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Article (Décision no 2001-453 DC du 18 décembre 2001)

Article (Décision no 2001-453 DC du 18 décembre 2001)

Sur les dispositions ne pouvant figurer dans la loi :

69. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font grief aux dispositions des articles 31, 73 et 75 d'être étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ; que, pour leur part, les sénateurs auteurs de la seconde saisine considèrent qu'en tout ou partie les dispositions des articles 30, 59, 68 et 73 ne peuvent y figurer ;

70. Considérant qu'aux termes du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ;

71. Considérant que le I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 22 juillet 1996, qui constitue la loi organique prévue par l'article 34 de la Constitution, dispose :

« Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :

« 1o Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

« 2o Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

« 3o Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;

« 4o Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;

« 5o Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3o ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources » ;

72. Considérant que le III du même article prévoit en son premier alinéa : « Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale » ;

73. Considérant que l'article 31 pose le principe de la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière ; qu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en fixer les modalités précises ; que cette diminution de la durée hebdomadaire de travail implique, dès l'année 2002, la création de nombreux emplois dans les établissements publics hospitaliers ; qu'au demeurant, le financement de cette disposition est pris en compte dans l'objectif national de dépenses d'assurance maladie à hauteur de trois milliards de francs, correspondant à la part prise en charge par l'assurance maladie dans le recrutement d'agents et le financement d'heures supplémentaires ; qu'ainsi, l'article 31 a une incidence directe sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la branche maladie ; que, par suite, doit être rejeté le grief tiré de ce que l'article 31 ne trouverait pas sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale ;

74. Considérant que l'article 73 a pour objectif de moderniser et de simplifier le recouvrement des cotisations sociales ; qu'à cet effet, il autorise notamment la transmission des déclarations sociales et le paiement des cotisations par voie électronique ; qu'en raison tant des investissements nécessaires à la mise en place de ce dispositif que de l'amélioration du recouvrement des cotisations sociales qui en est attendue, l'article 73 aura une incidence significative sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale dès 2002 ; que, par suite, cet article est au nombre de ceux qui peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;

75. Considérant que l'article 75, qui réforme les missions et les modes de gestion de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale, a pour objet de donner à cet organisme les moyens d'exercer ses missions afin de pallier la carence actuelle de ses instances dirigeantes liée à la décision prise par certains partenaires sociaux de ne plus siéger à son conseil d'administration ; qu'il permettra ainsi de reprendre les négociations collectives, au niveau national, avec les représentants des quelque 200 000 agents des organismes du régime général de sécurité sociale ; que de telles négociations ont des incidences directes sur la rémunération de ces personnels et, par suite, pour une part significative, sur les coûts de fonctionnement des organismes du régime général retracés dans les objectifs de dépenses mentionnés au 3o du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, l'article 75 a sa place dans la loi déférée ;

76. Considérant, en revanche, que le III de l'article 30 de la loi déférée modifie la définition des ressources des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, hébergés en établissement, prises en compte pour le calcul de cette allocation ; qu'ainsi que le soutiennent les sénateurs requérants, cette disposition n'affecte pas directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et, en principe, n'aurait pas sa place dans la loi déférée ;

77. Considérant cependant que la déclaration de non-conformité du III de l'article 30 aurait pour effet de faire subsister dans la législation en vigueur une erreur matérielle conduisant à une disparité de traitement, contraire dans le cas d'espèce au principe d'égalité, entre les allocataires, selon qu'ils sont hébergés en établissement ou qu'ils résident à leur domicile ; que, cette disposition étant ainsi dictée par la nécessité de respecter la Constitution, il n'y a pas lieu de la déclarer contraire à celle-ci ;

78. Considérant qu'aux termes de l'article 59 de la loi déférée : « Le compte de réserves affectées au financement du Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance créé par l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2000-1257 du 23 décembre 2000) est abondé de 228,67 millions d'euros. - Ce montant est prélevé sur l'excédent de l'exercice 2000 de la branche famille du régime général de la sécurité sociale » ;

79. Considérant que le I précité de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale énumère les dispositions devant figurer dans les lois de financement de la sécurité sociale ; que son III précise la nature des dispositions pouvant figurer dans ces lois ; qu'aux termes du II du même article : « La loi de financement de l'année et les lois de financement rectificatives ont le caractère de lois de financement de la sécurité sociale. - Seules les lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1o à 5o du I » ; que cette dernière disposition ne fait pas obstacle à ce que la loi de financement de l'année à venir contienne des dispositions s'appliquant à l'exercice en cours, s'il est encore temps de les mettre en oeuvre avant la clôture de l'exercice ;

80. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que sont étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale les mesures autres que celles énumérées au I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, lorsqu'elles n'affectent directement ni l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année à venir, ni celui de l'année en cours et qu'elles n'ont pas non plus pour objet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;

81. Considérant que l'article 59 de la loi déférée n'aurait d'incidence que sur les résultats de l'exercice 2000 ; qu'en particulier, ses effets ne seraient pris en compte ni dans l'objectif de dépenses pour 2002 de la branche famille figurant à l'article 69, ni dans l'objectif de dépenses révisé pour 2001 de la même branche figurant à l'article 70 ; que l'article 59 n'a pas pour objet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;

82. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 59, dont les dispositions constituent un ensemble indivisible, doit être déclaré contraire à la Constitution ;

83. Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi déférée : « La Caisse nationale des allocations familiales verse en 2002 la somme de 762 millions d'euros au Fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale. Cette somme est prélevée sur le résultat excédentaire 2000 de la branche famille, après affectation d'une fraction de celui-ci au Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance créé par l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2000-1257 du 23 décembre 2000). Un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget fixe la date à laquelle ce versement est effectué » ;

84. Considérant que sont étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi qu'il a été dit à propos de l'article 59 de la loi déférée, les mesures autres que celles énumérées au I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, lorsqu'elles n'affectent directement ni l'équilibre financier des régimes obligatoires de base pour l'année à venir, ni celui de l'année en cours et qu'elles n'ont pas non plus pour objet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;

85. Considérant que la mesure contestée, qui ne relève d'aucune des catégories mentionnées au I de l'article LO 111-3, n'aurait d'incidence que sur les comptes de l'exercice 2000 des régimes obligatoires de base ; qu'elle n'a pas pour objet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer contraire à la Constitution l'article 68 dont les dispositions constituent un ensemble indivisible ;

86. Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la loi déférée : « Dans un délai de trois mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport exposant les conditions dans lesquelles les techniciens des laboratoires hospitaliers pourraient être classés en catégorie B active de la fonction publique hospitalière » ; que cette disposition, qui n'a pas d'incidence sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base, n'a ni pour objet, ni pour effet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que l'article 33 n'a donc pas sa place dans la loi déférée ;

87. Considérant que l'article 48 permet au demandeur qui agit contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante « de se faire assister ou représenter par son conjoint, un ascendant ou un descendant en ligne directe, ou un avocat ou un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives » ; que l'article 50 reconnaît comme accident de trajet pris en charge au titre des accidents du travail l'accident survenu à un salarié pendant le trajet entre les établissements de deux employeurs d'un même groupement d'employeurs ; que l'article 51 prend en compte, pour la définition des accidents de trajet des salariés agricoles, les détours entre le domicile et le lieu de travail rendus nécessaires dans le cadre d'un « covoiturage » régulier ; qu'aucune de ces diverses dispositions n'affecte de façon significative l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ;

88. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 48, 50 et 51 de la loi déférée, dont aucun n'améliore le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, doivent être déclarés non conformes à la Constitution comme étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;

89. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

Décide :