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Article (Décision n° 2007-0213 du 16 avril 2007 portant sur les obligations imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée)

Article (Décision n° 2007-0213 du 16 avril 2007 portant sur les obligations imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée)



II-B. - Fondement juridique de l'action de l'Autorité


Les obligations de la présente décision visent l'ensemble des opérateurs, fixes et mobiles, indépendamment de toute puissance de marché. Elles ne relèvent donc pas d'un exercice d'analyse de marché au sens des dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).
L'article 5 de la directive accès susvisée et le CPCE prévoient en effet que l'Autorité est compétente pour imposer des obligations « symétriques » dans certaines conditions.
Un acteur a estimé dans le cadre de la première consultation publique susvisée que, d'une part, l'article 5-1 de la directive accès donnerait une compétence de nature exceptionnelle aux régulateurs qui ne pourrait être mise en oeuvre que lorsque la connectivité fait défaut, et que, d'autre part, l'Autorité devrait interpréter strictement ces dispositions. Il considère que les mêmes principes s'appliquent en ce qui concerne les articles L. 34-8 (III) et D. 99-11 du CPCE et que, par conséquent, l'Autorité ne pourrait se fonder sur ces dispositions pour imposer une régulation « collective de tous les opérateurs », puisqu'elles ne permettent que des « interventions ponctuelles pour résoudre des problèmes concrets (sans exclure une application collective pour traiter un problème général de connectivité bien démontré) ». Or, toujours selon cet opérateur, l'Autorité n'aurait pas démontré de manque de connectivité. Dans ces conditions les obligations envisagées seraient non appropriées et non proportionnées. Elles viseraient à mettre en place une régulation asymétrique concernant France Télécom seule sous couvert d'une régulation symétrique et donc sans analyse de marché.
Cependant, en vertu de l'article 5 de la directive accès susvisé, il incombe à l'Autorité d'assurer « un accès et une interconnexion adéquats, ainsi que l'interopérabilité des services et elles s'acquittent [l'Autorité] de leur tâche de façon à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à procurer un avantage maximal à l'utilisateur final », ceci afin de réaliser les objectifs de régulation imposés par le cadre. Ce même article précise ensuite que les régulateurs doivent être en mesure d'adopter « en particulier, sans préjudice des mesures qui pourraient être prises à l'égard d'entreprises disposant d'une puissance significative sur le marché, [...] dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer la connectivité de bout en bout, des obligations aux entreprises qui contrôlent l'accès aux utilisateurs finals » (soulignement ajouté).
Dans ces conditions, l'article 5 de la directive accès donne compétence aux régulateurs pour intervenir même en l'absence d'analyse de marché afin de s'assurer que les objectifs qui leur sont assignés seront atteints, sans circonstance exceptionnelle particulière. Or, l'Autorité a démontré que, d'une part, le cadre juridique était peu précis concernant l'ouverture des numéros SVA, leur acheminement et les règles de facturation, et que, d'autre part, la multiplicité des acteurs présents dans la chaîne de valeur rendait complexe la contractualisation et les reversements et qu'enfin, les numéros SVA doivent bénéficier d'une interopérabilité de bout en bout dans la mesure où il s'agit de ressource publique du plan national de numérotation. L'action de l'Autorité consiste donc bien à assurer l'interopérabilité des SVA.
De même, l'article L. 34-8 (III) du CPCE dispose que « les opérateurs qui contrôlent l'accès aux utilisateurs finals peuvent se voir imposer des obligations en vue d'assurer le bon fonctionnement et l'interconnexion de leurs réseaux ainsi que l'accès aux services fournis sur d'autres réseaux. »
Il est précisé par l'article D. 99-11 du même code qui dispose que « En application du III de l'article L. 34-8 et de l'article L. 37-2, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, dans la mesure de ce qui est nécessaire, imposer aux opérateurs qui contrôlent l'accès aux utilisateurs finals des obligations destinées à assurer la connectivité de bout en bout, notamment l'obligation d'assurer l'interconnexion de leurs réseaux ainsi que l'interopérabilité des services fournis sur ces réseaux ou sur d'autres réseaux.
Ces obligations sont proportionnées, objectives, transparentes et non discriminatoires et adoptées dans le respect des procédures prévues aux articles L. 32-1 (III) et L. 37-3. Elles sont imposées de façon à donner effet aux objectifs définis à l'article L. 32-1 et en particulier à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable ou à procurer un avantage maximal aux utilisateurs finals. Elles s'appliquent sans préjudice des autres obligations en matière d'accès et d'interconnexion susceptibles d'être imposées aux opérateurs en application du présent code. »
Au cas d'espèce, il existe deux types d'utilisateur final, dont les accès sont « contrôlés » par des opérateurs.
D'une part, l'utilisateur final « appelant » un numéro SVA. L'accès à cet utilisateur est « contrôlé » par un opérateur départ, l'opérateur de boucle locale fixe ou mobile, réel ou virtuel (MVNO, VGAST) qui gère, d'une manière ou d'une autre, son accès au service téléphonique.
D'autre part, l'éditeur de contenu à l'autre extrémité de la chaîne de valeur ou appelé est également un utilisateur final. L'accès aux services qu'il fournit est « contrôlé » par l'opérateur qui exploite son numéro SVA.
Il convient à cet égard de rappeler que l'article 2 (n) de la directive cadre susvisée définit l'utilisateur final comme : « un utilisateur qui ne fournit pas de réseaux de communication publics ou de services de communications électroniques accessibles au public », l'utilisateur étant lui même défini au h comme « une personne physique ou morale qui utilise ou demande un service de communications électroniques accessible au public ».
En application de l'article L. 34-8 (III) précité, l'Autorité est ainsi en mesure d'imposer à ces deux types d'opérateurs, qui « contrôlent » l'accès à des utilisateurs finals, i.e. l'opérateur départ et l'opérateur exploitant le numéro SVA, des obligations « en vue d'assurer le bon fonctionnement et l'interconnexion de leurs réseaux ainsi que l'accès aux services fournis sur d'autres réseaux ».
Or, les obligations définies par la présente décision imposent aux opérateurs qui « contrôlent » l'accès à un utilisateur final des mesures afin d'assurer l'interopérabilité du service téléphonique, offert à l'appelant, avec le service de communications électroniques offert par les exploitants de numéros SVA aux éditeurs de contenu. Ces obligations visent ainsi à développer « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques », ainsi que « la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de concurrence » conformément aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 (2° et 4°) du CPCE. Ces mesures ont donc pour objet de préciser les règles d'accès aux SVA, ce qui correspond bien au champ d'application de l'article L. 34-8 (III) du CPCE.
L'Autorité démontre en outre ci-après en quoi chacune des obligations est nécessaire et proportionnée aux objectifs que lui assigne le CPCE.


