Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 1994 par soixante députés)
1. Sur la constitutionnalité de la validation
a) La validation répond à d'impérieuses nécessités d'intérêt général.
L'actuelle convention médicale a été négociée et approuvée sur le fondement des dispositions introduites dans le code de la sécurité sociale par la loi no 93-8 du 4 janvier 1993 qui en ont profondément modifié l'esprit et le contenu.
Acte à objet essentiellement tarifaire à l'origine, la convention est devenue l'instrument essentiel d'une régulation médicalisée des dépenses grâce à la fixation annuelle:
- d'objectifs de dépenses portant sur les honoraires et les prescriptions des médecins libéraux;
- des tarifs des honoraires de ces médecins;
- de références médicales qui doivent concourir à la réalisation de ces objectifs.
La spécificité du dispositif de maîtrise mis en place est de reposer en effet sur l'édiction de normes de bonne pratique médicale permettant d'éviter les soins et les prescriptions qui sont manifestement inutiles.
L'inflexion très nette des dépenses de médecine ambulatoire en 1994 est venue confirmer la pertinence de la démarche retenue et d'une maîtrise intelligente des dépenses visant à améliorer la relation entre le coût et la qualité d'ensemble du système de soins français.
L'objectif d'évolution de la dépense de soins induite par les médecins (actes et prescriptions) avait été fixé pour 1994 à 3,4 p. 100. Ce taux sera très largement respecté: fin octobre, l'évolution sur dix mois, comparés aux dix mêmes mois de l'année 1993, est de 1,4 p. 100 pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie.
Pour le seul régime général, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit dans son rapport d'octobre une évolution de 1,4 p. 100 pour l'agrégat « médecins », contre 4,9 p. 100 en 1993, 6,2 p. 100 en 1992, 8,2 p. 100 en 1991.
Une analyse plus fine des postes de l'assurance maladie (biologie, certaines classes de médicaments) démontre la corrélation très forte entre la modération de l'évolution des dépenses et l'édiction des références médicales.
L'annulation de la convention aurait pour conséquence la remise en cause de l'ensemble du dispositif de maîtrise des coûts, la loi ne prévoyant de dispositif de substitution que pour la fixation des honoraires.
Elle aurait pour première conséquence de priver de base légale l'ensemble des décisions intervenues sur le fondement de la convention depuis son approbation (décisions de remboursement des assurés sur la base des tarifs fixés par la convention; participation des caisses au financement des avantages sociaux des médecins), créant un désordre juridique important.
Elle aurait pour deuxième conséquence l'impossibilité de fixer un objectif d'évolution des dépenses pour l'année 1995.
Elle aurait surtout pour principal effet de rendre inapplicables les références médicales. Cette perspective est doublement préoccupante: du point de vue de la santé puisque ces références contribuent à améliorer la qualité des soins dispensés; du point de vue des comptes de l'assurance maladie, les références médicales étant l'instrument privilégié pour atteindre en 1995 un taux de progression de la dépense en soins ambulatoires proche de 2,3 p. 100 et contenir ainsi le déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 1995 à près de 30 milliards (soit un résultat proche de celui attendu pour 1994).
A défaut d'instrument permettant la maîtrise concertée des dépenses des soins ambulatoires, les pouvoirs publics ne disposeraient que de moyens réglementaires de beaucoup plus faible portée, leur permettant seulement d'influer sur les conditions du remboursement (déremboursement, ticket modérateur) et sur le prix des actes (nomenclature), sans effet sur le volume des actes produits. Ces moyens, de ce fait, seraient peu efficaces à terme pour contenir la progression des dépenses et susceptibles, s'ils étaient exagérément utilisés, de compromettre l'égal accès aux soins.
Il n'est donc pas contestable que la validation répond à d'impérieuses nécessités d'intérêt général.
b) La validation contestée ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée:
L'article 119 satisfait par ailleurs à la seconde condition essentielle fixée par le Conseil constitutionnel en la matière puisqu'il ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée.
Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que cette disposition a pour effet de valider directement un acte déféré au juge n'est pas à soi seule constitutive d'inconstitutionnalité. En effet, le but de toute validation est bien de prévenir l'annulation d'un acte dont le juge a été ou pourrait être saisi, afin d'éviter les conséquences dommageables de cette annulation pour l'intérêt général. C'est ce que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 22 juillet 1980 en estimant que « le fait que la loi (soumise à son examen) intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution. » On ne saurait enfin soutenir, comme le font les requérants, que le législateur n'aurait aucun titre à intervenir en la matière, alors justement que les articles L. 162-5 et suivants du code de la sécurité sociale définissent le régime des conventions.