Articles

Article (Décision n° 2007-0744 du 11 septembre 2007 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes modifiant la décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2007-0744 du 11 septembre 2007 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes modifiant la décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



Préambule


Les articles L. 37-1 à L. 37-3 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) disposent qu'il incombe à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) d'analyser les marchés énumérés par la Commission européenne comme marchés pertinents pour une régulation sectorielle ex ante, de déterminer les entreprises disposant éventuellement d'une influence significative sur ces marchés et de définir les obligations proportionnées aux problèmes concurrentiels identifiés.
Conformément à ces dispositions, l'Arcep a adopté le 27 septembre 2005 la décision n° 2005-0571 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.
Dans cette analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Arcep a notamment identifié dix marchés du transit inter territoires pertinents pour une régulation sectorielle ex ante et sur chacun desquels l'influence significative de France Télécom a été mise en évidence. A ce titre, et conformément à l'article L. 38 du CPCE, l'Autorité a imposé à France Télécom plusieurs obligations spécifiques portant sur ces marchés.
Au vu de la situation concurrentielle en vigueur lors de son analyse, l'Autorité a estimé proportionnée l'application de ces obligations pour le développement d'une concurrence effective, loyale et durable sur les marchés en question. Cependant, compte tenu de l'évolution du fonctionnement de ces marchés de gros, l'Autorité réexamine aujourd'hui les remèdes imposés à France Télécom.
La décision n° 2005-0571 d'analyse des marchés de la téléphonie fixe porte jusqu'au 1er septembre 2008. Néanmoins, l'article D. 303 du CPCE prévoit la possibilité pour l'Autorité de modifier les obligations imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques avant le terme de son analyse, sans avoir à effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents. Partant, la présente décision porte sur le réexamen des obligations imposées à France Télécom sur les marchés de gros du transit inter territoires définis à l'article 10 de la décision n° 2005-0571.
Afin de recueillir la vision des différents acteurs sur le contexte concurrentiel en vigueur sur les marchés concernés par la présente décision, l'Autorité a lancé une première consultation publique du 10 mai 2007 au 11 juin 2007.
Le projet de décision a été notifié à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de la Communauté européenne le 20 juin 2007, pendant qu'une seconde consultation publique était menée en parallèle à compter du 20 juin 2007.
L'Autorité rappelle tout d'abord le cadre dans lequel s'inscrit la présente décision (I). Elle décrit ensuite le contexte concurrentiel et du fonctionnement des marchés du transit inter territoires (II). Elle analyse enfin les obligations actuellement imposées sur ces marchés puis présente la modification de ces remèdes (III).


I. - Le cadre réglementaire en place


Les marchés du transit inter territoires ainsi que les remèdes qui y sont appliqués ont été définis dans la décision n° 2005-0571 d'analyse des marchés de la téléphonie fixe (I-1). Le cadre prévoit la possibilité pour l'Autorité de réexaminer ces obligations au vu de l'évolution de la situation sur les différents marchés (I-2). Bien que la présente décision concerne uniquement la modification des remèdes en vigueur sur les marchés du transit inter territoires, l'analyse de ces prestations doit être menée à la lumière de la situation existant sur les marchés de services de capacité (I-3).
Dans la suite du document, sauf mention contraire, l'expression « transit inter territoires » sera employée pour les prestations de « transit commuté inter territoires ».


I-1. Le cadre réglementaire portant sur les marchés
du transit inter territoires
I-1.1. Définition des marchés pertinents
de transit inter territoires


Dans sa décision n° 2005-0571 en date du 27 septembre 2005 d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité définit les prestations de transit « (...) par exclusion des prestations de départ et de terminaison d'appel. Il [le transit] correspond ainsi à toute prestation d'acheminement fournie au départ ou à destination d'un commutateur ou routeur local d'un ou de plusieurs opérateurs de boucle locale fixes et fournissant eux-mêmes des prestations de départ et de terminaison d'appel en position déterminée. Ce marché inclut donc :
- les prestations de transit permettant l'acheminement d'appels entre deux réseaux distincts ;
- les prestations de transit fournies de façon groupée avec des prestations de terminaison d'appel et de départ d'appel, et qui permettent de fournir des prestations de « collecte » ou de « termin aison » de bout en bout telles que les prestations actuelles de France Télécom dites de simple transit et de double transit (1) ».
L'analyse de l'Autorité portant sur sept territoires géographiquement distincts (la métropole, chacun des départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon), l'Autorité a défini les dix marchés pertinents de transit inter territoires suivants :
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Martinique ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guadeloupe ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guyane ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Réunion ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la métropole et Mayotte ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la métropole et le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Martinique ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Guyane ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la Martinique et la Guyane ;
- le marché des prestations de transit inter territoires entre la Réunion et Mayotte.
L'Autorité estime qu'aucune des évolutions de ces marchés ne justifie de réexaminer leur définition actuelle.


