Article (Circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat et des services publics)
3. Changer l'Etat central
La dimension centrale de l'Etat moderne consiste essentiellement à prévoir, analyser, concevoir, légiférer et évaluer. Ces fonctions de régulation doivent être clairement distinguées du rôle d'opérateur qui consiste à gérer, à appliquer des réglementations ou à servir des prestations. Le rôle d'opérateur n'a aucune vocation a être centralisé. Pourtant l'examen des structures de l'Etat central montre qu'elles ne respectent pas assez nettement cette distinction.
J'attends donc du Gouvernement qu'il engage trois principaux chantiers.
3.1. Les tâches de gestion aujourd'hui encore prises en charge par les administrations centrales devront être résolument transférées vers les services déconcentrés.
Corrélativement, les effectifs réels des administrations centrales doivent être sensiblement réduits. Je fixe à cet égard, pour l'ensemble de l'Etat, un objectif de 10 p. 100 de réduction d'ici à la fin de l'année 1996. Cet objectif constitue la première étape d'un mouvement qui devra se poursuivre. Cette réduction des effectifs devra bien entendu s'accompagner d'une restructuration des directions d'administration centrale, aujourd'hui trop nombreuses et trop cloisonnées.
3.2. Dans le même temps, il est nécessaire d'améliorer les capacités de conception et de décision des administrations centrales.
Celles-ci seront ainsi mieux à même d'exercer leur rôle de proposition, de préparer les décisions du Gouvernement et d'évaluer l'efficacité des politiques publiques.
J'appelle tout particulièrement votre attention sur la nécessité de prévenir les graves dysfonctionnements du système de décision public qui sont apparus à plusieurs reprises au cours de ces dernières années et dont la répétition compromettrait la confiance des citoyens envers l'Etat. J'attends que vous engagiez les administrations placées sous votre autorité dans une démarche visant à améliorer, à simplifier et à sécuriser aux plans juridique,
technique et financier les procédures de décision de l'Etat central.
Pour être plus efficace, l'Etat central doit aussi échapper à la dictature du court terme. Il doit fonder ses analyses sur une appréciation plus complète et plus précise des réalités. Il doit prolonger son action par l'évaluation systématique des résultats de ce qu'il entreprend.
Le développement en son sein des fonctions d'étude, de prospective,
d'évaluation et de contrôle est, en conséquence, une priorité. Il conviendra toutefois d'éviter la redondance de ces fonctions entre les niveaux ministériel et interministériel.
Dans cette optique, le rôle des services d'inspection et de contrôle sera examiné. Une réforme profonde du commissariat au Plan, visant à construire à partir de cette structure un outil efficace de prospective et d'évaluation des politiques et de la dépense publiques, sera réalisée rapidement. Le fonctionnement de l'appareil statistique de l'Etat fera l'objet de la rénovation nécessaire.
3.3. L'Etat légifère et réglemente trop et souvent mal: la sécurité juridique des citoyens est menacée et les entreprises pénalisées.
Des mesures rigoureuses devront être prises pour inverser cette tendance. Je demande dès maintenant au secrétariat général du Gouvernement d'examiner les modifications à apporter aux procédures du travail gouvernemental pour progresser en ce sens. Dans ce cadre, sera expérimentée, à compter du 1er janvier 1996, l'obligation d'accompagner d'une véritable étude d'impact les projets de loi et les principaux projets de décret. Le Gouvernement devra par ailleurs se fixer, en pleine cohérence avec les efforts que le Parlement compte engager dans cette voie, des objectifs très ambitieux en matière de codification pour les trois ans à venir.
Afin de lutter contre la prolifération législative et réglementaire, je vous demande d'accompagner tout projet de texte nouveau de propositions d'abrogation de dispositions au moins équivalentes, en termes de niveau de norme et de volume.
Enfin, et contrairement à une dérive technique que je juge condamnable, vous veillerez à ce que les textes élaborés par vos administrations soient directement lisibles par les citoyens et les utilisateurs en éliminant en particulier les excès d'écriture par référence.