Articles

Article (Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code des marchés publics)

Article (Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code des marchés publics)


4. Comment l'acheteur doit-il déterminer ses besoins ?
4.1. Pourquoi faut-il bien identifier les besoins ?


Le choix de la procédure à mettre en oeuvre se détermine en fonction du montant et des caractéristiques des prestations à réaliser. C'est pourquoi il est indispensable de procéder en amont à une définition précise des besoins. De cette phase préalable essentielle dépend, d'une part, le choix de la procédure et, d'autre part, la réussite ultérieure du marché.
Une bonne évaluation des besoins n'est pas simplement une exigence juridique mais est d'abord une condition impérative pour que l'achat soit réalisé dans les meilleures conditions économiques.
Par besoins du pouvoir adjudicateur, on entend non seulement les besoins liés à son fonctionnement propre (ex : des achats de fournitures de bureaux, d'ordinateurs pour ses agents, de prestations d'assurance pour ses locaux, etc.), mais également tout le champ des besoins liés à son activité d'intérêt général et qui le conduisent à fournir des prestations à des tiers (ex : marchés de transports scolaires).
Pour être efficace, l'expression des besoins fait appel à quatre considérations principales :
- l'analyse des besoins fonctionnels des services sur la base, par exemple, d'états de consommation ;
- la connaissance aussi approfondie que possible des marchés fournisseurs, participation à des salons professionnels, documentation technique ;
- la distinction, y compris au sein d'une même catégorie de biens ou d'équipements, entre achats standards et achats spécifiques ;
- et enfin, lorsqu'elle est possible, l'adoption d'une démarche en coût global prenant en compte non seulement le prix à l'achat, mais aussi les coûts de fonctionnement et de maintenance qui seront associés à l'usage du bien ou de l'équipement acheté. A ce titre, le pouvoir adjudicateur peut prendre en compte des préoccupations de développement durable.
Il peut arriver que l'acheteur ait des difficultés à déterminer son besoin. Lorsque l'incertitude porte à la fois sur les objectifs à atteindre et sur les moyens d'y parvenir, l'acheteur peut recourir soit à la procédure des marchés de définition, soit à la procédure de dialogue compétitif.
Lorsque l'incertitude porte sur la quantité ou l'étendue des besoins à satisfaire, mais aussi afin de planifier dans le temps les besoins à satisfaire ou d'étaler l'achat dans le temps, l'acheteur peut faire usage du marché à bons de commande, du marché à tranches ou des accords-cadres.


4.2. Les exceptions limitées à la définition précise des besoins


La définition des besoins peut être plus ou moins précise en fonction de la lisibilité de l'acheteur. Il peut en effet arriver qu'un pouvoir adjudicateur se trouve dans l'impossibilité objective de définir les moyens aptes à satisfaire ses besoins. Lorsque, pour ces raisons, il recourt à la procédure de dialogue compétitif, il n'est pas tenu de rédiger un cahier des charges. C'est pour répondre à la spécificité de cette procédure que l'article 11 du code des marchés publics indique que : « Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l'acte d'engagement et, le cas échéant, les cahiers des charges en sont les pièces constitutives. » En revanche, dans les autres procédures, la rédaction en amont d'un cahier des charges constitue une obligation.


