Article (Avis n° 93-4 du 28 juillet 1993 sur les projets de décrets pris en application des articles 18-2, 18-3 et 18-4 de la loi du 18 juillet 1984 modifiée relative à l'organisation et à le promotion des activités physiques et sportives)
Saisi pour avis par le Gouvernement les 24 mars 1993 et 11 mai 1993 de deux projets de décrets, l’un précisant les modalités d’exercice du droit à l’information dans le cadre particulier des compétitions sportives, l’autre proposant un mécanisme qui vise à limiter les pratiques de « gel des droits » d’une compétition sportive par un service de télévision, puis le 27 juillet 1993 du projet de décret relatif au libre accès des journalistes aux enceintes sportives, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, après en avoir délibéré, formule l’avis suivant :
I. - En ce qui concerne le projet de décret d’application de l’article 18-2 relatif au droit à l’information :
Article 1er du projet. - L’article 1er rend applicable le décret aux services de télévision dont les programmes sont destinés en tout ou partie au public français. Un tel champ d’application, fondé sur la théorie de la réception, ne tient pas compte du principe posé dans la directive « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989 selon lequel l’opérateur est soumis au droit du pays de la compétence duquel il relève (art. 2-1, premier tiret), principe figurant également dans la convention « Télévision transfontière » du Conseil de l’Europe. Afin d’éviter l’application des règles du droit interne français à des services de télévision ne relevant pas de la compétence de la France, il serait préférable de restreindre le champ d’application du décret aux services de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes sont destinés en tout ou partie au public français.
Le conseil signale en outre que ce n’est pas le présent « article » mais bien le présent « décret » qui est applicable à certains services de télévision.
Article 2 du projet. - Il ressort de l’article 2 qu’un radiodiffuseur non titulaire des droits d’exploitation (radiodiffuseur secondaire) ne peut diffuser d’extraits d’une compétition qu’après une diffusion préalable de cette compétition par le ou les titulaires des droits d’exploitation (radiodiffuseurs primaires).
Il convient toutefois de préciser que ce droit pour le radiodiffuseur secondaire s’exerce dès l’issue de la diffusion des images par le radiodiffuseur primaire.
Il ressort par ailleurs du présent article que lorsque plusieurs radiodiffuseurs sont titulaires des droits d’exploitation d’une même manifestation sportive la reprise d’extraits par le radiodiffuseur secondaire ne peut intervenir qu’à l’issue de la diffusion des images de cette manifestation par l’ensemble des services cessionnaires. Il paraît préférable de préciser que le droit à l’information ne peut s’exercer qu’à l’issue de la première diffusion en clair par le service de télévision cessionnaire du droit d’exploitation ou après la retransmission en crypté de la compétition lorsqu’un service de télévision diffusant en crypté est le seul cessionnaire des droits d’exploitation.
Enfin, le conseil estime souhaitable de renoncer à la référence à l’article 18-3 de la loi, faite à l’article 2 du présent projet, dans la mesure où l’objet de ces deux textes n’est pas le même, l’un organisant les modalités de reprise d’images de compétitions sportives déjà diffusées, l’autre prévoyant les conditions dans lesquelles l’absence de diffusion en direct met fin à l’exclusivité.
Article 3 du projet. - L’article 3, dont l’objet est de définir la notion d’extrait, devrait pour la commodité du lecteur figurer dans le décret avant les dispositions de l’article 2. Il conviendrait par ailleurs de préciser que les extraits diffusés par un service non cessionnaire des droits d’exploitation d’une manifestation sont obtenus par duplication des images diffusées par le titulaire des droits ou, le cas échéant, par fourniture directe de ces images par le titulaire des droits.
Article 4 du projet. - La mention de la journée de compétition ne figure pas à l’article 18-2 de la loi. Cependant, compte tenu de l’opportunité de faire figurer une telle notion, le conseil suggère de préciser que les dispositions de cet article s’appliquent aussi à une journée de compétition d’un même sport.
Article 5 du projet. - S’il existe plusieurs sources, françaises et étrangères, d’une même compétition, l’obligation posée à l’article 5 du projet de mentionner la provenance des images utilisées dans les extraits peut conduire le radiodiffuseur secondaire à ne pas mentionner le nom du ou des radiodiffuseurs français titulaires des droits. Aussi conviendrait-il d’exiger du radiodiffuseur secondaire qu’il mentionne au début de la diffusion de l’extrait le nom du ou des services de télévision cessionnaires du droit d’exploitation sur le territoire national.
