Article (Circulaire du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière)
1.4.1. Cas général
Lorsqu'il apparaît qu'une famille, quoique en situation irrégulière, est de fait constituée de manière stable en France, vous pourrez apprécier l'opportunité de l'attribution d'un titre de séjour.
Vous tiendrez compte d'un « faisceau d'indices » pour envisager une régularisation lorsque l'ancienneté du séjour est d'au moins plusieurs années. Les critères suivants devront être pris en compte pour la même période :
- ressources issues d'une activité régulière ;
- existence d'un domicile ;
- respect des obligations fiscales ;
- scolarisation des enfants.
1.4.2. Les parents d'enfants de moins de seize ans nés en France
Le parent d'enfant(s) né(s) en France, s'il peut justifier d'une ancienneté de séjour de cinq ans, pourra se voir délivrer une carte de séjour temporaire. La réalité de ce délai de cinq ans s'appréciera au moment où l'étranger présente sa demande de titre de séjour dans vos services. La charge de la preuve incombe au demandeur dans les mêmes conditions que pour la délivrance de la carte de séjour temporaire aux étrangers qui résident en France depuis plus de quinze ans (art. 12 bis [3o] de l'ordonnance du 2 novembre 1945) ; pourront donc notamment être produits des avis d'imposition, des bulletins de salaire, des quittances EDF-GDF, des quittances de loyer.
Vous demanderez au(x) parent(s) de produire les mêmes documents que ceux demandés aux parents d'enfants français, à l'exception naturellement du certificat de nationalité française.
Il importe, comme pour les parents d'enfants français, de limiter le champ d'application de cette disposition aux enfants de moins de seize ans et de ne pas délivrer un titre de séjour à des parents qui ne subviendraient pas effectivement aux besoins de l'enfant ou bien qui pourraient constituer un risque pour l'ordre public. Je vous renvoie sur ce point aux commentaires de l'article 12 bis (5o) de l'ordonnance de 1945 tels qu'ils figurent dans la circulaire du 30 avril 1997.
1.5. Les enfants d'étrangers en situation régulière
entrés hors regroupement familial
Deux types de situation sont envisageables selon que l'enfant a plus ou moins de seize ans. Il convient également d'examiner le cas des enfants nés d'une première union.
1.5.1. Les mineurs étrangers de plus de seize ans
ou majeurs entrés en France hors regroupement familial
Un certain nombre de mineurs étrangers ont été amenés en France par leurs parents en dehors de la procédure du regroupement familial.
Seuls ceux d'entre eux qui sont entrés en France avant l'âge de dix ans bénéficient de plein droit de la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'âge de seize ans ou à leur majorité.
Des refus de séjour sont par conséquent opposés à des jeunes de plus de seize ans qui ont fait une grande partie de leur scolarité en France et qui, souvent, n'ont plus d'attache familiale ou culturelle avec leur pays d'origine.
Il convient de réexaminer la situation de ceux dont l'éloignement se heurterait à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les deux critères à prendre en considération, outre l'absence de trouble à l'ordre public, sont les suivants :
- le suivi d'une scolarité régulière en France. Celle-ci devra être attestée par la production de certificats de scolarité prouvant que l'intéressé a suivi, pendant cinq ans, une scolarité dans des établissements scolaires français ;
- la situation familiale du demandeur : vous vérifierez que les deux parents du demandeur vivent bien en France et sont en situation régulière ou susceptibles de bénéficier d'un titre de séjour en application des présentes instructions. Dès lors que l'un des deux parents séjourne toujours dans le pays d'origine du demandeur, il y aura lieu de délivrer un titre de séjour,
si ce dernier n'exerce plus effectivement l'autorité parentale.
De la même manière que pour les mineurs dont la situation répond aux conditions prévues par l'article 12 bis (1o et 2o), les demandes de carte de séjour temporaire doivent être déposées au plus tard dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire de la personne concernée. Toutefois, dans le cadre de la présente circulaire, vous pourrez apprécier de manière souple ce critère tiré de l'âge du demandeur, à l'occasion du réexamen d'une demande sur laquelle vous avez statué récemment.