4.3. De l'obligation de déterminer ses besoins
par référence à des spécifications techniques


Le pouvoir adjudicateur doit définir ses besoins en recourant à des spécifications techniques. Ces spécifications sont des prescriptions techniques qui décrivent, de manière lisible, les caractéristiques techniques d'un produit, d'un ouvrage ou d'un service.
Elles permettent au pouvoir adjudicateur de définir les exigences qu'il estime indispensables, notamment en termes de performances à atteindre.
Le pouvoir adjudicateur a le choix entre deux possibilités :
- dans le premier cas, le pouvoir adjudicateur se réfère à des normes ou à d'autres documents préétablis approuvés par des organismes reconnus notamment par des instances professionnelles en concertation avec les autorités publiques nationales ou communautaires. Il s'agit de l'agrément technique européen, d'une spécification technique commune ou d'un référentiel technique (la définition de ces termes est apportée par l'arrêté d'application de l'article 6 du code des marchés publics) ;
- dans le second cas, le pouvoir adjudicateur exprime les spécifications techniques en termes de performances à atteindre ou d'exigences fonctionnelles. Par exemple, pour un marché de vêtements de pompiers, le pouvoir adjudicateur peut exiger, au titre des spécifications techniques, un tissu résistant à un degré très élevé de chaleur ou résistant à une pression d'eau particulière, avec des renforts, un poids minimal.
Le pouvoir adjudicateur a la possibilité de mixer les deux catégories de spécifications techniques. Ainsi, pour un même produit, service ou type de travaux, il peut faire référence à des normes pour certaines caractéristiques et à des performances ou exigences pour d'autres caractéristiques.
Le pouvoir adjudicateur peut également déterminer des spécifications techniques prenant en compte des caractéristiques environnementales, notamment en se référant à des écolabels.
Les spécifications techniques ne doivent en aucun cas porter atteinte au principe d'égalité des candidats. C'est pourquoi elles ne peuvent mentionner une marque, un brevet, un type, une origine ou une production déterminés qui auraient pour finalité de favoriser ou d'écarter certains produits ou productions.


4.4. De l'intérêt des variantes


Une bonne définition des besoins n'exclut pas de laisser une part d'initiative aux candidats. A cette fin, le pouvoir adjudicateur doit indiquer dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation s'il autorise ou non les variantes. Les documents de la consultation doivent mentionner les exigences minimales que les variantes respectent ainsi que les modalités de leur présentation.
Dans le cas où le pouvoir adjudicateur n'indiquerait rien, les candidats ne sont pas autorisés à présenter de variantes.
Même si elles ne sont pas explicitement prévues par le code des marchés publics, il est également possible pour un pouvoir adjudicateur de demander des options. Les options sont des prestations complémentaires qui doivent être limitées de façon à ne pas fausser le jeu de la concurrence.
La distinction existant entre la variante et l'option ne porte pas sur le fond, elle repose sur la personne qui est à l'origine de cette forme d'offre. Il s'agit d'une option si c'est une demande du pouvoir adjudicateur et d'une variante lorsqu'il s'agit d'une proposition du candidat.


4.5. Qui définit les besoins ?


Contrairement au code du 7 janvier 2004, qui avait maintenu la notion de personne responsable du marché, le nouveau code des marchés publics ne souhaite pas interférer avec les règles d'organisation et de fonctionnement propres à chaque pouvoir adjudicateur. En effet, aucune des règles fixées par les directives ne traite des questions tenant aux modalités d'attribution de compétences entre les différents organes chargés de la passation des marchés publics.
Il s'ensuit que les modalités de la désignation des personnes chargées de mettre en oeuvre les procédures de marché, les compétences qui leur sont dévolues ou le régime des délégations de pouvoir ou de signature relèvent exclusivement de leurs textes organiques ou statutaires, ou sont laissés, en l'absence de tels textes, au libre choix du pouvoir adjudicateur.
En tout état de cause, il appartient à chaque pouvoir adjudicateur d'indiquer, au regard de sa politique d'achat, à quel niveau les différents besoins qui sont les siens doivent être appréciés. Cette appréciation doit impérativement se faire dans le strict respect des objectifs et des règles de mise en concurrence édictés par le code.
En particulier, est expressément proscrit tout découpage excessif qui aurait pour effet de soustraire les marchés aux obligations de mise en concurrence.
Une fois ce travail préliminaire accompli, le pouvoir adjudicateur désigne, le cas échéant, des personnes chargées de mettre en oeuvre les procédures de marché.
Ces personnes ont alors un rôle exclusivement administratif et fonctionnel, l'appréciation du niveau des besoins ayant été effectuée préalablement et en dehors d'elles par le pouvoir adjudicateur. Leur rôle est de choisir la procédure d'achat appropriée au regard des seuils de passation des marchés et de mener à bien la procédure choisie sous leur responsabilité.
A titre d'exemple, pour les services déconcentrés de l'Etat, il appartiendra au préfet, qui a compétence pour passer les marchés, de définir le niveau auquel les fournitures, les services et les travaux des services déconcentrés relevant de son autorité devront être pris en compte. Des personnes responsables des marchés pourront ensuite être désignées pour la mise en oeuvre des procédures destinées à satisfaire ces besoins.
De même pour les services centraux de l'Etat, le décret du 27 juillet 2005 constitue le titre de compétence du ministre, chargé de définir précisément le niveau auquel les besoins de son ministère doivent être pris en compte et de déléguer sa signature aux agents de son administration. Le régime de la délégation institué par ce décret s'appliquera automatiquement, se substituant aux dispositions de l'article 20 du code de 2004 sans qu'il soit nécessaire pour ce faire de produire un acte formel (un arrêté) portant délégation.
Cette redéfinition des conditions d'évaluation des besoins et des règles de désignation des personnes chargées de mettre en oeuvre les procédures de marché présente l'avantage de permettre aux pouvoirs adjudicateurs, encadrés par la réglementation en vigueur en matière de délégation de signature ou de compétence, d'agir dans un cadre juridique simplifié et sécurisé.


