LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ADAPTATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 2000, par MM. Patrice Gélard, Nicolas About, Mme Anne Heinis, MM. Louis Althapé, Jean Bernard, Roger Besse, Jean Bizet, Paul Blanc, Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard César, Jean Chérioux, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Robert Del Picchia, Charles Descours, Paul Dubrule, Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller, Hilaire Flandre, Bernard Fournier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Alain Hethener, Jean-Paul Hugot, André Jourdain, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Simon Loueckhote, Max Marest, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Josselin de Rohan, Michel Rufin, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, Serge Vinçon et Guy Vissac, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu le règlement no 2913/92/CEE du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaires ;
Vu la loi du 28 avril 1816 sur les finances modifiée ;
Vu le code de commerce ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 5 janvier 2001 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution l'article 4 de la loi déférée ;
Considérant que le I de l'article 1er de la loi déférée abroge l'article L. 131-2 du code de commerce, en vertu duquel les courtiers interprètes et conducteurs de navires « ont seuls le droit de traduire, en cas de contestations portées devant les tribunaux, les déclarations, chartes-parties, connaissements, contrats et tous actes de commerce dont la traduction serait nécessaire », et « servent seuls de truchement », dans les affaires contentieuses de commerce et pour le service des douanes, « à tous étrangers, maîtres de navires, marchands, équipages de vaisseau et autres personnes de mer » ; qu'en vertu du II, ces opérations sont désormais effectuées « librement par l'armateur ou son représentant qui peut être le capitaine » ; qu'en application du premier alinéa de l'article 2 de la loi, « les titulaires d'office de courtiers interprètes et conducteurs de navires sont indemnisés du fait de la perte du droit qui leur a été reconnu à l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances de présenter un successeur à l'agrément du ministre chargé de la marine marchande » ; que les conditions dans lesquelles les demandes d'indemnisation seront examinées par une commission nationale sont prévues par l'article 3 ; qu'enfin, les règles de calcul de l'indemnité, « versée ... sous la forme d'un seul versement dans les six mois suivant le dépôt de la demande », sont fixées par l'article 4 ;
Considérant que les requérants font valoir que l'indemnisation « de ce qui constitue en droit une expropriation » ne serait ni juste ni préalable, contrairement aux exigences de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; que l'article 13 de la Déclaration dispose pour sa part : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ;
Considérant que la suppression du privilège professionnel dont jouissent les courtiers interprètes et conducteurs de navire ne constitue pas une privation de propriété au sens de l'article 17 précité de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, par suite, doivent être rejetés comme inopérants les griefs tirés de la violation de cet article, notamment le grief critiquant le caractère non préalable de l'indemnisation ;
Considérant, cependant, que, si l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
Considérant que la suppression du monopole des courtiers interprètes et conducteurs de navires résulte de la volonté du législateur de mettre le droit national en conformité avec le règlement communautaire susvisé du 12 octobre 1992 ; que le montant de l'indemnité qui leur sera versée, en application de l'article 4, du fait de la perte du droit de présentation, s'élève à 65 % de la valeur des offices afférente aux activités faisant l'objet du privilège professionnel supprimé ; que cette évaluation, qui tient compte de la recette nette moyenne et du solde moyen d'exploitation au cours des exercices 1992 à 1996, n'est entachée d'aucune erreur manifeste ; qu'au surplus, l'article 5 de la loi offre aux intéressés la possibilité d'accéder à diverses professions réglementées ; qu'enfin, l'article 6 prévoit qu'ils conserveront pendant deux ans le privilège institué par l'article L. 131-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure, tout en étant libérés de l'interdiction, qui leur était faite par l'article L. 131-7 du même code, de réaliser toute opération de commerce ; que, dans ces conditions, les modalités de réparation prévues par la loi déférée n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;
Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner d'office aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :