2.1. Introduction
La délimitation des marchés a pour but de définir le contour, en termes de services et en termes géographiques, des marchés susceptibles d'être régulés ex ante. Conformément aux lignes directrices de la Commission européenne précitées, dont l'Autorité doit tenir le plus grand compte en vertu de l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), cet exercice est effectué dans le respect des principes issus du droit de la concurrence.
2.1.1. Délimitation des marchés en termes de produits et services
La délimitation des marchés du point de vue des services repose sur l'analyse de :
- la substituabilité du côté de la demande : deux produits appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment interchangeables pour leurs utilisateurs, du point de vue de l'usage qui est fait des produits et services, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de « migration » d'un produit vers l'autre, etc. Il ressort de la jurisprudence qu'indépendamment des réglementations publiques, trois facteurs sont généralement retenus pour différencier des marchés concernant des produits présentant des caractéristiques techniques identiques ou similaires : les qualités particulières du produit, ses conditions d'utilisation et son mode de commercialisation ;
- la substituabilité du côté de l'offre : il y a substituabilité du côté de l'offre lorsqu'un opérateur qui n'est pas actuellement présent sur un marché donné est susceptible d'y entrer rapidement et sans s'exposer à des frais trop importants en réponse à une augmentation du prix des produits qui y sont vendus. Si l'on constate que le passage des entreprises d'un marché à l'autre est aisé et ne se heurte qu'à de faibles barrières à l'entrée (peu de différences suscitant des adaptations techniques de production et d'outillages, caractère raisonnable des délais et investissements afférents à la modification des installations de production), la faculté des offreurs présents sur l'un ou l'autre de ces marchés à s'abstraire de la concurrence serait inexistante et il conviendrait de traiter ces marchés comme un marché unique ;
- un troisième critère pouvant être analysé est lié à l'existence de contraintes concurrentielles et notamment de prix communes, au-delà des deux premiers critères. Sur les marchés analysés certains produits mutuellement non substituables, notamment du fait des usages, ne sont vendus ou consommés que de manière liée : cela peut être par exemple le cas d'une gamme de services offerts dans des bouquets. Il pourrait alors être pertinent d'inclure les services dans le même marché.
Pour établir l'existence d'une éventuelle substituabilité du côté de la demande ou de l'offre, l'analyse peut impliquer la mise en oeuvre de la méthode dite du « test du monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les lignes directrices de la Commission. Du côté de la demande, ce test consiste à étudier les effets qu'aurait sur les consommateurs une augmentation légère mais sensible et durable des prix d'un service (10 à 15 % par exemple), de manière à déterminer par exemple s'il existe des services considérés par les demandeurs comme substituables aux services à examiner. Ainsi que le mentionnent les lignes directrices, l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en oeuvre n'implique donc pas d'étude économétrique systématique poussée.
2.1.2. Délimitation des marchés en termes géographiques
Il est rappelé au point 56 des lignes directrices susvisées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».
Deux principaux critères permettent, selon les lignes directrices de la commission (§ 59), de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : d'une part, le territoire effectivement couvert par les réseaux, d'autre part, l'existence d'instruments de nature juridique conduisant en pratique à distinguer telle ou telle zone géographique ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale.
2.2. Présentation du marché de détail
L'Autorité évoque ici le marché de détail en tant que marché associé au marché de gros. En revanche, cet examen n'entraîne aucune conséquence en termes de délimitation de marché pertinent, et plus généralement en termes de qualification juridique.
En France, le SMS (Short Message Service) a connu un très fort développement depuis la signature des accords d'interopérabilité intervenue en décembre 1999. En effet, près de 13 milliards de SMS ont été envoyés sur les réseaux mobiles métropolitains en 2005 (contre 1,5 milliard en 2000), soit une multiplication par huit et demi en six ans, dégageant un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros (contre 151 millions d'euros en 2000) (30). L'appétence des consommateurs pour le SMS, loin de se tarir, semble au contraire redoubler avec l'arrivée de nouveaux services à valeur ajoutée (SMS +, MMS, etc.).
En fonction des différents usages dont il est le support, le SMS peut être rattaché à plusieurs activités de détail distinctes :
- les données interpersonnelles mobiles ;
- les services en ligne qui incluent notamment les services payants en ligne (contenus) et ceux de la distribution en ligne (marketing direct).
Dans le premier cas, le SMS est le plus souvent vecteur d'une conversation entre deux personnes physiques. Cependant, dans le cas des SMS à usage professionnel, il peut aussi s'agir d'une conversation entre un homme et une machine (par exemple entre un releveur de compteur d'eau et la base de données), voire entre deux machines (par exemple pour la mise à jour d'un panneau d'affichage). Cette activité représente plus de 85 % des envois de SMS en volume et permet une communication discrète et asynchrone entre deux ou plusieurs personnes dont l'une au moins se trouve en situation de mobilité.
Dans le second cas, les services en ligne depuis les mobiles représentent moins de 15 % des envois de SMS en volume et regroupent les services relevant de la distribution de services ou de contenus en ligne via un support de communication électronique :
- pour les services payants en ligne (contenus), le SMS est le vecteur d'un échange entre un éditeur de services et un client. Généralement, l'utilisateur accède à un contenu payant, surtaxé ou non, via son terminal. Ce marché (moins de 5 % en volume) implique un grand nombre d'acteurs qui vont de l'éditeur de services à l'utilisateur final en passant par de nombreux intermédiaires (opérateurs, agrégateurs, FAI, etc.) ;
- pour le marketing direct (5 à 10 % en volume), le SMS est le vecteur d'un message publicitaire envoyé par un annonceur (opérateurs, agrégateurs, éditeurs, etc.) à une cible commerciale ayant donné son consentement (base opt-in).
Cette partie, à la fois descriptive et prospective, a pour but de mieux appréhender ces trois activités de détail.