5. Acheter seul ou groupé ?


Les acheteurs publics peuvent, en fonction de leurs attentes notamment économiques, faire le choix soit d'acheter seuls, soit de se grouper ou encore de recourir à une centrale d'achat. Ce choix doit être guidé par le souci permanent d'abaisser les prix et les coûts de gestion.


5.1. Dans le cadre d'un groupement de commandes ?


Les groupements, dépourvus de personnalité morale, permettent aux acheteurs publics de coordonner et de regrouper leurs achats pour, par exemple, réaliser des économies d'échelle. Ils permettent également à plusieurs maîtres d'ouvrage de se regrouper pour choisir le ou les mêmes prestataires. Ils peuvent concerner tous les types de marchés mais sont particulièrement adaptés au domaine des fournitures courantes.
Il convient de souligner que l'Etat étant un seul pouvoir adjudicateur, ses services peuvent, sans avoir besoin de recourir au mécanisme des groupements de commandes, coordonner leurs achats, tel qu'il est décrit au point 5.3. Toutefois, ils peuvent toujours s'inspirer des mécanismes de groupement afin d'organiser leur coordination.
Le code prévoit plusieurs degrés, plus ou moins larges, de participation des membres à un groupement de commandes.
Outre le cas où chaque membre du groupement signe son marché, le coordonnateur du groupement peut, au terme des opérations de sélection du cocontractant, signer, notifier le marché et l'exécuter au nom de l'ensemble des membres du groupement.
Mais il peut également uniquement signer et notifier le marché, et laisser les membres du groupement exécuter le marché, chacun pour ce qui le concerne. Cette dernière disposition est particulièrement adaptée aux groupements comprenant un très grand nombre d'adhérents.
Pour qu'un groupement soit efficace, il faut qu'avant de passer le marché ses membres s'engagent à respecter un certain nombre d'engagements, et notamment un volume minimal d'achat.
Afin d'évaluer le montant des besoins d'un groupement constitué entre l'Etat et une ou plusieurs collectivités territoriales, et donc de définir la procédure de passation à mettre en oeuvre, il convient de se référer aux seuils applicables aux marchés de l'Etat, c'est-à-dire les seuils les plus contraignants.


5.2. En ayant recours à une centrale d'achat ?


L'acheteur peut aussi décider de ne pas procéder lui-même aux procédures de passation des marchés mais de recourir à une centrale d'achat. Le recours direct à une centrale d'achat est, en effet, autorisé par le code à la condition toutefois que la centrale d'achat respecte elle-même les règles de publicité et de mise en concurrence imposées par le code ou par l'ordonnance du 6 juin 2005.
Celle-ci pourra se voir confier plusieurs types de missions, qui vont de la mise à disposition de fournitures et de services jusqu'à la passation d'accords-cadres ou de marchés destinés à des pouvoirs adjudicateurs.
Un pouvoir adjudicateur soumis pour la totalité de ses achats aux règles du code des marchés publics, à condition qu'il le précise dans son marché ou dans les termes de l'accord-cadre, peut décider de se constituer en centrale d'achat et passer des marchés pour le compte d'autres organismes publics.


