Article (Circulaire du 29 janvier 1993 relative à la modification des procédures de licenciement pour motif économique)
Paris, le 29 janvier 1993.
Le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle à Messieurs les préfets de région (direction régionale du travail et de l’emploi) (pour information), Mesdames et Messieurs les préfets de département (pour information), Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (pour exécution).
La loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social a modifié les articles L. 321-4-1 et L. 321-7 du code du travail qui concernent les entreprises employant au moins cinquante salariés qui procèdent, dans une même période de trente jours, à au moins dix licenciements pour motif économique.
La loi nouvelle définit pour la première fois le contenu du plan social, alors que l’article L. 321-4-1 se limitait jusqu’ici à définir les objectifs de ce plan.
Ainsi, un plan social ne peut être désormais considéré comme tel s’il ne contient pas des mesures visant au reclassement de salariés. L’absence de ce plan social est constatée par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (D.D.T.E.F.P.), qui en informe le chef d’entreprise et les représentants du personnel. Celui-ci est alors astreint, sous peine de nullité de la procédure de licenciement, à rendre son plan social conforme aux nouvelles dispositions de l’article L. 321-4-1.
Ces dispositions s’inscrivent en continuité avec les diverses initiatives prises depuis l’été 1991 et qui ont conduit successivement :
- à une note d’orientation sur les licenciements économiques et leur accompagnement (22 octobre 1991) ;
- à la circulaire portant sur le suivi des plans sociaux et des engagements pris par les entreprises à l’occasion de la négociation des conventions d’A.S.F.N.E. (6 juin 1992) ;
- à l’extension et à l’augmentation de la contribution exceptionnelle « Delalande » versée par les entreprises au régime d’assurance chômage en cas de rupture du contrat de travail des salariés âgés de plus de cinquante ans (loi et décret du 29 juillet 1992, accord des partenaires sociaux du 18 juillet 1992).
Ces différentes mesures ont pour objectif commun de rappeler aux entreprises leur responsabilité vis-à-vis de leurs salariés lorsqu’elles sont conduites à envisager des licenciements pour motif économique et la nécessité de prendre en charge cette responsabilité sans s’en décharger systématiquement sur la collectivité. Elles ont d’ores et déjà permis une amélioration significative de la qualité des plans sociaux dans la majorité des grandes entreprises, ainsi qu’une réduction des licenciements de salariés âgés. Mais des progrès importants restent à accomplir par bien des entreprises. Les nouvelles dispositions légales, que cette circulaire a pour objet de préciser, sont de nature à y contribuer.
1. Champ d’application
L’article L. 321-4-1 impose aux entreprises employant au moins cinquante salariés et procédant au licenciement d’au moins dix personnes au cours d’une même période de trente jours, d’élaborer un plan social.
L’absence de représentation du personnel dans ces entreprises n’a pas pour effet de les soustraire à l’obligation nouvelle qui s’applique également aux entreprises qui procèdent à des licenciements pour motif économique successifs dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article L. 321-2.
L’article L. 321-7 relatif au contrôle de l’administration couvre le même champ, à l’exception des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
Enfin, les nouvelles dispositions sont applicables aux procédures de licenciement pour lesquelles la première réunion des représentants du personnel s’est tenue après l’entrée en vigueur de la loi, soit à partir du 31 janvier 1993.
2. Contenu du plan social
Le nouvel alinéa 3 de l’article L. 321-4-1 du code du travail précise le contenu du plan social que l’entreprise doit élaborer. Dans l’esprit des discussions qui ont conduit les partenaires sociaux à donner un contenu au plan social par l’article 12 de l’accord interprofessionnel sur l’emploi du 10 février 1969, modifié par l’accord du 20 octobre 1986, ce plan doit désormais obligatoirement prévoir, au-delà des conventions de conversion, des mesures visant au reclas- serrent de salariés. Ne peuvent, en tout état de cause, être considérées comme telles des mesures qui n’ont pas un objet de reclassement professionnel comme, notamment, les formules de préretraites ou les aides financières aux départs volontaires ou anticipés.
Sans qu’il s’agisse d’une liste exhaustive, ce nouvel alinéa de l’article L. 321-4-1 présente quatre types de mesures se rattachant de façon directe ou indirecte à un objectif de reclassement professionnel :
a) Les actions de reclassement, interne ou externe à l’entreprise, proprement dites.
