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Article (Décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993)

Article (Décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993)


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 25 juin 1993, par MM. Claude Estier, Robert Laucournet, William Chervy, Paul Raoult, Jean-Pierre Masseret, Jean-Louis Carrère, Marcel Bony, Mmes Françoise Seligmann, Marie-Madeleine Dieulangard, Josette Durrieu, MM. Jacques Belanger, Jacques Bialski, Aubert Garcia, Roland Bernard, Guy Penne, Michel Dreyfus-Schmidt, Gérard Miquel, Fernand Tardy, Robert Castaing, Gérard Delfau, Pierre Biarnes, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. André Vezinhet, Louis Philibert, Michel Sergent, Germain Authié, Jean Besson, Jean-Pierre Demerliat, Paul Loridant, Mme Monique ben Guiga, MM. Guy Allouche, Léon Fatous, Claude Fuzier, Claude Cornac, Gérard Roujas, François Louisy, Marc Boeuf, Francis Cavalier-Benezet, Jacques Carat, Jean Peyrafitte, René-Pierre Signe, Marcel Charmant, Claude Pradille, André Rouvière, Louis Perrein, Marcel Vidal, Franck Sérusclat, Jean-Luc Mélenchon, Charles Metzinger, René Régnault, François Autain, Michel Moreigne, Michel Charasse, Gérard Gaud, Pierre Mauroy, Roland Courteau, Claude Saunier, Bernard Dussaut, Albert Pen et Rodolphe Desiré, sénateurs et, le même jour, par MM. Martin Malvy, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Jean-Pierre Chevènement, Henri d’Attilio, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Garmendia, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Frédéric Jalton, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jack Lang, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Jacques Mellick, Louis Mexandeau, Jean-Pierre Michel, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM. Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Camille Darsières, Jean-Pierre Defontaine, Gilbert Annette, Roger-Gérard Schwartzenberg, Kamilio Gata, Didier Boulaud, Bernard Charles, Aloyse Warhouver, Gérard Saumade, Emile Zuccarelli, Bernard Tapie, François Asensi, Rémy Auchedé, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, René Carpentier, Daniel Colliard, Jean-Claude Gayssot, André Gérin, Michel Grandpierre, Maxime Gremetz, Mme Janine Jambu, MM. Georges Hage, Guy Hermier, Mme Muguette Jacquaint, MM. Jean-Claude Lefort, Georges Marchais, Paul Mercieca, Louis Pierna, Jean Tardito, Ernest Moutoussamy, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi tendant à réformer le code de la nationalité :
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution :
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la nationalité ;
Vu le code du service national ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant qu’à la différence des sénateurs auteurs de la première saisine qui n’articulent aucun grief particulier à l’encontre de la loi déférée, les députés auteurs de la seconde saisine font valoir la méconnaissance de principes et règles de valeur constitutionnelle pour soutenir que les articles 9, alinéa 3, 11, 12, 44, 47 et 48 de ladite loi sont entachés d’inconstitutionnalité :
Sur l’article 9 :
Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que le législateur ne peut sans méconnaître le principe d’égalité subordonner à l’expiration d’un délai de deux années à compter du mariage d’un étranger ou apatride avec un conjoint de nationalité française l’acquisition de la nationalité française par déclaration alors qu’il dispense de ce délai le déclarant lorsqu’un enfant dont la filiation serait établie à l’égard des deux conjoints est né avant ou après le mariage ;
Considérant que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce qu’une loi établisse des règles différentes à l’égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l’objet de la loi ;
Considérant que les étrangers parents d’un enfant de nationalité française ne sont pas dans la même situation que ceux qui ne peuvent se prévaloir de ce lien de nature à favoriser l’appartenance nationale que dès lors en opérant une telle distinction eu égard à l’objectif d’intégration à la communauté nationale qu’il se fixait, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité ;
Sur l’article 11 :
Considérant que les auteurs de la seconde saisine font valoir qu’en subordonnant à une manifestation de volonté l’acquisition de la nationalité française par de jeunes étrangers nés en France de parents étrangers, le législateur a méconnu un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la naissance en France assortie le cas échéant de conditions d’âge et de résidence doit ouvrir droit de manière automatique à cette nationalité ;
Considérant qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que cependant l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
Considérant que la loi sur la nationalité du 26 juin 1889, confirmée par la loi sur la nationalité du 10 août 1927, a établi la règle selon laquelle est française à sa majorité sous certaines conditions de résidence toute personne née en France d’un étranger sans qu’aucune initiative de sa part ne soit requise ; que cette disposition a été instituée pour des motifs tenant notamment à la conscription ;
Considérant que la loi déférée dispose que l’acquisition de la nationalité française doit faire l’objet d’une manifestation de volonté de la part de l’intéressé ; que s’agissant d’une telle condition mise à l’acquisition de la nationalité française par l’effet de la naissance sur le territoire français, il était loisible au législateur de l’édicter sans porter atteinte à un principe de valeur constitutionnelle ; que, dès lors, le grief évoqué doit être écarté ;
Sur l’article 12 :
En ce qui concerne le principe d’égalité :
Considérant que les auteurs de la seconde saisine soutiennent que l’article 12, en prévoyant la perte du droit à la nationalité française par l’effet de la naissance sur le sol français à raison du prononcé de certaines peines ou mesures de police administrative, a méconnu le principe d’égalité dès lors que ces peines ou mesures n’emportent pas la perte de la nationalité française à l’encontre de ceux qui la détiennent ;
Considérant qu’au regard des conditions d’acquisition de la nationalité française que le législateur a entendu déterminer, les personnes qui prétendent à cette acquisition ne peuvent être regardées comme étant dans la même situation que celles qui sont françaises ; que dès lors ce grief ne saurait qu’être écarté ;
En ce qui concerne le principe de proportionnalité :
Considérant que les auteurs de la seconde saisine font valoir qu’en prévoyant que le prononcé de certaines peines ou mesures ferait obstacle à l’acquisition de la nationalité française selon les modalités prévues par l’article 11, le législateur aurait institué des sanctions manifestement disproportionnées, en méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
Considérant que les principes énoncés par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne concernent pas seulement les peines prononcées par l’autorité judiciaire mais aussi les incapacités qui y sont attachées du fait de la loi ; que ces principes sont également applicables lorsque le législateur fait découler de telles incapacités de décisions prises par une autorité administrative ;
Considérant que l’incapacité contestée consiste en la perte du droit d’acquérir par une simple manifestation de volonté, sous certaines conditions d’âge et de résidence, la nationalité française du fait de la naissance sur le sol français ; que le législateur a entendu instituer cette incapacité au motif que les peines ou mesures administratives prononcées à l’encontre des intéressés traduiraient de leur part un comportement inconciliable avec l’acquisition de la nationalité française ;
Considérant qu’eu égard à la nature des infractions concernées, ainsi qu’à la nature et à la durée des peines qui doivent avoir été prononcées par la juridiction répressive, l’incapacité qu’elles entraînent n’est pas manifestement contraire à l’article 8 de la Déclaration de 1789 : qu’il en est de même d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée dés lors qu’elle a été prononcée par l’autorité judiciaire, ainsi que d’un arrêté d’expulsion dans la mesure où celui-ci ne saurait être pris que dans le cas d’une menace grave pour l’ordre public ;