5.3. La coordination de commandes ?


Le mécanisme de coordination de commandes permet à un pouvoir adjudicateur de coordonner les achats de ses services. La coordination est possible aussi bien pour la conclusion d'un marché public que la conclusion d'un accord-cadre.
Les modalités de mise en oeuvre de ce mécanisme de coordination sont laissées à la libre appréciation des pouvoirs adjudicateurs. Un service centralisateur peut, par exemple, être désigné pour conclure le marché dans le cadre duquel chaque service pourra soit conclure son propre marché, soit émettre des bons de commande dans les termes fixés par le marché passé par le service centralisateur.
Comme dans la formule des groupements de commande, il convient de bien anticiper l'évaluation des besoins et notamment le périmètre des services concernés avant le lancement de la procédure de marché. En effet, une fois celle-ci lancée, il est impossible d'intégrer des modifications qui remettraient en cause l'équilibre initial du marché.


6. Quelle forme de marché adopter ?
6.1. Le choix du mode de dévolution du marché


L'article 10 du code fixe comme principe que tous les marchés seront passés en lots séparés, s'ils peuvent être divisés en ensembles cohérents, sauf si l'allotissement présente un inconvénient technique, économique ou financier.
Les pouvoirs adjudicateurs sont donc fortement incités à recourir à l'allotissement pour l'ensemble de leurs marchés. La dévolution sous forme de marché global devient désormais l'exception.
La philosophie qui sous-tend cette mesure vise à permettre au plus grand nombre d'entreprises, quelle que soit leur taille, d'accéder à la commande publique.
6.1.1. L'allotissement et le marché unique.
L'allotissement est désormais érigé en principe pour susciter une réelle concurrence entre les entreprises, quelle que soit leur taille.
Ainsi, le champ de la concurrence est étendu à des entreprises compétitives mais qui ne sont pas nécessairement aptes à réaliser l'intégralité d'un marché, tout particulièrement des petites et moyennes entreprises (PME).
L'allotissement est particulièrement approprié lorsque l'importance des travaux, fournitures ou services à réaliser risque de dépasser les capacités techniques ou financières d'une seule entreprise, chaque lot, d'importance moindre, pouvant être exécuté par des entreprises petites ou moyennes. Il en est de même dans le cas où une seule entreprise ne peut tenir des délais d'exécution extrêmement courts qu'en adoptant un rythme de travail nécessitant des dépenses supplémentaires qui grèvent d'autant le coût de la prestation, ou encore pour assurer la sécurité des approvisionnements.
Le choix entre un marché unique et un marché passé en lots séparés doit se faire, au cas par cas, en fonction des intérêts économiques, financiers ou de la capacité technique de chaque pouvoir adjudicateur.
Quoi qu'il arrive, le pouvoir adjudicateur reste libre de fixer le nombre de lots de son marché public.
Toutefois, le pouvoir adjudicateur peut s'affranchir du principe d'allotissement quand sa mise en oeuvre présente un certain nombre d'inconvénients.
Le pouvoir adjudicateur peut recourir au marché global lorsque :
- l'allotissement présente un inconvénient technique lié à la cohérence de la prestation en cause. A titre d'exemple, lorsque le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure d'assurer lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. Une commune qui n'a pas les moyens humains ou techniques pour assurer la coordination des travaux pourra avoir recours à un marché global ;
- l'allotissement présente un inconvénient économique ou financier. A titre d'exemple, le coût global d'une prestation peut se révéler plus élevé en ayant recours à un marché alloti, si les frais de livraison sont compris dans le prix de la prestation passée en marché unique, ou si le fait d'allotir conduit l'acheteur à faire appel à un coordonnateur de travaux.
La dévolution sous forme de marché global n'interdit pas le pouvoir adjudicateur d'identifier les prestations de manière distincte (sous forme de lots techniques).
Les modalités de recours à l'allotissement sont facilitées grâce à l'introduction d'une disposition permettant aux acheteurs de ne signer qu'un seul acte d'engagement lorsque plusieurs lots sont attribués à un même soumissionnaire.
Dans le cas où l'acheteur a recours à un marché global ayant pour objet à la fois la construction et l'exploitation ou la maintenance d'un ouvrage, il devra faire apparaître de manière séparée leurs coûts afin de distinguer les dépenses liées à l'investissement de celles liées à la maintenance et l'exploitation, sans qu'il soit possible de compenser l'une par l'autre. Le fait de surévaluer les dépenses d'exploitation constitue un paiement différé interdit par le code des marchés publics.
6.1.2. Les « petits lots ».
Une souplesse supplémentaire est offerte par le III de l'article 27 qui permet de passer des marchés selon une procédure adaptée pour les lots inférieurs à 80 000 EUR HT, pour autant que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur de l'ensemble du marché. Pour les marchés de travaux supérieurs au seuil de 5 270 000 EUR HT, la valeur de ces « petits lots » est portée à 1 000 000 EUR HT avec le maintien de la condition de ne pas excéder 20 % du total du marché.
Cette mesure permet d'associer les petites et moyennes entreprises à des opérations complexes, qui peuvent dépasser les capacités techniques et financières d'une seule entreprise.