L’obligation pour l’employeur de rechercher toute possibilité de reclassement dans l’entreprise avant de procéder au licenciement pour motif économique a été posée dans une série d’arrêts récents de la chambre sociale de la Cour de cassation (AMU c./Dutot, ter avril 1992 ; Jardin c/Fatexlor, 8 avril 1992), confirmés depuis lors. L’employeur est donc déjà tenu, pour tout licenciement pour motif économique et quel que soient le nombre de salariés concernés et la taille de l’entreprise, de rechercher tout poste de travail susceptible d’être proposé au salarié compte tenu de ses capacités. Cette recherche doit d’abord s’effectuer dans l’entreprise puis, le cas échéant, dans le périmètre du groupe auquel elle appartient.
Les actions de reclassement externe recouvrent l’ensemble des aides mobilisées directement ou indirectement au profit des salariés pour faciliter leur embauche par un autre employeur, lorsqu’il n’a pas été possible de leur proposer un reclassement interne.
Il s’agit notamment des engagements de proposer à chaque salarié une ou plusieurs offres valables d’emploi, des antennes emploi, de dispositifs d’allocations différentielles en cas de perte ultérieure de salaire, d’aides à la mobilité professionnelle ou géographique, etc.
b) Les créations d’activités nouvelles.
Il s’agit soit du développement d’activités nouvelles dans l’entreprise ou, le cas échéant, dans le groupe, susceptibles de créer des emplois et de permettre le reclassement des salariés concernés, soit de soutiens, financiers ou non, à la création d’entreprise (primes à la création d’entreprise, accord d’essaimage¦).
c) Des actions de formation ou de conversion.
Ce sont des actions destinées à favoriser le reclassement interne ou externe des salariés concernés par une meilleure adaptation aux besoins du marché du travail.
d) Des mesures de réduction ou d’aménagement de la durée du travail.
Ces mesures doivent permettre le reclassement - au moins pour partie - de salariés concernés par le projet de licenciement. Des mesures de réduction de la durée du travail, de travail à temps partiel, de préretraite progressive ou de toute autre forme d’aménagement du temps de travail ayant des incidences sur l’emploi dans l’entreprise pourront être mises en oeuvre dans ce cadre.
3. Intervention de l’autorité administrative
L’objectif de la réforme est de permettre à l’autorité administrative d’intervenir le plus tôt possible dans la procédure de licenciement pour motif économique afin de réorienter dans le sens indiqué par l’article L. 321.4-1 du code du travail, tel qu’il est désormais rédigé, les plans sociaux qui ne répondent pas à cette exigence minimale. L’intervention de l’administration se situe donc en amont de la procédure de proposition prévue, depuis la loi du 2 août 1989, à l’article L. 321-7 et doit permettre de redresser une situation mal engagée par l’employeur.
Le nouvel alinéa 3 de l’article L. 321-7 a confié au directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, qui pourra déléguer sa signature à l’inspecteur du travail dès la parution du décret le prévoyant, le soin de procéder à un contrôle de conformité du plan social qui lui est transmis au plan social tel qu’il est défini par le nouvel article L. 321-4.1.
Le D.D.T.E.F.P. doit s’assurer que les mesures de reclassement proposées par l’employeur sont clairement adaptées à l’objectif qui est censé les inspirer et que le plan proposé leur confère une consistance réelle qui fonde leur crédibilité.
Ainsi, par exemple, le montant des aides accordées en faveur d’un reclassement (aide à l’embauche, à la création d’entreprise,¦) doit être tel qu’il puisse effectivement contribuer à atteindre l’objectif visé. De même, une antenne emploi pour laquelle les moyens nécessaires à son bon fonctionnement ne sont pas précisés ne sera pas prise en considération.
3.1. Portée de cette intervention
Le contrat de carence dressé par le D.D.T.E.F.P, (qui sera établi selon le modèle joint en annexe) doit conduire l’employeur à recommencer la procédure à ses débuts.
Cependant, le silence de l’administration n’a pas pour effet de valider le projet de plan social ou de rendre insusceptible d’annulation par le juge la procédure de licenciement pour motif économique.
3.2. Nature de cette intervention
Compte tenu de ses effets, le constat de carence dressé par le D.D.T.E.F.P. constitue une décision administrative. Cette décision doit être motivée. Elle est susceptible de recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative et de recours gracieux et hiérarchique.
Ces recours administratifs seront traités avec toute la diligence nécessaire.
