II-C. - Pertinence du marché
au regard de la régulation sectorielle
L'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité doit définir les marchés, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ».
Ainsi, pour qualifier un marché de pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.
Le marché de gros des offres d'accès large bande a fait l'objet d'une analyse par la Commission européenne, dans sa recommandation sur les marchés pertinents. Elle a estimé que ce marché remplissait les trois critères qu'elle a définis (présence de barrières à l'entrée, absence de perspective de développement de la concurrence, insuffisance du droit de la concurrence) et que de ce fait ce marché était pertinent pour la régulation ex ante (15).
La nécessité de réguler ex ante ce marché est justifiée au regard de plusieurs caractéristiques structurelles du marché.
Tout d'abord, il est fondé en amont sur une infrastructure qualifiée d'« essentielle » par le Conseil de la concurrence (16) : la boucle locale.
De ce fait, les mécanismes d'entrée sur ce marché sont limités : hormis le cas de l'opérateur possédant ce réseau de boucle locale, l'entrée en tant qu'offreur sur le marché régional n'est possible pour un opérateur que si, d'une part, il lui est donné accès à cette infrastructure essentielle de boucle locale et si, d'autre part, il déploie un réseau suffisamment capillaire pour rendre effective cette possibilité partout sur le territoire.
Ainsi, malgré l'obligation réglementaire pesant sur France Télécom, propriétaire du réseau de boucle locale, d'ouvrir son réseau local au dégroupage, les barrières à l'entrée sur le marché de gros des offres régionales restent très élevées. Elles sont dues au montant très élevé des investissements que suppose le dégroupage, de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'euros par répartiteur, le réseau en comptant 12 000 en France. Elle sont aussi dues au caractère nécessairement très progressif de ce déploiement, qui ne peut s'effectuer à très grande échelle que sur plusieurs années. Enfin, elles sont renforcées par le poids des économies d'échelle qui confèrent un avantage certain en terme de coût au plus gros opérateur. En outre, l'intégration verticale des acteurs de ces marchés, et notamment la présence de l'opérateur possédant le réseau de boucle locale sur le marché de gros des offres régionales et sur les marchés de détail aval, rend plus difficile l'entrée sur ce marché de gros intermédiaire en l'absence de régulation ex ante.
L'ensemble de ces motifs conduisent à estimer que les perspectives de développement de la concurrence sont limitées sur ce marché, à l'horizon de la présente analyse, ainsi que cela sera développé plus avant dans la partie III « Analyse de l'Autorité quant à la désignation d'un opérateur disposant d'une influence significative sur le marché ».
Enfin, il apparaît que le droit de la concurrence ne peut encore suffire pour remédier aux problèmes de concurrence intrinsèques à ce marché. Notamment, l'entrée d'opérateurs alternatifs sur ce marché est conditionnée au maintien sur un terme long d'espaces économiques suffisants entre les différentes offres de gros de la chaîne de valeur du haut débit. Ce maintien est assuré par une intervention ex ante sur les tarifs de gros, outil dont ne dispose pas le Conseil de la concurrence. De plus, le régulateur sectoriel dispose d'instruments servant des objectifs différents de celui de l'autorité de concurrence, notamment en ce qui concerne l'incitation à l'investissement des opérateurs dans les infrastructures. Enfin, le régulateur sectoriel assure un suivi continu du marché, et peut mettre en place de façon ex ante des dispositifs de séparation comptable et d'audit des coûts, selon une méthodologie spécifique adaptée au marché des communications électroniques, nécessaire au suivi et au contrôle des obligations tarifaires pesant sur l'opérateur régulé.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'Autorité considère que le marché tel que défini dans l'analyse présentée ci-dessus doit être déclaré pertinent au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques, à ce stade indispensable pour favoriser le développement de la concurrence et l'investissement des opérateurs dans les infrastructures.