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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 94-357 DC du 25 janvier 1995)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 94-357 DC du 25 janvier 1995)

Sur l'article 95:

En ce qui concerne la procédure:
Considérant que les saisissants font grief au Gouvernement d'avoir introduit le texte dont est issu l'article 95 de la loi déférée sous forme d'amendement et non dans un projet de loi, en méconnaissance de l'article 39 de la Constitution; qu'ils font valoir à cette fin que ces dispositions sont « substantielles » et qu'elles n'ont « rien d'impromptu »;
Considérant que le premier alinéa de l'article 44 énonce que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement »; que, dès lors, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution,
lesquelles n'imposent la consultation du Conseil d'Etat et la délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements, n'ont pas été méconnues du seul fait de l'introduction de la disposition en cause par voie d'amendement gouvernemental; que les dispositions de l'article 95 ne méconnaissent pas par leur portée les limites inhérentes au droit d'amendement;
En ce qui concerne le fond:
Considérant que cet article modifie le régime des associations intermédiaires fixé par l'article L. 128 du code du travail;
Considérant que le I de cet article dispose notamment que l'objet de ces associations consiste à embaucher des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion en énumérant certaines catégories d'entre elles; qu'il précise les conditions dans lesquelles leur est délivré un agrément par l'Etat; que son II prévoit que « lorsque l'activité de l'association intermédiaire est exercée dans le cadre de son objet statutaire », les dispositions répressives du code du travail prévues en matière de travail temporaire et de marchandage ne lui sont pas applicables, à l'exception de celles qui résultent du deuxième alinéa de l'article L. 125-3 de ce code; que son III fait obstacle à l'embauche par une association intermédiaire d'une personne pour effectuer des travaux particulièrement dangereux; que son IV précise que sont assimilées à du travail effectif les périodes passées en formation par les salariés mis à la disposition de tiers, notamment à l'initiative de telles associations;
Considérant que les requérants allèguent que, par l'extension à « toutes sortes de demandeurs d'emploi » des possibilités d'embauche ouvertes aux associations intermédiaires, le I de cet article méconnaît à un double titre le principe d'égalité entre les bénéficiaires potentiels, d'une part selon qu'ils seront ou non effectivement embauchés par de telles associations,
d'autre part selon qu'ils seront embauchés par ces dernières ou employés par des sociétés spécialisées dans le travail intérimaire; qu'en outre ils soutiennent qu'en l'absence d'application des dispositions répressives prévue par le II de cet article, l'exigence constitutionnelle de protection des travailleurs se trouverait privée de garanties légales notamment s'agissant du prêt illégal de main-d'oeuvre ou du marchandage ainsi que de l'intervention de l'inspection du travail; que l'exonération de responsabilité qui en résulterait méconnaît également au bénéfice des associations intermédiaires le principe d'égalité;
Considérant d'une part que les dispositions du I de l'article en cause se bornent à étendre le champ d'intervention des associations intermédiaires aux personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion et à mentionner explicitement que peuvent être embauchés par elles les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, les jeunes en difficulté et les personnes prises en charge au titre de l'aide sociale;
qu'eu égard aux difficultés et aux handicaps qui peuvent affecter l'insertion professionnelle des personnes concernées, le législateur a pu leur ouvrir la faculté d'être employées par les associations intermédiaires sans méconnaître le principe d'égalité;
Considérant d'autre part que si le II de cet article exonère sans portée rétroactive de l'application des dispositions répressives ci-dessus analysées l'activité des associations intermédiaires, il vise exclusivement le cas dans lequel cette activité est exercée en conformité avec l'objet statutaire de l'association auquel il appartient à l'autorité administrative de veiller sous le contrôle du juge; qu'un tel objet défini par le I de cet article,
exclut par nature les opérations à but lucratif impliquant le prêt de main-d'oeuvre ou le marchandage; qu'en outre aucune disposition de l'article en cause n'a pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'exercice des missions des inspecteurs du travail telles que celles-ci résultent du livre sixième du code du travail; que dès lors le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité entre les associations intermédiaires et les sociétés spécialisées dans le travail intérimaire, ainsi que le grief tenant à la mise en cause de garanties à valeur constitutionnelle résultant de principes fondamentaux du droit du travail ne sauraient qu'être écartés;