II-C. - Procédure


Tant l'article 5 de la directive accès que l'article D. 99-11 du CPCE imposent à l'Autorité, lorsqu'elle envisage de mettre en oeuvre ces dispositions, de mener une consultation publique et de notifier son projet de décision à la Commission européenne et aux autres régulateurs de l'Union européenne. En outre, l'article L. 36-6 du CPCE dispose que si l'Autorité est compétente pour préciser, conformément aux dispositions de l'article L. 34-8, les règles imposables aux opérateurs de communications électroniques en ce qui concerne les conditions techniques et tarifaires d'interconnexion et d'accès, elle doit soumettre sa décision à l'homologation du ministre en charge des communications électroniques.
L'Autorité a soumis son projet de décision pour avis à la Commission consultative des réseaux et services de communications électroniques et à la Commission consultative des radiocommunications. Après prise en compte des contributions reçues lors de la première consultation publique, l'Autorité a notifié à la Commission européenne et aux autres régulateurs son projet de décision amendé, tout en le soumettant en parallèle à une seconde consultation publique.
Enfin, après avoir pris en compte l'ensemble des commentaires reçus lors de la deuxième consultation publique, elle est désormais en mesure d'adopter la présente décision et de la transmettre pour homologation au ministre en charge des communications électroniques.


