence de système de bill and keep outre-mer expliquent l'intérêt, pour des opérateurs de réseau disposant d'un parc pertinent pour ce besoin, à commercialiser et promouvoir ces offres d'abondance à effet de réseau sur le marché de détail. D'un point de vue concurrentiel, ces offres on net illimitées offertes au détail sont susceptibles de poser un certain nombre de questions, notamment pour les opérateurs dont le parc de clients est de taille significativement plus faible que celle des acteurs principaux du marché (section 4.2.2).
Enfin, sur les marchés de détail sous-jacents, dans le cas de figure d'un marché de gros non régulé donnant lieu à des pratiques de terminaison d'appel élevées, les opérateurs fixes sont contraints de définir des prix de détail élevés pour les communications de leurs réseaux vers les clients de l'opérateur mobile considéré, comparativement aux tarifs des appels passés par les clients de l'opérateur mobile vers leurs réseaux fixes. De cette situation résultent donc des distorsions dans les préférences des consommateurs fixes et mobiles (section 4.2.3) et des distorsions de concurrence entre opérateurs fixes et mobiles (section 4.2.4).
4.2.1. Un risque de distorsion concurrentielle
introduit par un acteur non régulé
La situation dans laquelle un opérateur mobile pratique une terminaison d'appel significativement plus élevée que celles fixées par ses concurrents peut induire une distorsion concurrentielle sur le marché de détail mobile. Cela peut notamment être le cas lorsqu'un opérateur n'est pas régulé sur son marché de terminaison d'appel, alors que tous ses concurrents le sont. En effet, l'opérateur mobile considéré peut alors parvenir à percevoir auprès d'eux d'importants revenus d'interconnexion grâce auxquels il pratique en contrepartie des prix plus faibles au détail, lui permettant ainsi de conquérir des clients.
Ce point est repris par Orange France, qui relève l'inéquité tenant à ce que certains nouveaux entrants ne soient pas régulés sur leur terminaison (ce qui introduit une distorsion de concurrence) et que cette régulation devrait être en rapport avec les obligations imposées aux autres opérateurs du marché afin de prévenir les opportunités créées artificiellement.
Certes, tant que la part de marché de l'opérateur pratiquant une terminaison d'appel élevée reste faible, il ne générera qu'un trafic limité entrant sur son réseau en provenance de ses concurrents : l'achat d'interconnexion auprès de cet acteur représentera alors pour ses concurrents un coût n'affectant que peu leurs structures de coûts respectives. En revanche, la situation dans laquelle cet opérateur non soumis à une régulation continue de bénéficier d'un tarif de terminaison d'appel élevé, alors que sa part de marché connaît une croissance soutenue, peut conduire à déstabiliser artificiellement le positionnement des offres de détail mises en place par ses concurrents, par rapport à celles qu'il offre sur le même segment de marché. Cela est d'autant plus vrai que ces derniers seront à terme contraints de renchérir le prix de leurs communications de détail vers l'opérateur tiers, alors même que ce dernier continuera à faire bénéficier son client final de prix inchangés vers ces opérateurs.
Pour SRR, tout opérateur doit être régulé sur le marché de gros de la terminaison d'appel sur son propre réseau dès lors que le réseau est ouvert commercialement.
4.2.2. Des mécanismes de différenciation tarifaire on net/off net de nature à favoriser les opérateurs disposant de parcs de clients plus grands
Dans une situation de bill and keep, les opérateurs sont peu sensibles au réseau de destination des appels de leur client. Dans ce cas, la prestation de terminaison d'appel ne génère aucun coût en off net, alors qu'en on net le coût perçu est un coût incrémental de long terme correspondant à l'accroissement de capacité nécessaire pour acheminer ce trafic.
Dès lors que les opérateurs se facturent entre eux une terminaison d'appel, un opérateur a un intérêt économique immédiat à inciter ses clients à pratiquer des appels on net, à coût incrémental de long terme faible, et non des appels off net, dont le coût incrémental immédiat est égal a minima au tarif de la terminaison d'appel mobile de l'opérateur de destination. L'opérateur limite ainsi le volume et le coût des terminaisons d'appel payé à ses concurrents. Cette incitation prend la forme de tarifs faciaux plus bas pour les appels on net, ou encore d'une tarification forfaitaire par laquelle le client final bénéficie d'une offre d'abondance pour ses minutes on net (19).
En effet, le fait pour un opérateur de commercialiser des offres comprenant un volume important de communications on net, c'est-à-dire se terminant sur le réseau de l'opérateur pratiquant le départ d'appel, présente l'avantage de permettre à ce dernier de proposer un service de communication n'entraînant pas de versement de charge de terminaison d'appel à un opérateur mobile tiers.
De plus, l'Autorité relève que l'opérateur terminant un appel vers ses numéros mobiles bénéficie du fait que les tarifs de terminaison d'appel sont établis sur la base des coûts complets, alors qu'il fait face à des coûts incrémentaux de long terme inférieurs aux coûts moyens pour terminer des appels vers ses numéros mobiles.
