V. - Encadrement tarifaire des tarifs de terminaison d'appel vocal « directe » pour l'année 2007
de la société Orange France, de la Société française du radiotéléphone et de la société Bouygues Telecom
Un objectif visé par la baisse en 2007
cohérent avec celui visé par les baisses des années passées
L'Autorité estime nécessaire que les prix des charges des prestations de terminaison d'appel convergent à terme vers les niveaux de coûts de référence (définis notamment dans les décisions n° 2004-937, n° 2004-938 et n° 2004-939). Afin de permettre la réalisation de cet objectif à terme, l'Autorité impose, conformément à l'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques, un encadrement tarifaire sur 2007 cohérent avec l'encadrement pluriannuel qui avait déjà été fixé pour le début de la période de validité de l'analyse des marchés en cause, à savoir sur 2005-2006.
L'Autorité dispose d'un certain nombre d'informations sur les niveaux des coûts des opérateurs mobiles (cf. annexe A, annexe B, annexe C et annexe D) et a exposé dans la présente décision des éléments de comparaison européenne.
Vu l'ensemble des éléments précités, les tarifs actuels des prestations de terminaison d'appel mobile de chacun des trois opérateurs, les écarts qui existent encore aujourd'hui pour chacun des opérateurs entre le prix actuel de cette prestation et les coûts de référence sous-jacents, compte tenu des objectifs d'efficacité économique, de promotion d'une concurrence effective et loyale entre les opérateurs, ainsi que d'optimisation des avantages pour le consommateur qu'elle vise à concilier, l'Autorité estime raisonnable de poursuivre, dans la continuité de l'ancien dispositif de price cap mis en place pour la période 2005 à 2006, un processus de baisse qui en suivrait les mêmes modalités. Celui-ci se traduit, pour 2007, par la définition de plafonds de prix annuels pour chacun des trois opérateurs que l'Autorité considère justifié et proportionné d'imposer.
Encadrement tarifaire proposé
L'Autorité impose d'une part un prix moyen de la terminaison d'appel « intra-ZA » au plus égal à 7,5 cEUR/min sur l'année 2007 pour Orange France et SFR, et au plus égal à 9,24 cEUR/min sur l'année 2007 pour Bouygues Telecom, et d'autre part un tarif de BPN participant au prix de l'acheminement du trafic de terminaison suivant une même baisse relative pour chacun des opérateurs concernés.
Ces évolutions correspondent à une baisse relative du prix moyen de terminaison d'appel (6) d'environ 21 % pour Orange France et SFR, et d'environ 18 % pour Bouygues Telecom. Elles s'inscrivent dans la continuité de celles imposées entre 2004 et 2005 de 16 % (pour Orange France et SFR) ou de 17 % (pour Bouygues Telecom), et entre 2005 et 2006 d'environ 24 %.
L'Autorité considère en premier lieu que les structures de coûts des trois opérateurs sont compatibles avec l'imposition d'une TA voix de l'ordre de 7,5 cEUR/min pour Orange France et SFR, et de 9,24 cEUR/min pour Bouygues Telecom.
Compte tenu des éléments de comparaison européenne, l'Autorité considère en deuxième lieu que la fixation des niveaux de terminaison d'appel mobile pour 2007 à 7,5 cEUR/min pour Orange France et SFR, et à 9,24 cEUR/min pour Bouygues Telecom ne modifiera pas de manière significative la position de la France et qu'elle s'inscrit de manière cohérente dans la tendance européenne de baisse des niveaux des tarifs de terminaison d'appel mobile en Europe, d'autant que le rythme de cette baisse devrait s'accélerer dans le futur, notamment du fait de l'action de la Commission européenne.
L'Autorité estime en dernier lieu que les tarifs de terminaison d'appel vocale directe fixés pour l'année 2007 sont compatibles avec la fermeture de l'espace économique des hérissons en cause, puisqu'ils sont inférieurs au prix de vente de 8 cEUR/min. L'Autorité considère que l'objectif de fermeture de l'espace économique des hérissons est cohérent avec l'ensemble des missions qui lui sont assignées, notamment celles de veiller :
- à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques (cf. art. L. 32-1 [II, 2°]) ;
- au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures (cf. art. L. 32-1 [II, 3°]) ;
- à la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence (cf. art. L. 32-1 [II, 4°]) ;
- au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique (cf. art. L. 32-1 [II, 6°]) ;
- à l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation (cf. art. L. 32-1 [II, 11°]).
De surcroît, les tarifs de terminaison d'appel vocale directe fixés pour l'année 2007 ne devraient pas induire pour les opérateurs fixes une hausse significative des prix relatifs à l'acheminement de leur trafic fixe vers mobile ni pour la majorité des utilisateurs finaux une hausse sensible de leurs prix de détail des appels fixe vers mobile.
