c) Les prix sur le marché : un différentiel de prix attractif sur les données, encore insuffisant sur la voix
Pour le transport de données, les avantages techniques listés précédemment se cumulent sur le plan tarifaire, notamment lorsque le client utilise des applications en IP. Par ailleurs, les faibles prix de la montée en débit sur les mêmes interfaces par rapport aux liaisons louées permettent de réduire les anticipations de coûts liés à la montée en débits, ce qui intervient dans le choix des clients (par exemple, le prix de montée en débit pour passer d'une connexion à 256 kbit/s à une connexion à 2 Mbit/s sur une même interface Ethernet est très faible puisqu'il n'y a pas d'équipement à changer pour l'opérateur).
Les graphiques suivants montrent les différentiels de prix entre les services de capacités et les liaisons louées (en base 100) selon les besoins de débits du client (2, 10, 34, 100 et 155 Mbit/s) qui montrent que les strictes considérations de prix plaident pour une substitution des liaisons louées traditionnelles par des services de capacités avec interfaces alternatives.
Les services comparés sont, selon les graphiques :
- les liaisons louées Transfix de 2, 34 ou 155 Mbit/s ;
- le service TDSL ATM et Ethernet de 2 Mbit/s ;
- le service Inter LAN 1.0 Ethernet pour les débits supérieurs à 10 Mbit/s ;
- les services VPN de niveau 2, en Ethernet (Ethernet VPN/Ethernet Link) et en ATM (Multi LAN HD).
Pour un besoin de débit de 2 Mbit/s (tarifs 2004) :
Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités
avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 2 Mbit/s
Pour un besoin de débit de 10 Mbit/s (tarifs 2004) :
Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités
avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 10 Mbit/s
Pour un besoin de débit de 34 Mbit/s (tarifs 2004) :
Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités
avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 34 Mbit/s
Pour un besoin de débit de 40 Mbit/s (tarifs 2004) :
Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités
avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 40 Mbit/s
Pour un besoin de débit de 100 Mbit/s (tarifs 2004) :
Comparaison des prix des liaisons louées et des capacités
avec interfaces alternatives pour un besoin de débit de 100 Mbit/s
d) Les usages sur le marché
Pour le transport de la voix, l'interconnexion de PABX en mode circuit se fait via des liaisons louées G703. Jusqu'à présent, les opérateurs n'ont pas lancé sur le marché de services de capacités en ATM ou Ethernet point à point dédiés au transport de la voix. Néanmoins, vu le développement rapide attendu de la téléphonie IP entre sites d'une même entreprise, une forte substitution devrait avoir lieu, avec un transport de la voix sur des services de capacité à interfaces alternatives (encapsulée dans des VC ATM ou des VLAN Ethernet).
Pour le transport de données, la substitution des liaisons louées par les services de capacités avec interfaces alternatives est très forte et devrait s'intensifier dans les années à venir. Elle concernera principalement les services en Ethernet, à la fois en service de niveau 1 et via les VPN de niveau 2. L'interface ATM, malgré ses caractéristiques techniques de qualité de service proche des liaisons louées, n'a jamais été pleinement adoptée par les clients finals du fait de la complexité de la configuration des équipements terminaux ATM (portes ATM).
France Télécom indique dans sa consultation publique qu'il n'existe pas un unique marché des liaisons louées quels qu'en soient les débits car « il apparaît une rupture en termes de besoins et d'usages entre les sites dits "capillaires et les sites dits "centres de données qui ne permet pas de substituer des solutions de liaisons louées suivant les types de sites clients ».
Cette assertion ne peut être retenue puisque par définition si un client a des sites « capillaires », c'est qu'il a aussi des sites « centres de données ». On retrouve d'ailleurs dans les offres de France Télécom de RPV Ethernet Réseau Intra Cité et Ethernet Link cette association de débits faibles pour les petits sites et de débits importants pour les sites centraux. Pour Réseau Intra Cité le débit du site central est même égal par définition à la somme des débits des sites secondaires.
e) La disponibilité sur le territoire
Lors de la consultation publique de juin 2003, les opérateurs ont souligné que la contrainte en termes de disponibilité géographique des services xDSL risquait d'empêcher une fraction significative du territoire (évaluée à environ 30 %) de bénéficier des services Ethernet sur DSL de moins de 10 Mbit/s et de les obliger à continuer à utiliser des liaisons louées, malgré une volonté de changer de services.
