Article (Observations du Gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 et du 21 décembre 1995 par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs)
II. - Sur le fond
Le recours aux ordonnances n'est subordonné par la Constitution qu'à une condition de forme : l'autorisation du Parlement.
Sur le fond, la Constitution permet aux auteurs de l'ordonnance, sous réserve de rester dans les limites de l'habilitation, de traiter de toutes les matières relevant de la loi ordinaire. En outre, la référence au « programme » du Gouvernement a été interprétée par la jurisprudence comme obligeant ce dernier à indiquer la finalité des mesures envisagées, ainsi que leur domaine d'intervention (no 86-207 DC des 25, 26 juin 1986).
Pour autant, cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme autorisant trois types de lectures erronées de l'article 38 de la Constitution :
- celle qui consisterait à rechercher dans chacune des dispositions de la loi d'habilitation les précisions dont le Conseil constitutionnel exige seulement qu'elles soient apportées par le Gouvernement au cours des débats parlementaires ;
- celle qui, confondant finalités et modalités, exigerait que les mesures que le Gouvernement se propose de prendre par ordonnances, autrement dit le contenu même de celles-ci, soient exposées en détail au Parlement lors du vote de la loi d'habilitation ;
- enfin, celle qui imposerait à la loi d'habilitation de comporter le rappel exprès de l'ensemble des principes du droit auxquels les ordonnances devront se conformer. Si l'article 38 organise un transfert - temporellement et matériellement limité - du pouvoir législatif au Gouvernement, il ne permet pas pour autant de soustraire l'exercice du pouvoir ainsi transféré au contrôle de constitutionnalité. Tant qu'elle n'est pas ratifiée, une ordonnance est un acte réglementaire dont le Conseil d'Etat, saisi au contentieux, apprécierait la légalité au regard tant des dispositions de la loi d'habilitation que de l'ensemble des règles de valeur constitutionnelle. Il ne peut donc être reproché à une loi d'habilitation de ne pas rappeler expressément ces principes.
C'est à la lumière de ce qui précède que doivent être examinés les griefs que les députés requérants adressent à la loi déférée.