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Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 3 décembre 1997, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-393 DC)

Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 3 décembre 1997, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-393 DC)

V. - La hausse de la CSG

25. Le basculement massif des cotisations maladie sur la CSG constitue un élément majeur de cette loi de financement de la sécurité sociale.

Le 1o du paragraphe I de l'article 5 fait passer le taux de la CSG de 3,4 % à 7,5 % pour les revenus d'activité, de remplacement, de placement et du patrimoine ainsi qu'aux sommes jouées ou au produit brut des jeux dans les casinos.

Le 3o de ce même paragraphe institue un taux dérogatoire de 6,2 % pour les pensions de retraite et d'invalidité des personnes imposables, y compris les retraites complémentaires et les majorations pour enfants à charge, et les allocations de chômage et de préretraite des personnes imposables.

26. Le I de l'article 5 conduit à une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre tous les citoyens.

Dans sa décision no 90-285 DC, le Conseil constitutionnel a considéré que les différentes formes de la CSG ne devaient pas aboutir à « une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre tous les citoyens ».

Ce raisonnement doit être prolongé au profit des différentes catégories socioprofessionnelles pour lesquelles il importe que les modalités de compensation du basculement des cotisations maladie sur la CSG, annoncées par le Gouvernement, se traduisent bien par une compensation parfaite et non par une rupture du principe d'égalité entre les citoyens en raison de la nature de leurs activités.

27. La rupture est notamment avérée entre les salariés et les professions indépendantes.

Les débats ont pu démontrer combien ces compensations étaient difficiles à réaliser, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ayant précisé, à partir d'un chiffrage contesté par les organisations professionnelles concernées, que « l'opération n'est légèrement perdante que pour 20 % des travailleurs indépendants » (Débats, Assemblée nationale, 28 octobre 1997, p. 4823).

En effet si les professions libérales et indépendantes seront bien soumises au même taux de CSG, accru de 4,1 points, le taux des cotisations maladie de ces professions sera réduit de 11,4 % à 5,9 % pour les revenus inférieurs au plafond de la sécurité sociale et de 9 % à 5,35 % pour les revenus allant jusqu'à cinq fois ce plafond. Pour ces derniers, la baisse de 3,65 points sera inférieure à la hausse de 4,1 points de CSG. Il est donc clair que les revenus dépassant un certain seuil seront pénalisés et que pour beaucoup de professions indépendantes et libérales, la hausse de la CSG ne sera pas compensée intégralement par la baisse des cotisations maladie.

Le rapporteur du Sénat, M. Charles Descours, n'a pu obtenir ni le bilan détaillé du transfert CSG/cotisations maladie engagé en 1997, ni une étude d'impact sérieuse ou précise des conséquences du nouveau basculement.

Dans ces conditions, le Parlement n'a pas été en mesure d'apprécier, de manière objective et rationnelle, les risques d'une « rupture caractérisée » entre les citoyens selon leurs revenus d'activité.

Pour ces motifs et d'autres que les soussignés se réservent d'invoquer et de développer, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 doit être déclaré non conforme à la Constitution.

Les députés soussignés attacheraient le plus grand intérêt à recevoir les remarques du secrétaire général du Gouvernement et souhaiteraient pouvoir y répondre utilement.

(Liste des signataires : voir décision no 97-393 DC.)