Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 mars 1997, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 97-389 DC)
VIII. - Sur l'article 17 de la loi déférée
Cet article étend le champ d'application du régime de la « rétention judiciaire » au cas de l'étranger qui est « dépourvu de documents de voyage permettant l'exécution d'une mesure d'éloignement ».
Jusqu'à présent, la « rétention judiciaire » - qui prive l'étranger de sa liberté pour une durée pouvant s'élever à trois mois - ne pouvait être appliquée qu'à des personnes s'étant volontairement soustraites à l'exécution d'une mesure d'éloignement en refusant de produire leurs pièces d'identité qu'elles avaient préalablement fait disparaître. Désormais, cette mesure grave (que l'exposé des motifs du projet de loi qualifiait sans fard de « substitut à la prison ») s'appliquerait à des étrangers qui n'ont commis d'autre irrégularité que celle de se trouver « sans papiers » sur le territoire français. Tel est par exemple le cas des femmes algériennes auxquelles la « doctrine » de l'OFPRA refuse l'asile au motif qu'il n'est pas certain que ce soit sur l'ordre de leur Gouvernement qu'on les égorge dans leur propre pays...
A l'évidence, l'infraction de séjour irrégulier, surtout en de pareils cas, est infiniment moins grave que le fait de faire volontairement disparaître ses papiers d'identité pour faire échec à une mesure d'éloignement. La « peine » instituée par la disposition critiquée est donc manifestement disproportionnée à la gravité de l'infraction... et de plus dépourvue de justifications sérieuses au regard de l'ordre public, qui n'est pas gravement troublé par le seul fait qu'un étranger se trouve « sans papiers ». Enfin, l'application du même traitement aux étrangers qui font volontairement disparaître leurs « papiers » et à ceux qui s'en trouvent dépourvus alors que leur voeu le plus cher serait d'avoir un titre de séjour est entachée de violation du principe constitutionnel d'égalité devant la loi.
Dès lors, l'article 17 de la loi déférée ne saurait échapper à la censure.