Différenciation tarifaire et voie vers un price cap symétrique
La décision de l'Autorité consiste à maintenir pour Bouygues Telecom l'écart de terminaison d'appel qui existe aujourd'hui avec Orange France et SFR.
L'Autorité estime que cet écart tarifaire est justifié par les différences de coûts, qui sont supérieurs (cf. annexe D). L'Autorité rappelle que Bouygues Telecom est entré plus tardivement que ses concurrents sur le marché et, compte tenu de sa part de marché plus faible, qu'il bénéficie d'effets d'échelle moindres qui sont reflétés par les différences de coûts observées.
De surcroît, l'Autorité rappelle que le caractère élevé de la TA voix par rapport aux coûts accroît artificiellement les coûts supportés par les plus petits opérateurs au niveau du détail, en l'occurrence Bouygues Telecom sur le marché métropolitain.
En effet, comme l'Autorité l'a expliqué dans son analyse de marché relative à la TA SMS, la TA voix d'un opérateur mobile A constitue un coût variable pour l'opérateur mobile B souhaitant acheminer un appel à destination d'une ligne de l'opérateur A (appel dit off net). A contrario, lorsque l'opérateur B achemine un appel on net, il supporte uniquement des coûts propres, notamment ses coûts de réseau pour la prestation de terminaison de l'appel. Lorsque la TA est significativement plus élevée que les coûts correspondants, les opérateurs mobiles supportent donc des coûts variables significativement différents entre un appel on net terminé sur leur propre réseau et un appel off net terminé sur le réseau d'un opérateur mobile tiers.
Statistiquement, en première approximation, les appels se répartissent suivant les réseaux mobiles de destination en fonction des parts de marché en parc de chaque réseau (c'est-à-dire que la probabilité qu'un correspondant soit client d'un opérateur A est égale à la part de marché de A en parc). En particulier, si x désigne la part de marché de l'opérateur B, la proportion des appels on net sera, théoriquement, de x, et de (1 - x) pour les appels off net (7). Si c désigne le coût d'une terminaison voix (on net), t le niveau de TA des autres opérateurs, le coût moyen de terminaison supporté par B pour un appel sortant s'établit alors à : x * c + (1 - x) * t = c + (1 - x) * (t - c). Ce coût s'avère ainsi d'autant plus élevé que la part de marché de l'opérateur est faible et que le niveau de la TA est élevé par rapport aux coûts.
Le niveau élevé de la TA par rapport aux coûts de référence accroît donc mécaniquement les coûts des opérateurs dont le parc est plus modeste, en l'occurrence Bouygues Telecom, sans que cela résulte de leur moindre efficacité. De surcroît, le caractère élevé de la TA par rapport aux coûts favorise également la différenciation tarifaire on net/off net, qui handicape, par effet club, les plus petits opérateurs.
Il pourrait néanmoins être objecté que dans l'hypothèse où les clients des différents opérateurs mobiles ont des structures de consommation proches, les trafics entrants et sortants des différents opérateurs s'équilibrent et que, partant, les flux de facturation entrant et sortant se compensent globalement à niveaux de TA identiques pour les opérateurs.
Toutefois, l'Autorité souligne que s'agissant des appels voix, des doutes existent sur l'équilibre des trafics entrants et sortants entre les différents opérateurs. Ce déséquilibre structurel, qui est reflété par un ratio du volume de trafic entrant d'origine mobile (hors appels on net) sur le volume de trafic sortant off net différent de 1, peut notamment résulter de stratégies de différenciation on net/off net favorisant l'« effet club » ainsi que d'une distribution inégale des consommateurs entre les opérateurs, la catégorie de clients fortement consommatrice d'appels voix pouvant être surreprésentée chez un des trois opérateurs. Or une telle surreprésentation peut être source de déséquilibres potentiels importants, en particulier lorsque l'opérateur concerné est le plus petit sur le marché, lequel ne dispose alors pas d'une part de marché suffisante pour faire jouer les « effets club » (lui permettant pour une partie importante du trafic sortant de supporter ses coûts propres plutôt que les charges d'interconnexion fixées par les autres opérateurs).
De surcroît, l'argument précédemment exposé selon lequel les flux de facturation entrant et sortant se compensent globalement à niveaux de TA identiques pour les opérateurs se heurte au fait qu'un opérateur adoptera souvent une approche offre de détail par offre de détail, plutôt qu'une approche globale sur l'ensemble de son activité. Or il apparaît que pour la voix, à l'instar des SMS, il existe, d'un point de vue microéconomique, des déséquilibres importants entre les trafics entrants et sortants, selon la catégorie de consommateurs considérée.
