I. - INTRODUCTION
L'objet de la présente décision est, d'une part, la délimitation du périmètre du marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, en termes de services et en termes géographiques.
D'autre part, elle vise également à analyser l'état de la concurrence et son évolution prévisible sur le marché afin de désigner, le cas échéant, le ou les opérateurs y exerçant une influence significative.
I-A. - Le processus d'analyse des marchés
Conformément à l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité est en charge de la détermination des marchés du secteur des communications électroniques pertinents, susceptibles d'être soumis à une régulation ex ante. Elle conduit une analyse concurrentielle de ces marchés et désigne le ou les opérateurs réputés exercer une influence significative sur ces marchés. Conformément à l'article L. 37-2, l'Autorité fixe ensuite en les motivant la liste des obligations imposées à ce ou ces opérateurs.
Conformément à l'article D. 301 du même code, l'Autorité a publié le 23 juin 2004 un document de consultation intitulé « Consultation publique sur l'analyse des marchés du haut débit ».
Dans ce document, après avoir analysé la situation concurrentielle prévalant sur chacun des marchés de détail et de gros du haut débit, l'Autorité a proposé une délimitation des marchés pertinents. Elle a ainsi proposé une définition du marché du dégroupage de la boucle locale, ainsi que des marchés de gros des offres d'accès large bande livrées aux niveaux régional et national. Sur chacun de ces marchés, elle a proposé une analyse conduisant à la détermination de l'entreprise exerçant une influence significative sur le marché, et a soumis à consultation une liste d'obligations qu'elle estimait proportionné et justifié d'imposer à cette entreprise.
Après avoir considéré l'ensemble des vingt-cinq contributions des acteurs et consulté le Conseil de la concurrence selon les dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité a établi des projets de décisions en vue de leur transmission à la Commission européenne, ainsi qu'aux autorités réglementaires compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, projets qu'elle a soumis, en parallèle, à consultation publique du 13 avril 2005 au 13 mai 2005.
Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaire sur cette notification. La Commission a adressé à l'Autorité une lettre l'informant qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur l'analyse présentée par l'Autorité du marché de gros de l'accès dégroupé (y compris l'accès partagé) aux boucles locales et sous-boucles sur lignes métalliques.
L'Autorité a reçu neuf contributions en réponse à la consultation publique menée en parallèle de cette notification, qui n'ont pas mené l'Autorité à faire évoluer l'analyse présentée s'agissant de la délimitation du marché et de la désignation de l'opérateur puissant.
L'analyse du marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre conduite par l'Autorité donne lieu à deux décisions : la présente décision « délimitation du marché et opérateur puissant », ainsi que la décision « obligations ».
I-B. - Durée d'application de la décision
Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques, l'inscription d'un marché sur la liste de l'ensemble des marchés pertinents « est prononcée pour une durée maximale de trois ans ». L'Autorité doit réviser cette liste, de sa propre initiative, « lorsque l'évolution de ce marché le justifie », ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne » C(2003)497 du 11 février 2003 susvisée.
En outre, en vertu de l'article D. 302 du même code, les décisions déterminant l'existence d'une influence significative sont réexaminées dans les mêmes conditions.
La présente décision s'applique jusqu'au 1er mai 2008 à compter du jour de sa publication au Journal officiel de la République française.
La Commission souligne, au point 63 des lignes directrices 2002/C 165/03 du 11 juillet 2002 susvisées, que « dans un secteur caractérisé par l'innovation constante et une convergence technologique rapide, toute définition d'un marché actuellement en vigueur risque de devenir inexacte ou désuète dans un proche avenir ».
Il en résulte que, si les évolutions des caractéristiques du marché le justifiaient, l'Autorité réexaminerait pendant cette période le marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et pourrait, le cas échéant, être amenée à prendre une nouvelle décision.
I-C. - Cadre d'analyse et acception des termes employés
L'article L. 32 (3° ter) du code des postes et des communications électroniques définit la boucle locale comme l'« installation qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente d'un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public ». Dans le cas du réseau téléphonique commuté, la boucle locale est une paire de cuivre torsadée, dénommée dans l'analyse qui suit « boucle locale cuivre ». Par ailleurs, la sous-boucle locale cuivre correspond au tronçon de la boucle locale cuivre reliant l'abonné au sous-répartiteur.
Le dégroupage de la boucle locale consiste en la mise à disposition d'un opérateur d'un accès direct à la boucle locale, au niveau du répartiteur. Le dégroupage de la sous-boucle locale cuivre correspond à l'accès donné à un opérateur tiers, au niveau du sous-répartiteur, à la sous-boucle locale cuivre.
Deux formes de dégroupage sont mises en oeuvre en France depuis la fin de l'année 2000. Le dégroupage total correspond à la mise à disposition de l'intégralité de la boucle locale. Le dégroupage partiel correspond, quant à lui, à la mise à disposition d'un opérateur tiers, par l'intermédiaire d'un filtre, des seules fréquences hautes de la paire de cuivre. L'utilisation des fréquences hautes de la paire de cuivre, rendue possible grâce aux technologies xDSL, permet la fourniture à l'abonné de multiples services tels que l'accès internet haut débit, la voix sur DSL ou encore la télévision sur DSL, tandis que les fréquences basses restent disponibles pour le service téléphonique.
II. - ANALYSE DE L'AUTORITÉ
QUANT À LA DÉFINITION DU MARCHÉ PERTINENT
II-A. - Délimitation du marché en termes de produits et services
II-A-1. Principes
La délimitation des marchés du point de vue des services repose sur l'analyse de :
- la substituabilité du côté de la demande : deux produits appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment « interchangeables » (1) pour leurs utilisateurs, notamment du point de vue de l'usage qui est fait des produits et services, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de « migration » d'un produit vers l'autre. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit entre autres prouver que la substitution entre les deux produits est rapide (2) et doit prendre en compte les « coûts d'adaptation » (3) qui en découlent ;
- la substituabilité du côté de l'offre : la substituabilité du côté de l'offre est caractérisée lorsqu'un opérateur qui n'est pas actuellement présent sur un marché donné est susceptible d'y entrer rapidement en réponse à une augmentation du prix des produits qui y sont vendus.
Pour établir l'existence d'une éventuelle substituabilité du côté de la demande ou de l'offre, l'analyse peut impliquer la mise en oeuvre de la méthode dite du « test du monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les lignes directrices de la Commission (4). Ce test consiste à étudier les effets qu'aurait sur la demande une augmentation légère mais durable des prix d'un service (5 à 10 %, par exemple), de manière à déterminer s'il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs vers lesquels ils sont susceptibles de s'orienter. Ce test doit être appliqué jusqu'à ce qu'il puisse être établi qu'une augmentation des prix relatifs à l'intérieur des marchés géographiques et de produits définis ne conduira pas les consommateurs à opter pour des substituts directement disponibles ou à s'adresser à des fournisseurs établis sur d'autres territoires. Ainsi que le mentionnent les lignes directrices, l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en oeuvre n'implique pas une étude économétrique systématique poussée.
Conformément au point 5 des lignes directrices, l'Autorité se référera aux « principes et [aux] méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une réglementation ex ante ».