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Article (Décision n° 2004-937 du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la société Orange France sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2004-937 du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de la société Orange France sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre)


IV-1.4.1. Principes de Ramsey Boiteux


Ce type d'allocation de coûts consiste, pour l'imputation des coûts communs, à majorer les coûts directs de chaque produit d'une partie des coûts communs dépendant de l'élasticité de la demande finale, les différents produits se voyant imputés une partie des coûts communs inversement proportionnelle à l'élasticité - prix de leur demande.
Ce principe d'allocation permet d'atteindre un optimum de second rang dans la tarification d'un monopole multiproduit. Pour une telle entreprise, le système des prix optimaux de premier rang, maximisant le bien-être collectif, n'est autre que le système des coûts marginaux de production des différents produits. Néanmoins, une telle tarification ne permet pas de recouvrer les coûts fixes ou communs, sauf à facturer un abonnement pour recouvrer le restant des coûts ou à subventionner ex post l'entreprise. Un tel système de subvention peut être impossible, d'où l'étude de l'optimum de second rang sous contrainte de niveau sur l'équilibre budgétaire. Dans cet optimum de second rang, une partie des coûts communs sont alloués à chacun des produits, en proportion inverse des élasticités - prix de la demande sur les différents segments de marché.
Ce type d'allocation, qui a fait l'objet d'une littérature certes importante, s'applique avant tout à une situation particulière et un objectif particulier, à savoir la maximisation du bien-être collectif sous contrainte de profit nul ou fixé pour une entreprise multiservice en situation de monopole sur plusieurs marchés de détail.
Sa généralisation au cas du secteur des communications électroniques ne peut se faire mécaniquement et demande un examen attentif dans le cas de la présente analyse de marché.
En effet, la situation du marché des communications électroniques est beaucoup plus complexe que celle d'un monopole multiproduit, eu égard à la présence du nombre important d'opérateurs mobiles ou fixes, de la présence de biens intermédiaires et de biens de détail, du degré très variable d'intégration verticale entre les acteurs, de la fragmentation de l'information sur les comportements de consommation des usagers finals et enfin de l'existence d'un jeu concurrentiel sur les marchés de détail face à la situation de monopole sur le marché de gros. On observera aussi que, compte tenu de la diversité et de la complexité des systèmes de tarification sur les marchés de détail tant de la téléphonie fixe que de la téléphonie mobile, la définition d'une élasticité de la demande au prix et sa mesure objective constitue un obstacle notable.


IV-1.4.2. Discussion générale sur ces principes
et limites de ce type d'allocation


Jusqu'à présent et malgré l'optimum théorique qu'il peut représenter, ce mode d'allocation n'a jamais été retenu en pratique dans la régulation des tarifs d'interconnexion, en raison notamment de limites importantes qu'il peut représenter au regard des objectifs généraux des régulateurs.
Les économistes et les experts qui ont examiné l'application d'une telle tarification de l'interconnexion ont relevé des limites importantes comme l'acceptabilité au regard de la difficulté à évaluer les élasticités et du risque d'atteinte à la loyauté de la concurrence.
L'ART n'a ainsi pas connaissance, malgré la libéralisation du secteur des télécommunications, d'une application pratique des principes de Ramsey Boiteux dans la tarification de l'interconnexion, conduisant à allouer notamment les coûts communs de façon différenciée entre services. En particulier, les travaux du groupe de régulateurs indépendants (7) ou de l'Ofcom sur l'allocation des prix ne les ont pas conduits à retenir ou à recommander une telle allocation des coûts (8).