Orange France relève qu'un opérateur tient compte des effets de long terme sur le dimensionnement de son réseau des offres proposées sur le marché. Il s'ensuit qu'il prend en compte les coûts incrémentaux de long terme.
Ainsi, le coût perçu par un opérateur pour la fourniture d'un appel on net correspond à une anticipation des investissements nécessaires pour assurer l'accroissement de la capacité de son réseau : ce coût peut se révéler très faible quand l'appel passé permet une optimisation par l'opérateur du remplissage de son réseau Au contraire, dans le cas d'un appel off net, il supporte comme principal coût incrémental direct la charge de terminaison d'appel de l'opérateur de destination qui intervient dans le solde d'interconnexion associé à l'offre.
Ce solde, qui joue un rôle prépondérant dans l'équilibre économique de chaque offre qu'il propose, correspond à la différence entre les charges d'interconnexion qu'il doit payer à ses concurrents au titre du trafic entrant sur leurs réseaux respectifs, et les revenus d'interconnexion qu'il perçoit auprès de ses concurrents au titre du trafic entrant vers ses numéros mobiles pour une offre donnée. Une variation de ces charges et revenus se traduit concrètement pour l'opérateur par une diminution, respectivement un accroissement, instantanée de sa marge brute.
L'intérêt à développer le trafic on net dans le but d'améliorer son solde d'interconnexion pour chacune de ses offres s'applique à l'ensemble des opérateurs indépendamment de leur taille.
Cet intérêt devient d'autant plus grand que la terminaison d'appel est élevée. En première analyse, on pourrait penser que cela n'est pas le cas, en partant du constat que les flux financiers d'interconnexion sont globalement équilibrés dans la mesure où les trafics entrants et sortants des différents opérateurs s'équilibrent naturellement en première analyse. Toutefois, cette assertion n'est vraie que dans l'hypothèse où tous les opérateurs possèdent des parcs de clients ayant des caractéristiques homogènes, notamment en termes de préférences et de profil de consommation, en particulier entre appels on net et appels off net. Or cette condition n'est pas respectée.
De plus, si les trafics entrant et sortant peuvent rester, d'un point de vue macroscopique (20), globalement équilibrés, il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue microscopique (21), il existe des déséquilibres importants selon la catégorie de consommateurs, le segment de clientèle ou l'offre considérés. Or un opérateur appréhende en général offre de détail par offre de détail les flux d'interconnexion résultant des trafics entrant et sortant. Pour une offre donnée, il peut donc exister des déséquilibres importants entre opérateurs.
Il apparaît donc que l'intérêt économique immédiat qu'a tout opérateur à inciter ses clients à pratiquer des appels on net est corrélé positivement à l'écart entre sa structure de coût propre et la terminaison d'appel de ses concurrents (incitation directe en coût) et à l'écart entre sa structure de coût et le niveau de sa propre terminaison d'appel (incitation indirecte du fait de la difficulté pour ses concurrents de répliquer ces appels du fait de la terminaison d'appel).
Par ailleurs, plus l'opérateur dispose d'une part de marché élevée, plus ses offres de communications on net à tarif privilégié sont attractives pour ses clients ; la contrainte sur le choix des destinataires de l'appel étant d'autant plus souple pour le client.
Sur un plan concurrentiel, un opérateur de taille importante a un intérêt immédiat à développer les offres on net illimitées, dans la mesure où ces dernières favorisent l'attractivité de son réseau relativement à un opérateur plus petit. Inversement, dans le cas d'un opérateur de faible taille, l'attractivité d'offres de communications on net à tarif privilégié qu'il pourrait proposer sera plus réduite, l'intérêt commercial des offres on net croissant avec la taille du parc, dans la mesure où les clients finaux valorisent d'autant plus ce type d'offre qu'il est probable que leurs correspondants usuels appartiennent effectivement au même réseau que le leur.
La différenciation on net/off net favorise l'« effet club », c'est-à-dire le fait qu'un client prospectif préférera, toutes choses égales par ailleurs, souscrire auprès de l'opérateur auprès duquel ses correspondants sont déjà clients, afin de bénéficier du tarif on net sur un maximum d'appels. Or, même si le périmètre des correspondants les plus appelés d'un client peut être stable dans le temps, la probabilité qu'à un moment donné ces correspondants soient clients d'un même opérateur est directement reliée à la part de marché de cet opérateur. Ainsi, l'effectivité de l'effet club croît avec l'écart de taille entre le parc clients de cet opérateur et ceux de ses concurrents, dans la mesure où l'intérêt d'une offre on net croît avec la probabilité que les correspondants les plus fréquents du client potentiel auront souscrit une offre auprès de cet opérateur plutôt qu'un autre.
Dans une démarche prospective, l'Autorité estime que l'avènement des offres d'abondance susmentionnées dans le contexte des marchés mobiles de l'outre-mer présente ainsi un risque de distorsion concurrentielle vis-à-vis d'un opérateur à taille réduite, tenant à ce que, en première analyse, ce dernier ne puisse potentiellement les répliquer de manière pertinente qu'en proposant des communications illimitées vers tous les opérateurs (on net et off net). Or la commercialisation d'une telle offre entraîne, à l'échelle de cette offre, de fortes dépenses de terminaison pour la majorité des appels sortants car ils correspondent à des appels off net. De surcroît, dans cet exercice, l'opérateur est contraint tant par le fait que la terminaison d'appel est facturée à la minute ― alors même qu'il ne peut proposer qu'un prix au détail forfaitaire ― que par le niveau facial de ces terminaisons d'appel.