Considérant en revanche qu’en application de la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers tout étranger majeur peut faire l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière soit sans délai soit à l’expiration d’un délai limité à un mois au seul motif qu’il réside irrégulièrement sur le territoire français ; qu’un tel arrêté prononcé par le représentant de l’Etat dans le département ou à Paris par le préfet de police ne peut être contesté que dans les vingt-quatre heures suivant sa notification ; qu’un arrêté d’assignation à résidence peut être pris par le ministre de l’intérieur à l’encontre d’un étranger qui n’a fait l’objet que d’une proposition d’expulsion susceptible de n’être pas suivie d’effet ; que, dans ces conditions, la perte du droit à l’acquisition de la nationalité française par l’effet de la naissance sur le sol français qui résulterait soit d’un arrêté de reconduite à la frontière, soit d’un arrêté d’assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé apparaît comme une sanction manifestement disproportionnée par rapport aux faits susceptibles de motiver de telles mesures en méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu’ainsi les mots « ou d’un arrêté d’assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière » ne sont pas conformes à la Constitution :
Sur l’article 44 :
En ce qui concerne le deuxième alinéa :
Considérant que par cette disposition le législateur a entendu subordonner l’attribution de la nationalité française à l’enfant né en France lorsqu’un de ses parents au moins est né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d’outre-mer de la République française, à la condition que l’enfant soit né avant le 1er janvier 1994 ;
Quant au principe d’indivisibilité de la République :
Considérant que les auteurs de la seconde saisine soutiennent que la suppression, postérieurement à cette date, du droit à l’attribution de la nationalité française méconnaît le principe d’indivisibilité de la République dès lors qu’elle concernerait des enfants nés en France de personnes nées dans des territoires d’outre-mer ou des colonies, que ces territoires aient ou non depuis lors accédé à l’indépendance ; qu’il ressort toutefois de l’examen de la disposition contestée au regard de ses travaux préparatoires que le législateur a entendu instituer la condition nouvelle qu’il prévoit dans le seul cas où les territoires où sont nés les parents des enfants concernés ont accédé ultérieurement à l’indépendance : que sous cette réserve stricte d’interprétation la disposition contestée ne méconnaît pas le principe d’indivisibilité de la République ;
Quant à la méconnaissance alléguée d’un principe fon damental reconnu par les lois de la République :
Considérant que si le législateur a posé en 1851 et réaffirmé à plusieurs reprises en 1874, 1889 et 1927 la règle selon laquelle est français tout individu né en France d’un étranger qui, lui-même y est né, il n’a conféré un caractère absolu à cette règle qu’en 1889 pour répondre notamment aux exigences de la conscription : qu’en mettant un terme à ce droit, dans les cas où les parents des enfants concernés seraient nés dans des territoires d’outre-mer ou des colonies ayant depuis lors accédé à l’indépendance, la loi déférée n’a méconnu aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République
Quant au principe d’égalité :
Considérant qu’eu égard à l’objectif que s’est fixé le législateur de prendre en compte par la naissance de parents étrangers et de leurs enfants sur le sol français une présomption d’intégration, les enfants nés de parents eux-mêmes nés sur un territoire demeuré français et ceux nés de parents nés sur un territoire ayant ultérieurement accédé à l’indépendance sont placés dans des situations différentes : que, dés lors le moyen tiré par les auteurs de la seconde saisine d’une méconnaissance du principe d’égalité doit être écarté ;
En ce qui concerne le troisième alinéa :
Quant au principe d’indivisibilité de la République :
Considérant que les auteurs de la seconde saisine soutiennent que la condition de résidence régulière de cinq années exigée des parents nés sur le territoire des anciens départements français d’Algérie avant le 3 juillet 1962 pour que leurs enfants nés en France après le 31 décembre 1993 se voient attribuer du fait de cette naissance la nationalité française méconnaît le principe d’indivisibilité de la République dès lors qu’elle ne concerne que certaines personnes en fonction de leurs attaches avec une partie déterminée de ce qui constituait avant le 3 juillet 1962 le territoire de la France ;
Considérant que la prise en compte par le législateur, pour la détermination de droits à l’acquisition de la nationalité française par des enfants nés en France, de l’accession à l’indépendance de territoires sur lesquels sont nés leurs parents, quand bien même ces territoires auraient eu jusqu’alors le statut de département, ne saurait être regardée en elle-même comme une atteinte à l’indivisibilité de la République