III. - OBLIGATIONS IMPOSÉES
III-A. - Définitions


Comme précisé ci-avant, seuls les numéros du plan national de numérotation permettant l'accès à des services fournis par l'utilisateur final appelé sont concernés par la présente décision, à l'exclusion de tout autre support permettant la fourniture de tels services.
Après prise en compte des contributions reçues lors de la première consultation publique susvisée, l'Autorité avait amendé les définitions proposées.
La notion d'utilisateur final appelant exclut de son champ d'application tout opérateur, et en particulier les MVNO ou les opérateurs étrangers, dans la mesure où ces acteurs ne fournissent que des services de communications électroniques au public et contrôlent leurs propres clients. Celle de « contrôle » de l'utilisateur final doit être entendue au sens de l'article L. 34-8 III du CPCE, à savoir l'opérateur qui dispose d'un lien, en particulier contractuel, avec cet utilisateur final, qui lui permet de fixer les conditions dans lesquelles cet utilisateur final peut accéder à un numéro SVA. Enfin, l'Autorité ne considère pas comme incompatible le fait qu'un acteur puisse être à la fois opérateur exploitant de numéro et éditeur de contenu.
Après synthèse des différentes contributions reçues, l'Autorité a retenu les définitions prévues à l'article 1er de la présente décision.


III-B. - Obligation de faire droit aux demandes raisonnables
d'acheminement imposée aux opérateurs départ
III-B-1. Objectif


L'Autorité poursuit l'objectif de rendre l'ensemble des services à valeur ajoutée accessibles depuis l'ensemble des réseaux de boucle locale, afin de garantir une interopérabilité généralisée des services sur les réseaux, au bénéfice des utilisateurs finals, et dans des conditions permettant de garantir une concurrence effective et loyale entre exploitants de numéros SVA, conformément aux objectifs que lui assigne l'article L. 32-1 du CPCE.
L'Autorité souhaite ainsi encadrer les modalités « d'ouverture » de numéros SVA. Derrière le mot « ouverture », il faut comprendre que l'exploitant du numéro SVA sollicite de l'opérateur départ l'acheminement du trafic qui lui est destiné jusqu'à un point d'interconnexion donné, après lequel il, ou éventuellement un opérateur de collecte de son choix, sera en mesure de le prendre en charge. Une telle demande peut par conséquent s'accompagner de demandes de ressources « associées », relatives par exemple au schéma d'interconnexion souhaité, aux modalités de raccordement physique aux sites d'interconnexion ou aux modalités de commercialisation, et notamment de mécanismes financiers de reversement d'une partie des sommes facturées aux utilisateurs finals appelants.
Comme exposé dans la partie I, il existe d'une part une diversité, et donc une complexité, des schémas opérationnels d'ouverture et d'autre part de nombreuses exceptions selon les opérateurs. Il apparaît donc nécessaire de donner un cadre général commun à l'ensemble des acteurs concernant les modalités d'ouverture des numéros SVA, ce qui à ce jour n'est pas prévu par les textes. En particulier, l'article D. 99-7 du CPCE n'impose aucune obligation spécifique aux opérateurs en la matière.
L'Autorité souhaite de ce fait préciser quelles sont les obligations auxquelles les opérateurs départ sont soumis.


III-B-2. Opérateurs concernés


L'Autorité souligne que, dans la plupart des cas, l'accès à l'appelant est « contrôlé » par l'opérateur de boucle locale sur le réseau duquel est physiquement raccordé l'appelant, ou opérateur départ.
Dans certains cas toutefois, et en particulier dans le cas d'abonnés ayant souscrit aux offres de détail d'opérateurs reposant sur l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique (VGAST), ou aux offres d'opérateurs de réseaux mobiles virtuels (MVNO), ce sont ces derniers qui contrôlent l'accès à ces abonnés, puisqu'ils maîtrisent le lien contractuel.
L'opérateur départ, tel que défini précédemment, s'identifie donc en général à l'OBL réel, sauf si le client a contracté avec un OBL virtuel, auquel cas c'est ce dernier qui sera identifié comme tel.


III-B-3. Obligation de faire droit aux demandes raisonnables
d'ouverture du numéro SVA


