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Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2000 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2000-437 DC)

Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2000 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2000-437 DC)

III. - Sur les articles 3, 4, 14, 16 (§ IV),

24, 44 et 45 (§ I à V) de la loi

Les signataires considèrent que les articles concernés sont étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Les articles 3 et 4 prévoient, le premier, une ristourne dégressive de la CRDS sur les revenus d'activité et, le second, une exonération des pensions de retraite et d'invalidité, ainsi que des allocations de chômage et de préretraite des personnes non imposables.

La CRDS est perçue au profit de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qui ne fait pas partie des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Ses recettes ne figurent donc pas en loi de financement de la sécurité sociale.

Dans sa décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997, le Conseil avait considéré qu'un nouveau transfert de dettes de l'ACOSS à la CADES pouvait figurer dans une loi de financement, en raison de l'allégement des frais financiers du régime général qu'il entraînait.

Dans le cas des articles 3 et 4, les mesures concernant les réductions et exonérations de la CRDS n'affectent en aucun cas directement ni même indirectement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base. En conséquence, ces articles n'ont pas à figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Au demeurant, lors de la discussion à l'Assemblée nationale de la deuxième partie de la loi de finances, le Gouvernement a donné un avis « tout à fait » favorable à l'adoption d'un amendement « de précaution » (devenu l'article 48 vicies) présenté par la commission des finances et tendant à inscrire en loi de finances un dispositif identique à l'article 4 du projet de loi de financement. Les auteurs de l'amendement ont considéré que « dans la mesure où la CRDS ne (faisait) pas partie du champ des lois de financement de la sécurité sociale », cette démarche se justifiait « afin d'éviter tout risque d'annulation pour des raisons de forme, par le Conseil constitutionnel » (JO, débats AN, 3e séance du 20 novembre 2000, p. 9041).

L'article 4 est donc contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Il ne peut qu'en être de même pour l'article 2 dans la mesure où il vise la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

L'article 14 couvre le bénéfice des allégements de cotisations sociales liés à la réduction du temps de travail aux salariés soumis à des horaires d'équivalence et à ceux soumis à des dispositions spécifiques en matière de durée maximale du travail.

Le Gouvernement n'a aucunement chiffré les conséquences sur l'équilibre financier de la sécurité sociale de l'adoption de cet article, qui tend à revenir sur la rédaction de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

En l'absence d'une telle évaluation, cet article doit être considéré comme étranger au domaine des lois de financement et, à ce titre, comme contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

L'article 16, paragraphe IV, prévoit l'affectation au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), dès 2000, de l'ensemble des droits sur les boissons initialement affectés au fonds de solidarité vieillesse, pour un montant estimé à 5,4 milliards de francs.

Cette disposition doit être examinée dans le cadre des différentes modifications apportées à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

En effet, suite à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la réduction négociée du temps de travail (décision no 99-423 DC du 13 janvier 2000), et à l'annulation de la taxation des heures supplémentaires, les recettes du FOREC figurant en loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 étaient amputées de 7 milliards de francs.

Cette amputation des recettes pour 2000 avait conduit la commission des affaires sociales du Sénat à souhaiter que soit déposé un projet de loi de financement rectificative (cf. notamment le rapport d'information no 356 1999-2000 sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale).

Ce souhait s'est trouvé renforcé du fait des modifications apportées en cours d'année par le Gouvernement à la loi de financement pour 2000 : dépenses liées à l'annonce, en mars 2000, d'une nouvelle étape de la politique hospitalière et accélération de la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la branche famille de la sécurité sociale « décidée » par la Commission des comptes de la sécurité sociale du 21 septembre 2000.

De fait, l'annexe f de la présente loi comportant les comptes du FOREC précise, sous la rubrique « Mesures appliquées à compter de l'exercice 2000 » : « compte tenu de la suppression de la contribution sur les heures supplémentaires, deux recettes nouvelles entrant en vigueur dès l'exercice 2000 sont prévues ».

L'apparition, dans la loi de financement pour 2001, de ressources nouvelles en 2000 pour le FOREC trouve en effet son équivalent dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 (art. 2), sous la forme d'une affectation supplémentaire de droit sur les tabacs à hauteur de 3 milliards de francs. Selon l'exposé des motifs de cet article 2 : « Cette affectation vise à apporter au fonds les ressources nécessaires à la réalisation de son équilibre pour 2000 compte tenu de l'estimation à ce jour du montant des dépenses. »

Selon l'article LO 111-3-I du code de la sécurité sociale, « Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale (...) prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes cités pour concourir à leur financement (...) ».

Selon le même article, dans son paragraphe II, « La loi de financement de l'année et les lois de financement rectificatives ont le caractère de lois de financement de la sécurité sociale.

Seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1o à 5o du I ».

Il pourrait certes résulter de la combinaison des premier et deuxième alinéas du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale qu'une loi de financement pour l'année n, aussi bien qu'une loi de financement rectificative pour l'année n-1, pourrait, au titre de l'année n-1, « modifier les dispositions prises en vertu des 1o et 5o du I » de cet article.

Il convient toutefois d'observer que la présente loi ne propose en aucune façon de modifier les articles de la loi de financement pour 2000 correspondant aux prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses, ni de déterminer, conformément à l'article 34 de la Constitution, les conditions générales d'un nouvel équilibre financier.

