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Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



IV-1.3.2. Nécessité d'un remède complémentaire à la présélection


Bien que les mécanismes de sélection du transporteur et de présélection aient permis un développement significatif de la concurrence sur les marchés des communications, certaines difficultés continuent de limiter les possibilités de développement d'une concurrence effective et loyale.
En premier lieu, et conformément à ce qu'elle a exposé dans son analyse des marchés de détail (cf. ci-dessus), l'Autorité a identifié l'impossibilité pour les opérateurs alternatifs de proposer une facture unique à leurs abonnés présélectionnés comme une barrière à l'entrée sur les marchés des communications.
Par ailleurs, la position prééminente de France Télécom sur les marchés de l'accès au service téléphonique lui permet de bénéficier par effet de levier d'avantages concurrentiels importants sur les marchés des communications, ce qui a pour effet de renforcer la puissance de France Télécom sur ce marché.
En particulier, France Télécom dispose de sérieux avantages commerciaux :
- accès privilégié à l'information sur les clients potentiels : France Télécom dispose d'un accès privilégié et permanent aux adresses des abonnés au service téléphonique via la vente au détail des services d'accès (abonnement téléphonique), ce qui a pour effet de faciliter la promotion et la vente des services de communications, notamment vis-à-vis des utilisateurs lorsqu'ils changent d'adresse (déménagement), situation qui concerne chaque année un pourcentage important des utilisateurs ;

- promotion facilitée : France Télécom réalise des économies importantes dans la promotion de ses options et forfaits de communications auprès de ses clients ayant opté pour un opérateur alternatif via l'envoi de ses factures pour l'abonnement ; alors que les autres opérateurs alternatifs doivent recruter leurs clients par une promotion large et active, qui ne repose pas sur une relation commerciale déjà établie, la promotion de ses services par France Télécom ne représente qu'un surcoût marginal par rapport aux frais d'envoi de la facture de l'abonnement pour l'opérateur historique. France Télécom peut également profiter de l'avantage que lui procure le maintien d'une relation commerciale au titre de l'abonnement avec les clients ayant opté pour un opérateur de transport concurrent pour recueillir des informations sur leurs attentes et leur consommation en services de communications ;
- conservation ou reconquête des clients : France Télécom dispose a priori d'informations privilégiées sur le profil de consommation des utilisateurs du service téléphonique, ce qui lui permet de cibler avec une meilleure efficacité les différents segments de clientèle et les offres les mieux adaptées pour les conserver face aux offres concurrentes. La reconquête des clients est également facilitée par le fait que France Télécom peut aisément identifier, en constatant la baisse des factures qu'elle envoie, ceux de ses clients qui ont opté pour un opérateur de transport alternatif, et ainsi cibler ses actions de reconquête sur une clientèle précise en prenant en compte leurs habitudes passées de consommation.
Par ailleurs, la maîtrise de l'accès est, d'une manière générale, déterminante dans la faculté des opérateurs à proposer des offres commerciales innovantes de téléphonie.
Ainsi, et en particulier, France Télécom dispose en théorie (hors régulation ex ante ou intervention du droit de la concurrence) de la possibilité de coupler ses offres d'accès et de communications. Par exemple, France Télécom pourrait commercialiser des forfaits incluant le service de raccordement et un certain volume de communications à l'image des opérateurs mobiles.
Cette possibilité représenterait un avantage important compte tenu, à la fois, de la faiblesse du développement de la concurrence sur les marchés de l'accès, et de l'impossibilité pour les opérateurs de sélection appel par appel et de présélection de répliquer de telles offres tarifaires.
Cette situation a du reste conduit, en 2001, le Conseil de la concurrence (55) à enjoindre à France Télécom à titre conservatoire de cesser la commercialisation d'offres couplées comprenant l'accès et certaines communications, notamment ses offres de forfait de communications « Ma Ligne locale », au regard du risque que le développement de ce type d'offres pouvait présenter pour le développement durable de la concurrence et pour l'intérêt des utilisateurs.
L'impossibilité technique pour l'ensemble des opérateurs alternatifs de proposer des offres couplant accès et communications à la quasi-intégralité des clients d'une part, et la restriction d'ordre juridique exposée ci-dessus d'autre part limitent les possibilités d'innovation en matière tarifaire ou de services de l'ensemble des acteurs du marché du service téléphonique fixe, ce qui a pour effet de freiner le dynamisme et l'innovation sur l'ensemble du marché de la téléphonie fixe.
Cette situation apparaît d'autant plus préjudiciable que les offres couplant l'accès et les communications rencontrent un succès important auprès des utilisateurs, ainsi que le montre la généralisation de la souscription des offres forfaitaires de téléphonie mobile, ou le succès plus récent, bien qu'encore limité, d'offres de téléphonie sur accès haut débit fondées sur l'utilisation illimitée de certaines communications téléphoniques.
Ainsi, la mise en oeuvre d'une nouvelle offre de gros permettant aux opérateurs de sélection du transporteur et de présélection d'offrir des services couplant l'accès et les communications permettrait de mettre fin à ces freins, et permettrait au régulateur de lever l'interdiction pour France Télécom de commercialiser de telles offres. Elle serait par conséquent source d'innovation pour le secteur, répondant par la même à l'objectif de développement de l'innovation mentionné au 3° de l'article L. 32-1.
Un tel allègement de la régulation des marchés de détail serait dans l'esprit des nouvelles directives qui privilégient l'intervention sur les marchés de gros. Elle serait donc envisageable dès lors que la mise en oeuvre des prestations d'accès ici évoquées auront été commercialisées dans des conditions permettant effectivement aux opérateurs de proposer des offres compétitives d'accès au service téléphonique.