3.3. Procédure d’intervention de l’administration
En vertu de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 321-4 du code du travail, le D.D.T.E.F.P. reçoit l’ensemble des informations que l’employeur est tenu d’adresser aux représentants du personnel avec la convocation à la première réunion du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Cette information simultanée contient le projet de plan social que l’employeur présentera au cours de cette première réunion. Le contrôle prescrit par le nouvel alinéa 3 de l’article L. 321-7 doit donc être mis en oeuvre dès réception de ces documents, et au plus tard dans les huit jours qui suivent la notification à l’administration effectuée au plus tôt le lendemain de la première réunion des représentants du personnel.
Néanmoins, l’envoi du courrier portant constat de carence à l’employeur ne pourra être effectué qu’après que ce dernier aura lui même procédé à la notification de son projet de licenciement à l’administration, accompagné des renseignements énoncés à l’article R. 321-4. La première réunion tenue avec les représentants du personnel peut en effet permettre à l’employeur de rectifier de lui-même ou sous l’influence de ces représentants son projet de plan social dans le sens d’une mise en conformité avec l’article L. 321-4.1 et de rendre dès lors sans objet l’intervention de l’administration à ce stade.
Les règles de computation du délai de huit jours sont identiques à celles posées à l’article R. 321-5 du code du travail : le délai court à compter de la date d’envoi de la notification du projet de licenciement et expire à la date de réception du courrier par l’employeur. La notification du constat de carence est faite par lettre recommandée ou par remise en main propre dans les conditions fixées par le dernier alinéa de ce même article. Une copie en est simultanément transmise au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et peut être consultée à la direction départementale du travail de l’emploi et de la formation professionnelle par toute personne concernée.
L’organisation du suivi des plans sociaux dans chaque direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle doit être adaptée pour tenir compte de cette nouvelle possibilité d’intervention. Une articulation étroite entre les services en charge de la négociation des conventions du F.N.E. et ceux assurant ce contrôle est indispensable.
4. Effets de la nullité de la procédure de licenciement
La sanction du non-respect de l’obligation de plan social tel que défini au nouvel alinéa de l’article L. 321-4-1 est la nullité de la procédure de licenciement.
Cette nullité peut être prononcée par le tribunal de grande instance, statuant le plus souvent en formation de référé, ou par le conseil des prud’hommes à l’occasion d’un recours individuel d’un salarié qui conteste son licenciement pour motif économique.
Le tribunal de grande instance peut être directement saisi par les syndicats ou par le comité d’entreprise. Cette saisine reste possible même en l’absence d’intervention du D.D.T.E.F.P. telle qu’elle est prévue par le nouvel alinéa de l’article L. 321-7.
L’application de ces nouvelles dispositions s’inscrit dans un mouvement engagé depuis de nombreux mois visant à inciter les entreprises à une meilleure prévention des licenciements pour motif économique et, lorsqu’ils sont inévitables, à leur accompagnement réel. Elle concernera particulièrement les entreprises qui se refusaient jusqu’à présent à élaborer de véritables plans sociaux et permettra de renforcer l’efficacité de l’action conduite par les services déconcentrés en ce domaine.
MARTINE AUBRY
ANNEXE CONSTAT DE CARENCE
Le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de ,
Vu les articles L. 321-4, L. 321.41 et L. 321-7 du code du travail ;
Vu la notification du projet de licenciement pour motif économique de l’entreprise X effectuée le et notamment le plan social qui l’accompagne ;
Considérant que :
Concidérant que, dans ces conditions, ce plan ne peut être regardé comme comportant des mesures visant au reclassement des salariés au sens de l’article L. 321-4-1,
Décide :
Art. 1er. - Il est constaté la carence du plan social de l’entreprise¦
Art. 2. - Copie de cette décision est communiquée au secrétaire du comité d’entreprise (ou, à défaut, aux délégués du personnel).
Fait à le
Le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle,
Par délégation :
L’inspecteur du travail,
Cette décision peut faire l’objet dans les deux mois à compter de sa notification :
- d’un recours hiérarchique devant le ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (délégation à l’emploi), 55, avenue Bosquet, 75007 Paris ;
- d’un recours contentieux devant le tribunal administratif de
Ces recours ne sont pas suspensifs.
Nota. - Il est rappelé qu’en vertu de l’article L. 321-4-1 du code du travail, la carence du plan social emporte nullité de la procédure de licenciement pour motif économique menée jusque-là. La procédure de licenciement doit donc être reprise à son origine. Si tel n’est pas le cas, le tribunal de grande instance, saisi par le comité d’entreprise ou les syndicats, qu’ils soient ou non présents dans l’entreprise, pourra décider l’annulation de la procédure de licenciement pour motif économique et ordonner, sous astreinte financière, qu’elle soit entièrement reprise.