Dans la plupart des cas, les schémas contractuels sur lesquels repose le service d'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée prévoient que l'opérateur exploitant le numéro SVA, et qui souhaite par conséquent offrir le service qu'il héberge derrière ce numéro SVA au départ de l'ensemble des réseaux de boucle locale, s'adresse aux opérateurs départ pour solliciter l'« ouverture » de son numéro SVA au départ de leurs réseaux.
L'Autorité estime que l'opérateur départ doit faire droit à toute demande d'ouverture du numéro SVA, et aux ressources associées telles que par exemple les modalités de raccordement physique aux sites, dans la mesure où elle apparait raisonnable, notamment au regard de sa capacité technique à la satisfaire, de son bien-fondé technique et économique, ou du besoin du demandeur. Le caractère raisonnable de cette demande sera ainsi apprécié au cas par cas et notamment en tenant compte des schémas d'interconnexion demandés.
Par ailleurs, la demande de commercialisation d'un SVA peut également s'accompagner de demandes associées, relatives par exemple au palier tarifaire que l'exploitant du numéro SVA souhaite voir appliquer au détail.
Ainsi, et à titre d'exemple, si l'opérateur exploitant le numéro SVA sollicite une architecture d'interconnexion très différente de celle mise en place habituellement par l'opérateur départ, et générant de ce fait de nombreux coûts d'adaptation, sa demande pourrait ne pas être considérée raisonnable. De même, si la demande d'ouverture est associée à la création d'un palier tarifaire manifestement trop élevé, l'opérateur pourrait refuser d'offrir l'accessibilité au numéro SVA dans la mesure où il lui appartient de facturer le montant au consommateur. Enfin, les délais d'ouverture du numéro pourront également constituer un des critères du caractère raisonnable de la demande. Aujourd'hui ce délai diffère selon les opérateurs départ ; il est compris dans une fourchette de un mois à trois, voire six mois. L'Autorité considère qu'il n'est pas possible de fixer ex ante un délai commun à l'ensemble des opérateurs qui s'appliquerait à toutes les situations. En revanche, les opérateurs départ ne pourront refuser de faire droit à une demande raisonnable concernant le délai d'ouverture requis par un exploitant de numéro.
De nouveau, ces demandes associées participeront à l'évaluation du caractère raisonnable ou non de la demande globale. En particulier, ces demandes associées devront être analysées au regard de la capacité technique de l'opérateur départ à les satisfaire, ou de leur bien-fondé technique et économique.
Enfin, dans l'hypothèse où le refus éventuel d'un opérateur départ serait fondé uniquement sur le respect de clauses déontologiques liées au contenu du service, les litiges ne relèveront pas de la compétence de l'ARCEP, mais de l'instance compétente en la matière, à savoir le CTA aujourd'hui ou, toute autre instance créée à cet effet. Néanmoins, en cas de refus de l'exploitant de numéros d'insérer dans le contrat le liant à l'opérateur départ les recommandations de nature déontologique élaborées par l'instance compétente en la matière, l'opérateur départ serait légitime à considérer la demande comme non raisonnable.


Mesures complémentaires
Non-discrimination


Il est nécessaire, d'une part pour garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale, et d'autre part pour s'assurer de la connectivité de bout en bout des numéros SVA du plan national de numérotation, que les opérateurs départ fassent droit aux demandes raisonnables d'ouverture de numéros SVA dans des conditions non discriminatoires.
Il est entendu par non-discrimination le fait que chaque opérateur départ offre aux opérateurs qui lui en font la demande un accès dans des circonstances équivalentes à ses utilisateurs finals pour l'acheminement de communications SVA dans des conditions équivalentes à celles qu'il utilise en interne pour ses propres services, pour ses filiales et partenaires, et à celles qu'il offre en externe à d'autres opérateurs.
En particulier, un opérateur intégré, présent à la fois sur le marché du service téléphonique et sur celui de l'exploitation de numéros SVA, ne saurait refuser à un quelconque exploitant de numéro SVA une prestation au départ de son réseau dont il bénéficie en interne pour ses propres numéros SVA, dans des circonstances équivalentes. Si tel était le cas, cela aurait en effet pour conséquence de privilégier son activité d'exploitation de numéros SVA, aux dépens de celles de ses concurrents, puisque les conditions de son activité d'exploitation de numéros SVA seraient meilleures pour les appels au départ de sa boucle locale.
Cette obligation de non-discrimination s'applique à l'ensemble des prestations liées à l'ouverture d'un numéro SVA : accès aux paliers tarifaires, conditions techniques ou tarifaires, telles que les modalités de prise en compte et d'affichage dans les supports de facturation ou les modalités de fixation des mêmes seuils de déclenchement de facturation (6) pour l'ensemble des communications SVA au sein d'un même palier tarifaire lorsque de tels seuils existent, accès au service client, etc.