En deuxième lieu, l'Autorité rappelle que les opérateurs établissent en général la structure tarifaire de leurs offres de détail au regard des coûts incrémentaux que de telles offres induisent. Or ils supportent pour les appels sortants passés dans le cadre de ces offres de détail les terminaisons d'appel de leurs concurrents, dont la tarification repose sur les coûts moyens sous-jacents. L'Autorité considère que cette situation couplée au niveau élevé de la TA par rapport aux coûts de référence est très pénalisante pour Bouygues Telecom, dont les coûts incrémentaux sous-jacents sont a priori plus faibles que ceux de ses concurrents dans la mesure où son réseau est déjà déployé et moins chargé que ceux d'Orange France et SFR, mais qui, compte tenu de sa part de marché plus faible, supporte pour une partie importante du trafic sortant les charges d'interconnexion fixées par les autres opérateurs plutôt que ses coûts propres.
En conclusion, l'Autorité considère d'abord que de manière transitoire, pendant la période de convergence des tarifs de TA vers les coûts de référence sous-jacents, la différenciation tarifaire en faveur de Bouygues Telecom permettra à la société de corriger les effets pervers engendrés par des niveaux de terminaison d'appel voix élevés par rapport aux coûts. L'Autorité rappelle toutefois qu'à terme et dans l'hypothèse où les trois opérateurs supportent les mêmes coûts, une telle différenciation tarifaire n'a pas vocation à perdurer.
L'Autorité estime enfin que le maintien de l'écart à 1,74 cEUR/min entre le niveau de la terminaison d'appel de Bouygues Telecom et le niveau des terminaisons d'appel de SFR et Orange France est cohérent avec les écarts de coûts constatés. Ses écarts sont d'ailleurs supérieurs et pourraient justifier, conjointement avec les problèmes concurrentiels développés précédemment, un écart de terminaison d'appel plus élevé. Toutefois, l'Autorité reconnaît qu'il ne lui est pas possible aujourd'hui d'expertiser finement les différences de coûts et d'identifier les déterminants de ces différences liés aux effets d'échelle (et donc à une différence de volumes), à des différences d'efficacité, ou à des divergences dans les méthodes de comptabilisation des coûts choisies. L'Autorité propose donc à titre conservatoire de maintenir en valeur absolue, pour l'année 2007, l'écart existant entre le niveau de la terminaison d'appel de Bouygues Telecom et celui des terminaisons d'appel de SFR et Orange France, dans l'attente d'un réexamen des différences de coûts qui s'inscrira dans le cadre de la prochaine analyse relative aux marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de chacun des opérateurs mobiles métropolitains et les obligations imposées à ce titre, effectives au plus tard à compter du 9 décembre 2007.
Modalités du contrôle tarifaire
Dans la continuité du dispositif de baisses pluriannuelles appliquées sur la période 2005-2006 aux opérateurs mobiles puissants et imposées par les articles 9 et 10 des décisions n° 2004-937, n° 2004-938 et n° 2004-939, l'Autorité applique le plafond au tarif de la prestation « intra-ZA », hors tarif de BPN, sur la base d'un même profil de consommation heures pleines (HP)/heures creuses (HC), à savoir 75 %/25 %.
Pour rappel, les opérateurs métropolitains proposent généralement deux prestations de terminaison d'appel vocal : une prestation qualifiée d'intra-ZA (intra-Zone arrière) et une prestation qualifiée d'extra-ZA (8).
Pour Orange France et SFR, en l'absence de charge d'établissement d'appel et de période indivisible, le prix moyen de la terminaison d'appel « intra-ZA » sera soumis en 2007 à la contrainte suivante : 7,5 cEUR/min Tarif HP IZA * 75 % + tarif HC IZA* 25 %,
où le tarif HP IZA désigne le tarif de la prestation intra-ZA en heures pleines ;
où le tarif HC IZA désigne le tarif de la prestation intra-ZA en heures creuses.
Le tarif des BPN devra suivre la même évolution en valeurs relatives. Le tarif du BPN ne devra donc pas excéder 2 939 EUR/an du 1er janvier 2007 au 8 décembre 2007.
Pour Bouygues Telecom, en l'absence de charge d'établissement d'appel et de période indivisible, le prix moyen de la terminaison d'appel « intra-ZA » sera soumis en 2007 à la contrainte suivante : 9,24 cEUR/min tarif HP IZA * 75 % + tarif HC IZA* 25 %.
où le tarif HP IZA désigne le tarif de la prestation intra-ZA en heures pleines ;
où le tarif HC IZA désigne le tarif de la prestation intra-ZA en heures creuses.
Le tarif des BPN devra suivre la même évolution en valeurs relatives. Le tarif du BPN ne devra donc pas excéder 4 487 EUR/an du 1er janvier 2007 au 8 décembre 2007.
Chacun des opérateurs concernés communique ses tarifs applicables à compter du 1er janvier 2007, à l'Autorité, au plus tard le 2 octobre 2006, et aux opérateurs interconnectés, au plus tard le 9 octobre 2006.
Les modalités du contrôle tarifaire prévu au présent article sont identiques à celles prévues pour les années 2005 et 2006, et définies dans l'annexe B des décisions n° 2004-0937, n° 2004-938 et n° 2004-939.