6.2. Les procédures de marchés « fractionnés »
et de planification des marchés dans le temps


Si l'acheteur public n'est pas en mesure, au stade de la passation, de définir avec exactitude toutes les modalités de ses besoins (quantité, fréquence, nature), il peut avoir recours à des procédures spécifiques en deux temps, distinguant une phase de présélection des fournisseurs de la phase d'attribution des marchés ou commandes.
Ces contrats sont passés, en fonction de leurs caractéristiques, selon les différentes procédures prévues par le code.
Dans cette catégorie, il faut distinguer les marchés à bons de commande, les accords-cadres, ou encore les marchés à tranches.
6.2.1. Les marchés à bons de commande.
Si l'acheteur public n'est pas en mesure de connaître précisément à l'avance les quantités à commander ou s'il a des raisons de douter de la possibilité de réaliser en une seule fois l'ensemble d'un programme, il peut avoir recours à un marché à bons de commande.
Un marché à bons de commande est un marché à exécution successive conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Il peut désormais être conclu sans maximum ni minimum, ce qui donne plus de liberté à l'acheteur public qui n'est plus tenu de garantir dès le départ un minimum de dépenses. Un acheteur peut ainsi effectuer des achats à caractère répétitif en organisant une seule procédure complète de mise en concurrence des fournisseurs potentiels.
Les bons de commande, même si le marché a été conclu avec plusieurs opérateurs économiques, sont ensuite émis sans négociation ni remise en concurrence des titulaires. Ils sont répartis entre ces titulaires selon des modalités fixées par le marché. Les bons de commande déterminent la quantité des prestations ou des produits demandés. Ils peuvent préciser les caractéristiques de ces prestations à condition de ne pas modifier de manière substantielle les dispositions initiales du marché.
Toutefois, lorsque le pouvoir adjudicateur a une visibilité sur les quantités souhaitées, il a intérêt à conclure des marchés à bons de commande avec un minimum et un maximum, permettant d'obtenir des offres économiquement plus avantageuses.
Pour des besoins occasionnels de faible montant (moins de 1 % du montant total du marché et moins de 10 000 EUR HT), le pouvoir adjudicateur peut s'adresser à un prestataire autre que le titulaire du marché.
Afin de favoriser la coordination des achats entre une administration centrale et ses services déconcentrés, il est possible de conclure un marché à bons de commande qui sera passé au niveau central et exécuté au niveau déconcentré (émission des bons de commande).
6.2.2. L'accord-cadre.
L'accord-cadre a pour caractéristique essentielle de séparer la procédure proprement dite de choix du ou des fournisseurs de l'attribution des commandes ou des marchés effectifs. Il s'agit plus d'un instrument de planification et d'optimisation de l'achat que d'une façon de différer les commandes.
L'accord-cadre est un dispositif qui permet de sélectionner un certain nombre de prestataires qui seront ultérieurement remis en concurrence lors de la survenance du besoin.
Un accord-cadre est un contrat conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Ce contrat pose les bases essentielles de la passation de marchés ultérieurs pris sur son fondement et accorde en conséquence une exclusivité unique ou partagée aux prestataires ainsi retenus pour une durée déterminée. Les marchés subséquents passés sur le fondement de cet accord peuvent compléter ses dispositions sans le modifier substantiellement.
L'accord-cadre dont le montant est inférieur aux seuils des procédures formalisées peut être passé selon une procédure adaptée. Pour les accords-cadres passés selon cette procédure, le pouvoir adjudicateur est libre de fixer le délai de réception des offres en fonction des caractéristiques de son contrat.
Au-dessus des seuils des procédures formalisées, l'accord-cadre peut être passé après appel d'offres ou, si les conditions prévues par le code sont satisfaites, au terme d'une procédure négociée ou d'un dialogue compétitif.