1.5.2. Les enfants mineurs de moins de seize ans
entrés hors regroupement familial
Des étrangers en situation régulière en France font venir leurs enfants sans se conformer aux dispositions applicables en matière de regroupement familial. Après avoir vérifié le lien de filiation, vous examinerez avec bienveillance les demandes de regroupement familial sur place qui pourraient être déposées par des étrangers dans cette situation en faveur de leurs enfants de moins de seize ans. Celles-ci seront instruites conformément à la « procédure exceptionnelle d'admission au séjour » au titre du regroupement familial décrite au IV.C de la circulaire interministérielle du 7 novembre 1994 publiée au Journal officiel du 9 novembre 1994.
1.5.3. Les enfants nés d'une précédente union
Dans le cadre de la procédure du regroupement familial (art. 29, 30 et 30 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée), il est exigé, pour l'enfant né d'un mariage antérieur ou hors mariage dont la venue est demandée, que l'autre parent soit décédé ou déchu de l'autorité parentale.
Toutefois, une application systématique de cette règle pourrait conduire à des situations humainement difficiles. C'est pourquoi, lorsque le parent résidant en France ne peut produire le document attestant de la déchéance de l'autorité parentale de l'autre parent, alors que les autres conditions du regroupement sont satisfaites, vous lui demanderez de fournir copie du jugement du tribunal étranger compétent lui confiant la garde de l'enfant ainsi qu'une autorisation de l'autre parent pour laisser partir le mineur en France.
Ce dispositif particulier ne doit être utilisé que dans le cas des enfants de dix ans au plus, qui, de par leur âge, sont dans la situation la plus vulnérable et qui, d'autre part, pourront obtenir une carte de séjour à leur majorité en vertu de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Vous pourrez vous inspirer des mêmes principes pour les enfants de dix ans au plus dont l'un des parents est conjoint de Français. Pour ces enfants, la procédure du regroupement familial ne s'applique pas. Ceux-ci peuvent cependant entrer en France sous couvert d'un visa de long séjour délivré par les services consulaires français, sous réserve de présentation à ces services du jugement et de l'autorisation mentionnés au paragraphe précédent.
1.6. Etrangers sans charge de famille régularisables
A titre exceptionnel, vous pourrez envisager la délivrance d'une carte de séjour temporaire « visiteur » aux ascendants isolés et matériellement dépendants de leurs enfants résidant régulièrement en France, lorsque ces derniers attestent des ressources et d'un logement leur permettant de prendre en charge effectivement l'ascendant demandeur.
S'agissant des étrangers célibataires et sans charge de famille, vous pourrez avoir une appréciation souple du critère de résidence en France figurant à l'article 12 bis (3o) de l'ordonnance de 1945, dès lors que l'intéressé a été au moins pendant une période en situation régulière. Il en irait différemment si le titre délivré était une carte de séjour étudiant.
Ceux-ci, à l'issue de leurs études en France, ont en effet vocation à mettre leurs compétences au service de leur pays.
Outre l'ancienneté de séjour, qui devra être appréciée avec souplesse mais n'être qu'exceptionnellement inférieure à sept ans, d'autres éléments seront pris en compte pour apprécier l'insertion dans la société française, tels que :
- l'existence de ressources issues d'une activité régulière ;
- l'existence d'un domicile ;
- le respect des obligations fiscales.
1.7. Les étrangers malades
En application de l'article 25 (8o) de l'ordonnance du 2 novembre 1945, « l'étranger résidant habituellement en France atteint d'une pathologie grave nécessitant un traitement médical dont le départ pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement poursuivre un traitement approprié dans le pays de renvoi ».