Article 6 du projet. - L’article 6 du projet permet aux radiodiffuseurs secondaires de ne bénéficier de la gratuité, posée au troisième alinéa de l’article 18-2 de la loi, que si les images qu’ils reprennent sont diffusées dans le cadre d’émissions d’information régulièrement programmées et principalement ou majoritairement composées d’images propres. .
Cette disposition ne comporte pas de définition de la notion d’émission d’information, pourtant nécessaire à l’application de la loi. Le conseil estime pour sa part que les émissions d’information sont constituées des seuls journaux télévisés et bulletins d’information. Il serait donc souhaitable de ne rendre applicable l’article 18-2, alinéa 3, de la loi qu’aux émissions d’information quotidiennes habituellement programmées.
II. - En ce qui concerne le projet de décret d’application de l’article 18-3 relatif au « gel des droits » :
Article 1er du projet. - A l’instar de l’article 1er du projet de décret d’application de l’article 18-2 de la loi, le conseil estime souhaitable d’appliquer le présent décret aux services de télévision relevant de la compétence de la France et dont les programmes sont destinés en tout ou partie au public français.
Article 2 du projet. - L’article 2 assimile à une retransmission en direct certaines diffusions en différé justifiées par des motifs sérieux. Au nombre des cas prévus par le projet de décret devraient être ajoutés deux types de situation justifiant la diffusion différée d’une manifestation sportive :
- lorsque la diffusion de la compétition est reportée au plus tard dans la tranche horaire de grande écoute la plus proche
- lorsqu’un événement sportif comporte plusieurs manifestations se déroulant simultanément et que le cessionnaire des droits en a diffusé une en direct et diffuse les autres à la suite.
La première de ces deux propositions rend superflue la mention du second motif sérieux envisagé par le projet, à savoir l’existence d’un décalage horaire significatif entre le lieu où se déroule la manifestation sportive et celui où sont diffusées les images.
Article 3 du projet. - Le conseil estime que le projet de décret ne répond pas aux dispositions de l’article 18-3 de la loi puisque n’y figure pas une définition de l’extrait significatif tenant compte tant de la nature que de la durée des manifestations sportives.
Il serait à tout le moins nécessaire de préciser que la durée et le contenu de l’extrait significatif s’apprécient en tenant compte notamment de la discipline, du niveau de la compétition ou de la manifestation, de la durée de l’épreuve et de l’éventuelle participation d’une équipe nationale.
III. - En ce qui concerne le projet de décret d’application de l’article 18-4 relatif au libre accès des journalistes et des personnels des entreprises d’information écrite ou audiovisuelle aux enceintes sportives :
Article 1er du projet. - Le conseil estime que le principe du libre accès aux enceintes sportives posé par la loi ne peut connaître de dérogation qu’en raison des seules contraintes exigées par le bon déroulement de la compétition et par les capacités d’accueil de l’enceinte sportive.
C’est en fonction de ces contraintes qu’il appartient aux organisateurs de la manifestation sportive de fixer le nombre des accréditations.
La répartition des accréditations entre les équipes de télévision et journalistes de chaque service de télévision devrait être assurée par les syndics de presse reconnus par les organisations professionnelles, priorité étant donnée aux services détenteurs des droits.
Les équipes de télévision autres que celles du service cessionnaire des droits ne devraient pouvoir accéder aux enceintes sportives qu’avec une seule caméra, sauf autorisation expresse des organisateurs de la manifestation pour un nombre supérieur.
Article 2 du projet. - Le conseil s’interroge sur l’opportunité de se référer dans ce décret aux dispositions du décret pris pour l’application de l’article 18-2 de la loi. Il conviendrait plutôt de préciser que la diffusion des images captées par les radiodiffuseurs secondaires ne peut s’effectuer qu’à l’issue de la retransmission en clair de la manifestation par le radiodiffuseur primaire, ou après la retransmission en crypté de la compétition lorsqu’un service de télévision diffusant en crypté est le seul cessionnaire des droits d’exploitation.
Enfin, le conseil regrette que la méconnaissance des articles 18-2, 18-3 et 18-4 de la loi, à la différence d’autres articles du même texte, ne fasse l’objet d’aucune sanction pénale.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.