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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 mars 1997, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-389 DC)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 mars 1997, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-389 DC)

III. - Sur les articles 4 et 5 de la loi déférée


Ces deux articles, introduits dans la loi déférée par amendements parlementaires en première lecture à l'Assemblée nationale, autorisent le préfet à retirer respectivement sa carte de séjour temporaire et sa carte de résident à l'étranger considéré comme « en infraction avec l'article L.
341-6 du code du travail ».
Il convient de rappeler que tout étranger condamné à une peine de prison ferme pour infraction à l'article L. 341-6 du code du travail peut d'ores et déjà, en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, être l'objet d'une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière.
En d'autres termes, les dispositions déférées ont pour seul objet de frapper des étrangers soupçonnés par le préfet d'infraction à l'article L. 341-6 du code du travail mais n'ayant pas été condamnés pour une telle infraction ; il n'est même pas exigé que les personnes en cause soient seulement poursuivies... La loi déférée organise ainsi, comme l'a notamment relevé le syndicat des juridictions administratives (voir le Journal officiel des débats du Sénat, 6 février 1997, p. 705), la substitution pure et simple de l'autorité administrative à l'autorité judiciaire pour apprécier si une infraction est ou non constituée.
De plus, les dispositions déférées, contrairement à la législation précitée en vigueur, ne distinguent nullement selon la gravité de l'infraction,
assimilant au « négrier » l'étranger qui aura employé un jeune homme pendant une demi-journée pour nettoyer son jardin...
Enfin, les mesures que ces dispositions permettent au préfet de prendre pourront l'être sans aucun débat contradictoire devant une instance indépendante (notamment au sens de la directive communautaire no 64/221 du 25 février 1964).
Dans ces conditions, les articles 4 et 5 de la loi déférée sont entachés de violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - en ce qu'ils instaurent des « peines » qui ne sont ni nécessaires ni proportionnées aux faits qu'elles prétendent sanctionner -, de l'article 66 de la Constitution - en ce qu'ils substituent l'autorité administrative à l'autorité judiciaire pour apprécier l'existence de faits constitutifs d'une infraction - et des principes constitutionnels d'égalité de traitement et de respect des droits de la défense.