Les étrangers qui remplissent les conditions prévues par la loi bénéficient généralement d'une autorisation provisoire de séjour de trois mois renouvelable ou sont assignés à résidence s'ils font l'objet d'une mesure d'éloignement. Désormais, si le rapport du médecin inspecteur départemental de la santé fait apparaître pour des étrangers dans une telle situation la nécessité d'un traitement de longue durée, vous délivrerez une carte de séjour temporaire, sauf en cas de menace pour l'ordre public.
Celle-ci portera la mention « salarié » si l'étranger le demande et si le médecin inspecteur départemental de la santé estime que l'état de santé de l'intéressé est compatible avec une activité professionnelle.
1.8. Etudiants en cours d'études supérieures
Saisi d'une demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiant ou d'un recours gracieux d'étudiant auquel le séjour a été refusé, vous rechercherez, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études (Conseil d'Etat, 31 juillet 1992, Gombe), avec des succès significatifs.
1.9. Personnes n'ayant pas le statut de réfugié politique qui pourraient courir des risques vitaux en cas de retour dans leur pays d'origine
La situation de ces personnes est examinée conformément aux paragraphes 1.1 à 1.8 de la présente circulaire.
A titre subsidiaire, s'agissant d'étrangers qui, bien que n'ayant pas le statut de réfugié politique, pourraient néanmoins courir des risques vitaux en cas de retour dans leur pays d'origine, notamment du fait d'autorités tierces par rapport au gouvernement légal, vous n'hésiterez pas, avant d'arrêter votre décision, à consulter la direction des libertés publiques et des affaires juridiques qui vous donnera, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, toutes instructions utiles.
En ce qui concerne les Algériens qui s'estimeraient menacés en cas de retour dans leur pays d'origine, les dossiers déposés auprès de vos services doivent continuer à être transmis à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques en vue d'être soumis à une commission interministérielle, préalablement à toute décision.
Dans l'immédiat, afin d'améliorer la situation des Algériens admis au bénéfice de l'asile territorial, je vous demande, sauf exception, de leur délivrer à l'issue d'un premier délai de six mois, couvert par une première autorisation provisoire de séjour, un certificat de résidence d'un an.
2. Instruction des demandes et nature du titre délivré
Les personnes de nationalité étrangère qui répondent à ces critères et souhaitent bénéficier d'un examen ou d'un réexamen de leur situation dans le cadre fixé par la circulaire devront en faire la demande écrite adressée par voie postale à la préfecture territorialement compétente ou, éventuellement, à la sous-préfecture, avant le 1er novembre 1997.
Vous convoquerez ensuite les intéressés en les invitant à déposer dans vos services, à l'appui de leur demande, l'ensemble des pièces justifiant la nécessité d'une admission exceptionnelle au séjour et correspondant aux critères évoqués pour chaque catégorie. Je vous rappelle que la charge de la preuve incombe en principe au demandeur. Vos services ont pour mission d'apprécier la valeur probante des documents présentés. Vous n'hésiterez pas, pour connaître la situation des familles et des personnes concernées, à prendre l'avis des services sociaux.
Vous porterez une particulière attention aux conditions matérielles et morales dans lesquelles vous accueillerez les demandeurs.
Les demandes de titres de séjour en qualité de conjoint ou de parent ne seront recevables que si le mariage ou la naissance de l'enfant est antérieure à la date de la présente circulaire. De la même manière, le regroupement familial sur place au profit des enfants mineurs (1.5.2) et l'admission au séjour d'étrangers sans charge de famille (1.6) ne peuvent intervenir qu'au profit d'étrangers entrés en France avant la date de la présente circulaire.
Les dispositions portant sur les conjoints de réfugiés statutaires (1.3),
les enfants nés d'une précédente union (1.5.3), les étrangers malades (1.7), les étudiants en cours d'études supérieures (1.8), les personnes n'ayant pas le statut de réfugié politique qui pourraient courir des risques vitaux en cas de retour dans leur pays d'origine (1.9) s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur des nouveaux textes législatifs.