France Télécom, dans sa réponse à la première consultation publique, a indiqué que ces éléments n'étaient plus d'actualité. L'opérateur semble avoir confondu l'éligibilité générale au xDSL et l'éligibilité au xDSL à 2 Mbit/s et 4 Mbit/s.
France Télécom a informé l'Autorité en décembre 2005 du lancement de deux offres de gros « CN2 » permettant de réaliser des liens à 2 Mbit/s dans des zones actuellement non éligibles au xDSL 2 Mbit/s.
Selon les hypothèses mêmes de France Télécom cette nouvelle offre ne permettra pas de fournir sur tout le territoire du 2 Mbit/s symétrique, et donc encore moins du 4 Mbit/s.
En outre, la viabilité de cette offre n'est pas encore démontrée, aucun opérateur n'ayant encore souscrit à cette offre tandis que France Télécom continue à utiliser des liaisons louées pour ses services internes (notamment Business Internet).
f) Qualité perçue à court et moyen terme
Pour le transport des données, la qualité perçue se rapproche rapidement de la qualité réelle : certains clients très exigeants en qualité de service (ceux du secteur financier par exemple), notamment en matière de sécurité et d'étanchéité des flux, peuvent encore avoir des réticences vis-à-vis des services de capacités avec interfaces alternatives pour le transport de leurs applications critiques :
- capacité permanente au niveau 1 « dédiée » au client au sein du réseau pour les liaisons louées contre mécanismes de sécurisation du type VLAN ou VC dans des capacités virtuelles qui ne sont pas dédiées en permanence dans le réseau ;
- crainte de la contention sur les protocoles en mode paquets comme ATM ou Ethernet et des risques de pertes de paquets alors que le taux de perte de paquets est garanti au niveau 1. D'après les informations transmises par les opérateurs, ces réticences psychologiques sont en train de disparaître rapidement vis-à-vis des services en ATM ou Ethernet grâce aux mécanismes de gestion de la contention mis en place sur les réseaux ATM ou MPLS permettant de garantir la qualité fournie. En revanche, ces réticences demeurent vis-à-vis des Réseaux privés virtuels IP.
Pour le transport de la voix, la qualité de service « perçue » de la voix sur IP est encore inférieure à la qualité de service objective au sein des entreprises. Cela créera une inertie en faveur des liaisons louées 2 Mbit/s G703, plus importante que pour la donnée.
II-2.1.3.2. Du côté de l'offre
La substituabilité par l'offre est très forte entre les capacités avec interfaces alternatives et les liaisons louées : pour un opérateur ayant déployé un réseau d'accès dans la boucle locale, que ce soit en cuivre ou en fibre optique, le passage d'une liaison louée traditionnelle à un service de capacité avec interfaces alternatives pour un même client se fait à un coût réduit (dû au changement d'équipement d'extrémité côté client et côté réseau) ; en effet, les deux services peuvent être fournis sur les mêmes coeurs de réseaux en MPLS, ATM, voire SDH.
Sur le segment des services de capacités sur fibre optique, la substituabilité par l'offre est conservée entre services de moins de 155 Mbit/s et services de plus de 1 Gbit/s : malgré des différences de coûts sensibles entre les équipements terminaux (commutateurs ou convertisseurs optiques) de moins de 155 Mbit/s et de plus d'1 Gbit/s, ceux-ci sont bien moindres que le déploiement de capacités de transmission dans l'accès et les différentiels devraient s'atténuer à l'avenir (26). Par ailleurs, les équipements terminaux peuvent être installés rapidement et sont réutilisables auprès d'un autre client, ce qui atténue grandement l'impact du passage d'un service à l'autre pour les opérateurs. D'ailleurs, tous les opérateurs fournissant des services de moins de 155 Mbit/s fournissent également des services à débits supérieurs à 1 Gbit/s.
Cela est illustré par deux services de France Télécom, SMHD et VPN HD, qui proposent, sur des couches SDH ou WDM, aussi bien des interfaces liaisons louées (interfaces SDH à 34 et 155 Mbit/s) que des interfaces Fast Ethernet, GigaEthernet ou de stockage informatiques.