Quant au principe d’égalité :
Considérant qu’eu égard à l’objectif d’intégration qu’il s’est fixé, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité en distinguant, pour la détermination du droit à la nationalité française de leurs enfants, la situation de parents nés sur un territoire demeuré français de celle de parents nés sur un territoire ayant ultérieurement accédé à l’indépendance :
Quant à l’article 72 de la Constitution
Considérant qu’il est soutenu que la disposition contestée tend à confondre les départements d’Algérie avec les territoires d’outre-mer ou les colonies de la République en méconnaissance de l’article 72 de la Constitution ;
Considérant que la modification opérée par le législateur des droits en matière de nationalité dont bénéficient les enfants nés en France de parents nés dans les départements d’Algérie ayant accédé à l’indépendance est sans aucune incidence sur le statut qui était celui de ces départements en application de l’article 72 de la Constitution ;
En ce qui concerne le quatrième alinéa :
Quant au principe d’indivisibilité de la République :
Considérant que la disposition contestée qui a pour objet : d’ouvrir un droit à l’attribution de la nationalité française aux enfants nés à Mayotte et dans le territoire des îles Wallis et Futuna de parents nés sur un territoire ayant alors le statut de colonie ou de territoire d’outre-mer de la République française et demeuré depuis lors territoire de la République française abroge une restriction à l’exercice d’un droit liée à des attaches avec une partie déterminée du territoire de la France ; que le grief invoqué ne saurait dès lors qu’être écarté ;
Quant au principe d’égalité :
Considérant que la disposition invoquée a, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, pour objet de supprimer pour l’accès à la nationalité française une différence faite jusque-là entre enfants nés à Mayotte et aux îles Wallis et Futuna, d’une part, et enfants nés sur le reste du territoire de la République, d’autre part ; qu’ainsi le moyen invoqué manque en fait ;
Quant à l’article 74 de la Constitution :
Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine font grief au législateur d’avoir méconnu par les dispositions contestées l’article 74 de la Constitution dès lors qu’il a, par amendement adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, modifié la situation au regard du droit de la nationalité des enfants nés à Mayotte et aux îles Wallis et Futuna, sans que l’assemblée de chacun de ces territoires ait été préalablement consultée ;
Considérant qu’en vertu de l’article 74 de la Constitution, les modalités de l’organisation particulière des territoires d’outre-mer autres que leurs statuts sont définies et modifiées par la loi après consultation de l’assemblée territoriale intéressée ;
Considérant que ces dispositions ne sont pas applicables à Mayotte qui ne constitue pas un territoire d’outre-mer tel que défini par les articles 72 et 74 de la Constitution ; que, dès lors, la consultation du conseil général de ce territoire n’était pas requise par la Constitution ;
Considérant en revanche, qu’en reconnaissant aux enfants nés aux îles Wallis et Futuna le droit à l’acquisition de la nationalité française dès lors que leurs parents sont eux-mêmes nés sur un territoire ayant eu à ce moment un statut de colonie ou de territoire d’outre-mer de la République française et demeuré depuis cette date territoire de la République française, le législateur a mis fin à un régime juridique spécifique attaché à l’organisation particulière de ce territoire ;
Considérant que si, en principe, les dispositions introduites par voie d’amendement dans des projets ou propositions de loi ayant déjà fait l’objet d’une consultation de l’Assemblée territoriale n’ont pas à être soumises à une nouvelle consultation de cette assemblée, il ne saurait en être de même lorsque le projet ou la proposition n’a pas fait l’objet d’une telle consultation
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les mots « et aux îles Wallis et Futuna » doivent être regardés comme contraires à la Constitution ;
Sur l’article 47 de la loi en tant qu’il abroge l’article 161 du code de la nationalité française :
Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine font valoir que l’article 47 de la loi est contraire à la Constitution en tant qu’il abroge dans les îles Wallis et Futuna, l’article 161 du code de la nationalité réservant aux personnes dont l’un des parents au moins avait la nationalité française le bénéfice des articles 23 et 24 du même code ;
Considérant que, par cette abrogation, le législateur a mis fin à un régime juridique spécifique attaché à l’organisation particulière du territoire des îles Wallis et Futuna ; que, dès lors, la consultation de l’assemblée territoriale ne pouvait être omise sans méconnaissance de l’article 74 de la Constitution ; qu’ainsi l’article 47 de la loi doit être regardé comme non conforme à la Constitution en tant qu’il abroge l’article 161 du code de la nationalité dans les îles Wallis et Futuna ;
Sur l’article 48 de la loi :
En ce qui concerne l’article 55 de la Constitution et la règle Pacta sunt servanda
Considérant que cet article édicte, par insertion dans le code du service national, une disposition selon laquelle lorsqu’un Français assujetti aux obligations du service national a simultanément la nationalité d’un autre Etat et qu’il réside habituellement sur le territoire français, il accomplit ces obligations en France ;
Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine font. grief à cette disposition de méconnaître la règle de supériorité des traités sur les lois posée par l’article 55 de la Constitution ainsi que la règle Pacta sunt servanda, résultant du quatorzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, dès lors que celle-ci est contraire à une convention francoalgérienne de 1983 ouvrant aux personnes ayant la qualité de national des deux pays le libre choix du pays où ils doivent s’acquitter de leurs obligations militaires ;
Considérant que le respect de la règle édictée par l’article 55 de la Constitution s’impose même dans le silence de la loi ; qu’il appartient aux divers organes de l’Etat de veiller dans le cadre de leurs compétences respectives à l’application des conventions internationales dès lors que celles-ci restent en vigueur ; que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, aucune dérogation n’avait ainsi à figurer dans la loi ; qu’il ne saurait donc résulter de la disposition contestée une méconnaissance du quatorzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;
En ce qui concerne le principe d’égalité :
Considérant que la disposition législative contestée prévoit, s’agissant de l’accomplissement des obligations militaires, le même régime pour toutes les personnes de nationalité française qui ont la qualité de national d’un autre pays ; que, dès lors, le grief tiré, par les auteurs de la seconde saisine de la violation du principe d’égalité ne saurait qu’être écarté ;
Sur les autres. dispositions de la loi :
En ce qui concerne l’article 24 :
Considérant que par cette disposition le législateur a entendu priver de tout droit ou possibilité d’acquérir la nationalité française, sous réserve des dispositions prévues aux articles 21-7, 21-8 et 22-1 du code civil, tout étranger qui a fait l’objet soit d’un arrêté d’assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé soit d’un arrêté de reconduite à la frontière ; qu’eu égard aux formes et conditions dans lesquelles, en application de la législation de l’entrée et du séjour des étrangers, ces mesures de police administrative peuvent légalement être prises, les incapacités ainsi édictées apparaissent comme des sanctions manifestement disproportionnées par rapport aux faits susceptibles de motiver de telles mesures, en méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu’ainsi les mots « ou d’un arrêté d’assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière » sont contraires à la Constitution ;
Considérant qu’en l’espèce il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide :
Art. 1er. - Ne sont pas conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi, tendant à réformer le droit de la nationalité :
- dans le texte de l’article 12, les mots « ou d’un arrêté d’assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière » ;
- dans le texte de l’article 24, les mots « ou d’un arrêté d’assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière » ;
- dans le texte de l’article 44, au quatrième aliéna, les mots « et aux îles Wallis et Futuna » ;
- l’article 47 en tant qu’il abroge l’article 161 du code de la nationalité en ce qui concerne les îles Wallis et Futuna.
Art. 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 juillet 1993.
Le président,
ROBERT BADINTER