Lorsque l'examen auquel vous aurez procédé vous conduira à décider de l'admission exceptionnelle au séjour, vous délivrerez, dans les conditions habituelles, un récépissé de demande de titre de séjour et abrogerez la mesure de reconduite qui aura été prise.
Dans tous les cas, les formalités concernant la visite médicale par l'OMI devront être effectuées conformément aux règles de droit commun.
Sauf observations contraires dans la présente circulaire, c'est une carte de séjour temporaire qui sera délivrée aux personnes admises au séjour (et un certificat de résidence pour Algérien d'un an dans le cas d'un étranger de cette nationalité).
Vous référant aux instructions qui vous avaient été données pour l'application de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, vous délivrerez une carte « visiteur » aux étrangers qui ne peuvent se voir délivrer une carte de séjour à un autre titre, sans que la condition de ressource leur soit opposable.
Dès lors qu'ils manifesteront l'intention d'occuper un emploi, une carte de séjour en qualité de salarié pourra leur être délivrée.
Lorsque la délivrance d'un titre de séjour ne vous semblera pas possible, au vu du dossier de l'intéressé, vous prendrez une décision motivée de refus de séjour suivie d'une invitation à quitter le territoire.
A l'issue de la période de validité de la carte de séjour temporaire, vous délivrerez une carte de résident aux conjoints de Français et aux conjoints de réfugiés si les conditions prévues par l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sont remplies.
Les autres catégories d'étrangers mentionnés dans la première partie de cette circulaire ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 15. Vous renouvellerez la carte de séjour temporaire si les conditions initiales de délivrance sont toujours respectées. En application de l'article 14,
l'étranger bénéficiera d'une carte de résident, à l'issue de trois années de résidence ininterrompue en France sous le régime de la carte de séjour temporaire.
La circonstance que l'étranger demandeur ait été précédemment l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ne fait pas obstacle à l'instruction de sa demande. En cas d'interpellation, la demande est instruite en urgence pendant la durée de la rétention administrative.
Pour les personnes visées par la présente circulaire et ayant fait l'objet d'une mesure judiciaire d'interdiction du territoire, la délivrance d'un titre de séjour suppose que celles-ci aient préalablement sollicité et obtenu de la juridiction compétente le relèvement de cette interdiction.
Je mesure l'importance du travail supplémentaire que va entraîner la mise en oeuvre de ces instructions. C'est pourquoi vous bénéficierez de moyens temporaires dans les conditions qui vous seront précisées dans les prochains jours. Le préaccueil actuellement organisé par des agents de l'OMI dans certaines préfectures sera développé.
Les services sociaux concernés seront informés par vos soins afin qu'un suivi adéquat des personnes et familles concernées par l'accès au séjour soit effectué dans de bonnes conditions.
Je vous rappelle que M. Jean-Michel Galabert, président de section au Conseil d'Etat, a été chargé d'une mission de coordination et de proposition, dans le cadre de la mise en oeuvre de la présente circulaire. Sa mission consiste à en suivre, avec les ministres concernés, la mise en oeuvre, à leur faire part des difficultés rencontrées et des observations, qu'il estime justifiées, des associations et groupements intéressés, et à me proposer toute initiative de nature à résoudre ces difficultés.
Je vous invite à me saisir sous le timbre de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques des difficultés que vous pourriez rencontrer dans l'application de la présente circulaire, que je transmettrai à M. Galabert, qui est habilité à me faire toute proposition en la matière.
Je vous demande de veiller personnellement à la mise en oeuvre rapide de la présente circulaire et de rendre compte du nombre de titres de séjour délivrés en remplissant le tableau joint en annexe tous les mois et en l'adressant à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Celle-ci est à votre disposition et à celle de vos collaborateurs pour répondre à toutes vos questions.
Vous soulignerez auprès des services concernés l'importance que le Gouvernement attache à cette opération qu'il leur appartient de conduire avec rigueur et efficacité.