Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Décision no 95-370 DC du 30 décembre 1995)
En ce qui concerne l'usage de la procédure de la question préalable au Sénat :
Considérant que l'alinéa 3 de l'article 44 du règlement du Sénat, dans sa rédaction issue d'une résolution du 18 décembre 1991, dispose que la question préalable a pour objet « de faire décider soit que le Sénat s'oppose à l'ensemble du texte, soit qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération » et que son vote, qui intervient après un débat limité, organisé suivant les modalités précisées à l'alinéa 8 du même article, a pour effet, en cas d'adoption de la question préalable, « d'entraîner le rejet du texte auquel elle s'applique. » ;
Considérant que le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale, a,
après déclaration d'urgence par le Gouvernement, été considéré comme adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 12 décembre 1995 ; que le texte ainsi adopté a été transmis au Sénat où un nombre élevé d'amendements, soit plus de 2 800, ont été déposés ; que le lendemain du jour où la discussion générale s'est ouverte, à l'issue d'une réunion de la commission des affaires sociales, le président de ladite commission a déposé, au nom de celle-ci, une question préalable dans des conditions qui faisaient clairement apparaître que son vote était souhaité non pas pour marquer une opposition de fond au texte, mais pour mettre fin au débat ouvert au Sénat en vue d'accélérer la procédure d'adoption de ce texte par le Parlement ; qu'après le vote de cette question préalable le Gouvernement a provoqué la réunion d'une commission mixte paritaire, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution ; qu'en application du troisième alinéa de cet article, qui prévoit qu'aucun amendement n'est à ce stade recevable, sauf accord du Gouvernement, le texte proposé par la commission mixte paritaire a été adopté par l'Assemblée nationale, le 19 décembre 1995, puis, par le Sénat, le 20 décembre 1995 ;
Considérant que le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels supposent que soit pleinement respecté le droit d'amendement conféré aux parlementaires par l'article 44 de la Constitution, et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ;
Considérant que cette double exigence implique qu'il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits ;
Considérant que, dans les conditions où elle est intervenue, l'adoption de la question préalable n'entache pas d'inconstitutionnalité la loi déférée ;