I-1.2. Influence significative
et obligations imposées à France Télécom


Sur chacun de ces dix marchés de gros, France Télécom est réputée exercer une influence significative. L'Autorité estime que les éléments qui l'ont amenée à cette désignation n'ont pas substantiellement évolué. En particulier, France Télécom continue de détenir un contrôle significatif des infrastructures sous-marines qui sous-tendent les prestations de transit inter territoires et continue de bénéficier d'effets d'échelle et de gamme sans commune mesure avec aucun de ses concurrents, compte tenu de ses positions dominantes sur les marchés de détail de la téléphonie fixe, du haut débit et des services de capacité.
Au titre de cette influence significative, et conformément à l'article L. 38 du CPCE, l'Autorité a imposé à France Télécom les obligations suivantes (2) sur les dix marchés pertinents de gros rappelés supra :
- une obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
- une obligation de fournir ses prestations à des tarifs reflétant les coûts ;
- une obligation de transparence ;
- une obligation de fournir ses prestations dans des conditions non discriminatoires.
L'Autorité a estimé proportionné d'imposer à France Télécom l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant ses coûts car « l'analyse de la puissance de marché sur l'ensemble des marchés de transit inter territoires a permis de montrer que France Télécom contrôle les infrastructures sous-marines permettant de faire la jonction entre les différents territoires géographiques français. [...] France Télécom, en position quasi monopolistique sur ces marchés, pourrait fixer les tarifs de ces prestations indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs. L'Autorité note que l'absence d'obligation de reflet des coûts permettrait à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à son monopole ou à son contrôle quasi exclusif d'infrastructures sous-marines. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés » (3).
France Télécom est également obligée de publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion et d'accès et d'y faire figurer les informations relatives aux prestations de transit inter territoires. Les modalités de modification des conditions inscrites à cette offre de référence imposent à France Télécom de respecter un délai de préavis raisonnable, qui ne saurait être inférieur à un mois. En cas d'évolution tarifaire, ce préavis est de trois mois minimum. Ainsi, pour appliquer une évolution à ses tarifs de transit inter territoires, France Télécom est tenue de respecter un préavis de trois mois.


I-2. Le cadre juridique du réexamen


Les analyses des marchés de la téléphonie fixe, et notamment des marchés du transit inter territoires, portent jusqu'au 1er septembre 2008.
Néanmoins, conformément au CPCE, l'Autorité a la possibilité de modifier les obligations imposées à un opérateur déclaré puissant sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.
L'article D. 303 du CPCE prévoit ainsi que les obligations imposées dans une décision d'analyse des marchés à une entreprise exerçant une influence significative « sont réexaminées dans les conditions prévues à l'article D. 301. Ce réexamen peut être effectué conjointement à celui des marchés pertinents correspondants et à celui de la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés. Toutefois, l'Autorité peut modifier, dans les conditions prévues par le présent code, les obligations imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques sans effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents ».
L'Autorité, comme elle l'a précisé dans sa décision n° 2005-0571 d'analyse de marchés, a donc la possibilité de réexaminer certaines obligations imposées à France Télécom sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent. Par ailleurs l'Autorité estime que l'évolution du marché ne justifie pas de réexamen anticipé ni de la définition des marchés ni de l'influence significative de France Télécom.


I-3. Le cadre réglementaire des marchés
de services de capacité


La présente décision ne porte pas sur la régulation appliquée sur les marchés des services de capacité. Toutefois, certains services de capacité permettant de répliquer des prestations de transit commuté ici analysées, l'examen du contexte concurrentiel propre aux marchés du transit nécessite un rappel préalable des conditions réglementaires s'appliquant aux marchés des services de capacité.
Les services de capacité ont fait l'objet de la décision d'analyse de marchés n° 2006-0592 en date du 26 septembre 2006. Dans cette décision, l'Autorité donne une définition des marchés pertinents des services de capacité, désigne le ou les opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et décrit les obligations imposées à ce titre.
Les marchés pertinents définis dans cette décision pour les prestations inter territoires sont les marchés de gros des prestations de circuit interurbain interterritorial entre la métropole et la Martinique, la métropole et la Guadeloupe, la métropole et la Guyane, la métropole et la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique et la Martinique et la Guyane.
Sur chacun de ces marchés, France Télécom est soumise à une obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, une obligation de transparence, une obligation de non-discrimination et une interdiction de pratiquer des tarifs d'éviction. En outre, une obligation spécifique de reflet des coûts est imposée à France Télécom sur le marché de gros du circuit interurbain métropole - Réunion ainsi que, pour l'ensemble des autres transits cités précédemment, pour toutes les prestations de colocalisation, de raccordement distant et de complément terrestre.
La suite de la décision présente le contexte concurrentiel et le fonctionnement des marchés du transit inter territoires, puis la pertinence d'un allégement des obligations imposées à France Télécom sur ces marchés.