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Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 21 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-371 DC)

Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 21 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-371 DC)

I. - Sur les articles 3 et 7 de la loi déférée


L'article 3 de la loi de finances rectificative pour 1995 comporte deux paragraphes, dont le premier transfère de la caisse de garantie du logement social (C.G.L.S.) à la Caisse des dépôts et consignations (C.D.C.) (section des fonds d'épargne) la gestion des en-cours des prêts consentis avant le 1er janvier 1986 aux organismes de logement social, tandis que le paragraphe II prévoit que la C.D.C. verse à l'Etat 15 milliards de francs « au titre du remboursement de l'excédent de subventions versées par l'Etat dans le cadre de la gestion des prêts mentionnés au I ».
La décomposition de cette ponction envisagée pour financer l'essentiel du « collectif budgétaire » (15 milliards de francs sur un total de 19,75 milliards de francs de recettes non fiscales) a sinon pour objet du moins pour effet d'atténuer la lisibilité de l'opération afin de masquer le coup porté au réseau de financement du logement social, privé d'une part importante de ses réserves stratégiques. L'atteinte au principe de sincérité budgétaire s'accompagne d'une régression du dispositif contribuant à la mise en oeuvre de l'objectif constitutionnel du droit au logement.
Cet habillage juridique, visant à ce que l'Etat semble appauvrir non la caisse de garantie de logement social mais la Caisse des dépôts et consignations, conduit à apprécier la constitutionnalité des deux paragraphes de l'article 3 de la loi déférée non seulement successivement, mais dans une relation de dépendance asymétrique : le transfert de la gestion des prêts de la C.G.L.S. à la C.D.C. n'était nullement indispensable, sauf à vouloir dissimuler la réalité des comptes ce qui ne saurait protéger la loi déférée de la censure, puisque la mise en oeuvre du « remboursement de l'excédent de subventions » pouvait parfaitement être exigée de la C.G.L.S. avec le même fruit. Il en résulte, d'une part, que ce transfert de gestion est par lui-même dépourvu de toute incidence sur les finances de l'Etat, d'autre part, que la ponction ensuite effectuée par l'Etat en vertu du paragraphe II n'est en rien une conséquence nécessaire de ce transfert : l'opération décidée au paragraphe I ne conditionnait en rien celle que décide le paragraphe II.
En d'autres termes, le paragraphe I de l'article incriminé, dont la constitutionnalité doit être appréciée séparément de celle du paragraphe II, ne concerne aucun des objets sur lesquels peut porter une loi de finances aux termes de l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Il ne saurait dès lors échapper à la censure en tant qu'il constitue un « cavalier budgétaire ».
Or la rédaction du paragraphe II est telle que l'obligation de verser 15 milliards de francs à l'Etat, mise à la charge de la Caisse des dépôts et consignations, ne vise que les « excédents » engendrés par la gestion des prêts... que le paragraphe I lui a transférée, si bien que, alors que la constitutionnalité du paragraphe I devait s'apprécier indépendamment de l'existence du paragraphe II, ladite existence du paragraphe II perd tout fondement dès lors que le paragraphe I a été censuré : si le paragraphe I était séparable du paragraphe II quant au principe des opérations que l'un et l'autre prévoient, en revanche le paragraphe II n'est pas séparable du paragraphe II compte tenu du « montage » retenu et de la présentation détournée de l'opération de prélèvement. En d'autres termes,
l'inconstitutionnalité du paragraphe I entraîne nécessairement la censure du paragraphe II par voie de conséquence.
Quant au paragraphe III de l'article incriminé, qui institue un fonds de réserve et de garantie de la Caisse nationale d'épargne, lui non plus ne concerne aucun des objets sur lesquels peut porter une loi de finances.
C'est donc l'ensemble de l'article 3 qui encourt indivisiblement la censure. Mais les 15 milliards de francs de recettes prévus à l'article 3 constituent l'essentiel des recettes prévues par la loi déférée (soit 17,95 milliards de francs). Dès lors, l'équilibre du « collectif budgétaire » tout entier serait bouleversé par la censure de l'article 3, puisqu'elle rendrait véritablement impossible l'équilibre prévu par l'article 7 de la loi déférée. Il en résulte que c'est bien l'ensemble de cette dernière, dont l'article 3 est à son tour indivisible en termes d'équilibre budgétaire, qui doit être de ce seul fait déclaré non conforme à la Constitution.