L'article 16, paragraphe IV, se contente de disposer que les droits sur les boissons sont affectés au FOREC, de préciser que cette affectation s'applique « aux sommes perçues à compter du 1er janvier 2000 » et de prévoir qu'un arrêté ministériel fixera « la date et le montant du reversement » de ces sommes par le Fonds de solidarité vieillesse.

Cet article, en modifiant de façon rétroactive l'affectation d'une recette entre deux fonds, ne modifie pas, au titre de 2000, les « dispositions prises en vertu des 1o à 5o du I » de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale même si le Gouvernement prétend pallier ainsi l'absence critiquable d'un collectif social pour 2000.

Dès lors que l'article 16, paragraphe IV, ne répond pas aux prescriptions du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, il convient de s'interroger, au regard du II dudit article LO 111-3, sur la place de cette disposition dans la loi de financement pour 2001.

Force est de constater qu'elle ne fait pas partie des dispositions qui affectent directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base en 2001. Or, le principe de l'annualité des lois de financement a été rappelé par le Conseil dans sa décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999 à l'occasion de l'examen de la garantie de ressources au profit de la branche famille.

Aussi, l'article 16, paragraphe IV, doit-il être considéré comme étranger au domaine de la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2001.

L'article 24 porte abrogation de la loi no 97-277 du 25 mars 1997, à l'exception de ses articles 19 et 32.

Une première tentative d'insertion de cette abrogation dans une loi de financement avait eu lieu en octobre 1998. le Gouvernement s'y était alors fermement opposé au motif que cette abrogation constituerait « sur le plan juridique un cavalier sans lien direct avec la loi de financement de la sécurité sociale » (JO, Débats AN, 2e séance du 28 octobre 1998, p. 7527).

Aussi avait-il pris l'engagement, dans le rapport annexé à l'article 1er de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, de proposer « au Parlement en 1999, dès qu'un support législatif le permettra, l'abrogation de cette loi ».

De fait, le projet de loi de modernisation sociale déposé le 24 mai 2000 comporte un article 11 qui va dans ce sens.

Tant devant l'Assemblée nationale que devant le Sénat, le Gouvernement n'a pas tenté de prétendre que l'article 19 A ne constituait pas un cavalier. Au nom d' « un engagement politique réel » (JO, Débats AN, 2e séance du 26 octobre 2000, p. 7591), le Gouvernement s'est, en revanche, rallié « avec beaucoup de plaisir » à l'amendement déposé (JO, Débats Sénat, séance du 15 novembre 2000, p. 6119).

Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales comme le rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale ont tenu l'un et l'autre, dans une certaine confusion, à affirmer que l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 aurait sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale, le premier en évoquant des « non-dépenses » partielles pour la protection sociale, le second des pertes de recettes.

S'il est fort douteux de prétendre que la loi du 25 mars 1997 aurait pu avoir des effets, au demeurant indirects, sur les équilibres financiers de la sécurité sociale, il est surprenant d'affirmer que l'abrogation de cette loi, qui est restée « virtuelle » faute volontaire de décret d'application, aurait des effets directs sur ces équilibres financiers. Aussi cet article est-il contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

L'article 44, issu d'un amendement du Gouvernement adopté lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, permet, si l'on en croit son objet, « d'encadrer la pratique (des) transmissions de prélèvements (pour analyse) qui doivent être effectuées dans des conditions garantissant la sécurité et la qualité des examens ».

Cet article, qui modifie l'article L. 6211-5 du code de la santé publique, est à l'évidence dépourvu d'effets financiers directs sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie et, comme tel, contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

L'article 45 (§ I à V) a pour objet d'inclure les appartements de coordination thérapeutique parmi les institutions régies par la loi no 75-535 du 30 juin 1975 et de transférer leur financement à l'assurance maladie.

Des dispositions similaires (voir notamment les articles 9 et 53) figurent dans le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale déposé le 26 juillet 2000 et actuellement en instance d'examen par le Parlement. L'apport de l'article 45 au regard du projet de loi précité tient principalement au transfert des dépenses correspondantes à l'assurance maladie prévu par son paragraphe III. Le Gouvernement a tenu à chiffrer ces dépenses à 29,41 millions de francs, soit 0,004 % de l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité, décès, mentionné à l'article 43 (cf. exposé des motifs de l'article 37 du projet de loi AN no 2606, p. 63), alors que de nombreux articles du projet de loi de financement ne comportent pas une telle précision, ni même l'ébauche d'un chiffrage financier approximatif.

Au regard de ce chiffrage, il est douteux que le paragraphe III de l'article 45 concoure de façon significative aux conditions générales de l'équilibre financier de l'assurance maladie.

Il est en revanche certain que ses paragraphes I, II et V sont étrangers au domaine des lois de financement.

En outre, le fait d'introduire dans les lois de financement une disposition étrangère au domaine de ces lois mais de l'assortir, pour tenter d'échapper à la censure du juge constitutionnel, d'un transfert de charges à l'assurance maladie constitue un détournement de procédure.

S'il n'était pas sanctionné, ce détournement contribuerait progressivement à vider de leurs sens les dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, tout en aggravant année après année les charges indues de l'assurance maladie.