Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 mars 1997, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-389 DC)
VI. - Sur l'article 8 de la loi déférée
Cet article abroge la section 3 du chapitre II de l'ordonnance du 2 novembre 1945, c'est-à-dire supprime la commission départementale du séjour.
Cette commission, composée de trois magistrats, devait être saisie pour avis par le préfet avant tout renouvellement de carte de séjour temporaire ou délivrance de titre de séjour à des étrangers pouvant bénéficier d'une carte de résident ou étant protégés contre une mesure d'éloignement. Avant la loi du 24 août 1993, l'avis de cette commission était « conforme » : il a depuis lors cessé de l'être, mais la consultation reste obligatoire, ce qui permet à l'étranger concerné de bénéficier d'un débat contradictoire devant une autorité indépendante au cours duquel il peut être assisté par un conseil, conformément aux exigences de la directive no 64/221 du 25 février 1964 (prise en vertu de l'article 56, paragraphe 2, du traité CEE).
Le Gouvernement a soutenu au cours de la discussion parlementaire que cette commission aurait perdu toute raison d'être du fait du dispositif de « régularisations » institué par l'article 6 de la loi déférée. Cette argumentation ne fera pas illusion un seul instant : on l'a vu, ces « régularisations » sont très partielles et, même pour les étrangers qui sont susceptibles d'en bénéficier, l'article 6 de la loi déférée confère aux préfets des pouvoirs d'appréciation si étendus que la consultation d'une commission composée de magistrats indépendants du pouvoir politique continuait à représenter une garantie fondamentale, en droit comme en fait,
pour les personnes concernées.
Ainsi, alors même que la violation - manifeste - de la directive communautaire précitée ne constitue pas un moyen opérant devant le juge de la constitutionnalité de la loi (mais permettra d'obtenir la paralysie de son exécution chaque fois que ce moyen sera soulevé devant une juridiction administrative ou judiciaire), l'article 8 de la loi déférée fait-il régresser les garanties légales (procédurales) de la liberté individuelle dans une mesure génératrice d'une inconstitutionnalité certaine, d'autant plus qu'il est du même coup entaché de violation du principe constitutionnel des droits de la défense.