V. - Sur l'article 21 de la loi
L'article 21 porte transfert à la Caisse nationale d'allocations familiales de la charge des majorations de pension pour enfant, précédemment assurées par le Fonds de solidarité vieillesse.
Créées par l'article 68 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, les majorations de pension pour enfant ont constitué, à la Libération, un élément déterminant de la promotion d'un régime de retraite par répartition. Elles constituaient une prime à ceux qui, par leurs choix familiaux, faits bien souvent aux dépens de la constitution d'un patrimoine, assuraient la pérennité du système par répartition. Il ne fut jamais contesté que cette prestation, qui est un complément de la retraite de base, ressortissait de l'assurance vieillesse.
Ce caractère de prestation d'assurance s'exprime par essence dans les modalités de son versement. Ce complément est attaché à la pension des deux parents, et non à celle du père ou de la mère, selon le principe retenu par les prestations familiales du choix du parent allocataire. Ce complément est par ailleurs proportionnel à la pension et n'est donc pas, contrairement aux prestations familiales dans leur ensemble, forfaitaire ou dégressif.
Ce caractère de prestation d'assurance vieillesse a d'ailleurs été confirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 94-351 DC du 29 décembre 1994. Par cette décision, le Conseil a considéré que le financement des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants constituait des prestations sociales légales dues par l'Etat à ses agents retraités et, à ce titre, par nature, une charge permanente qui ne pouvait être débudgétisée. Il en aurait été différemment pour les prestations familiales des fonctionnaires qui, en raison de l'universalité de la branche famille, sont retracées dans les comptes de la Caisse nationale d'allocations familiales.
L'exposé des motifs du présent article 21, tel qu'il figure dans le projet de loi AN no 2606, est particulièrement succinct. Tout au plus a-t-il été avancé, au cours des débats, que l'objectif poursuivi était une « clarification des comptes de la branche famille » au motif que la majoration pour pension était « un avantage familial différé » (cf. notamment JO, Débats AN, 1re séance du 21 octobre 2000, p. 7579, et JO, Débats Sénat, séance du 15 novembre 2000, p. 6112).
C'est donc à tort que le législateur a procédé à ce qu'il croyait être une clarification utile des comptes respectifs des différentes branches de la sécurité sociale. En réalité, le présent article n'a pour effet que d'accroître la confusion existant dans les comptes sociaux, et, en définitive, obère lourdement, de 3 milliards de francs en 2001, mais de plus de 20 milliards de francs à terme, les moyens de la branche famille.
Or, le Conseil constitutionnel a constaté, dans sa décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997, qu'il existe « une exigence constitutionnelle résultant des dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (qui) implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité en faveur des familles ».
En grevant les moyens de la branche famille d'une charge qui lui est étrangère et qui, à terme, détournerait plus de 10 % de ses ressources qui ne seraient dès lors pas affectées à l'exercice de cette solidarité à l'égard des familles, l'article 21 méconnaît l'exigence constitutionnelle résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Cette méconnaissance ne trouve par ailleurs aucune justification dans le souci de concilier cette exigence avec d'autres objectifs de nature constitutionnelle.
De surcroît, le présent article porte atteinte au principe fondamental reconnu par la législation républicaine d'autonomie organique et financière de la branche famille de la sécurité sociale, autonomie qui ressort des ordonnances du 4 octobre 1945 et du 19 octobre 1945, à son article 1er, et notamment confirmée depuis par le législateur aux articles L. 223-1, L. 202-1, L. 241-6 et 311-1 du code de la sécurité sociale.