Ainsi lorsque le coût interne ― coût incrémental de long terme ― et le prix de cession externe ― terminaison d'appel mobile ― diffèrent, il apparaît que le risque de non-réplicabilité économique des offres d'abondance on net défavorise les opérateurs dont les parcs sont significativement les plus faibles (22) en leur limitant leur capacité à se maintenir dans le jeu concurrentiel, et ce indépendamment de leurs propres structures de coût. Il pourrait néanmoins être objecté que la différenciation tarifaire on net/off net induit une dynamique proconcurrentielle en incitant chaque opérateur à accroître sa part de marché pour bénéficier au maximum de « l'effet club ». Cet argument, issu de la littérature économique, revêt une certaine pertinence lorsque les parts de marché initiales des opérateurs sont équilibrées. Chacun tire alors un même bénéfice de l'effet club et cherche à prendre un avantage sur ses concurrents (pour peu que les conditions de marché ainsi que le cadre juridique permettent la mise en œuvre d'une telle politique commerciale). En revanche, lorsque les parts de marché sont asymétriques (comme c'est notamment le cas en métropole, et encore plus outre-mer), l'effet club, magnifié par l'écart entre coût et tarif de terminaison d'appel, crée au contraire un handicap artificiel pour les plus petits opérateurs, enfermant ces derniers dans un « cercle vicieux » : plus leur part de marché est faible moins leurs offres sont attractives, plus leur part de marché est faible, etc.
En ce sens, l'Autorité confirme les conclusions qu'elle a déjà pu adopter lors de ses analyses de marché précédemment publiées (23), et notamment celle récemment adoptée mettant en place pour Orange France, SFR et Bouygues Télécom la régulation de leur marché respectif de terminaison d'appel SMS en métropole.
A titre incident, l'Autorité relève que, même si elle peut connaître un certain succès commercial, la distinction entre communications on net et communications off net, au-delà des aspects déjà évoqués ci-avant, n'a pas de réelle pertinence du point de vue de l'utilisateur final, qui souhaite avant tout joindre un correspondant, toutes choses étant égales par ailleurs. Sur un plan économique, le développement des offres on net illimitées conduit donc à une discrimination du marché de détail qui n'est pas fondée sur des différences de préférence de premier rang de la part des demandeurs.
Sur les effets de club et au vu de la différenciation tarifaire on net/off net, « Outremer Télécom souscrit pleinement à l'analyse de l'ARCEP et souligne que le risque est d'autant plus grand dans les DOM que l'on est en présence de deux opérateurs dominant les marchés de détail avec plus de 70 % de parts de marché ».
Bouygues Télécom souscrit à l'analyse de l'Autorité et relève l'effet de ciseau afférent à la nécessité pour un petit opérateur de répliquer les offres on net de ses concurrents par des offres off net génératrices de coûts de terminaison.
Dans son avis sur la présente analyse (24), le Conseil de la concurrence procède à l'examen du caractère concurrentiel du marché de gros et des marchés de détail qui lui sont associés, pour relever des problématiques concurrentielles similaires à celles évoquées par l'Autorité.
En effet, dans son avis le Conseil de la concurrence relève que « (...) la fin du système de bill and keep au 1er janvier 2005, dénoncé unilatéralement par Orange, a fait que les contraintes pesant sur le jeu concurrentiel se sont déplacées sur le marché de détail de la téléphonie mobile.(...) Les évolutions récentes de la politique commerciale des trois opérateurs mobiles ne confirment pas cette analyse. Elles font plutôt apparaître des risques de déséquilibre concurrentiel liés au niveau des terminaisons d'appel dans une situation d'asymétrie persistante des parts de marché des trois opérateurs mobiles (...). Dans ces conditions, il est important pour les opérateurs de maîtriser leurs dépenses de terminaison d'appel off net. C'est ainsi que les "offres d'abondance” (appels illimités vers quelques numéros pré désignés) lancées par SFR puis par Orange, qui correspondent à une forte demande des abonnés dans le prolongement des offres illimitées sur le fixe, sont exclusivement on net. Ces appels illimités sont à destination de trois numéros mobiles de leurs propres réseaux. (...) Ainsi, pour concurrencer les offres d'abondance on net des deux autres opérateurs, Bouygues Télécom n'aurait, selon elle, d'autre choix que de développer des offres illimitées vers tous les opérateurs. Toutefois, en générant pour Bouygues Télécom de nombreux appels off net, cette offre a rendu substantiellement déficitaire son solde d'interconnexion au bénéfice de SFR et d'Orange, et entraîne d'importants transferts de trésorerie du plus petit opérateur vers les deux autres (...) ».
Ces observations développées dans le contexte du marché métropolitain se transposent aux marchés mobiles de l'outre-mer.