En règle générale, un accord-cadre est conclu par un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs avec plusieurs opérateurs économiques.
Les opérateurs économiques sont sélectionnés selon les critères déterminés pour choisir les offres indicatives économiquement les plus avantageuses.
Les termes de l'accord pourront être précisés ou affinés lors de la remise en concurrence des titulaires de l'accord-cadre.
Un accord-cadre peut aussi être conclu par un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs avec un seul opérateur économique.
Les marchés successifs attribués à l'opérateur économique titulaire de l'accord-cadre peuvent alors être conclus soit lors de la survenance du besoin, soit selon une périodicité particulière prévue par l'accord-cadre (ex. : lorsque le stock disponible de produits faisant l'objet de l'accord-cadre devient égal ou inférieur à un niveau pré-établi). Le montant à payer effectivement est alors défini, après remise en concurrence, dans chaque marché attribué sur la base de l'accord-cadre.
En cas de division en lots portant sur des produits ou des services différents, et si elle est effectuée lors de la survenance du besoin, cette remise en concurrence ne concerne que les titulaires des lots pour lesquels un besoin est constaté. Si elle est effectuée selon une périodicité définie, la remise en concurrence des titulaires des lots porte sur tous les lots.
Outre la planification, les accords-cadres présentent de multiples avantages :
- un acheteur peut effectuer des achats à caractère répétitif en organisant une seule procédure complète de mise en concurrence des fournisseurs potentiels ;
- des acheteurs multiples ayant des besoins similaires peuvent se grouper pour désigner au terme d'une procédure unique un ou plusieurs fournisseurs tout en conservant leur autonomie lors de l'attribution et du suivi de l'exécution des marchés proprement dits. Les acheteurs peuvent ainsi réduire fortement le coût de leurs procédures d'achat, obtenir des prix plus intéressants grâce à l'effet-volume tout en laissant aux services utilisateurs une marge de liberté significative dans la gestion des approvisionnements ;
- la conclusion d'un accord-cadre sans minimum permet aussi par sa souplesse une forte réactivité. Un pouvoir adjudicateur peut notamment conclure un marché ou un bon de commande dans un délai très court lorsque des besoins ont un caractère aléatoire mais que leur nature est connue (réparations, matériels pour faire face à des catastrophes naturelles...) ;
- il n'exige pas nécessairement la fixation d'un maximum et minimum, ce qui peut permettre de présélectionner un nombre de fournisseurs suffisant pour répondre de façon optimale aux différentes demandes ;
- il permet de mieux prendre en compte les évolutions technologiques affectant les produits ou les services concernés ;
- il induit un comportement économique sain dans la mesure où il repose sur une remise en concurrence à chaque apparition du besoin.
Pour les collectivités territoriales, l'attribution des marchés subséquents à l'accord-cadre, dont le montant est égal ou supérieur à celui des procédures formalisées, relève de la compétence de l'assemblée territoriale.
6.2.3. Le cas des achats d'énergie.
Le code prévoit un dispositif particulier pour la réalisation des achats d'énergies non stockables.
Ces achats peuvent donner lieu à la passation d'un marché ou d'un accord-cadre. Quelles que soient les modalités de passation choisies, les acheteurs sont autorisés à ne pas indiquer, a priori, la quantité précise d'énergie qui leur sera fournie. Cette quantité sera alors constatée à l'issue du marché ou de l'accord-cadre.
6.2.4. Les marchés à tranches conditionnelles.
Dans un marché à tranches conditionnelles, l'acheteur public n'est engagé que sur la tranche ferme, et non pas sur les tranches conditionnelles. Mais l'évaluation doit être faite, pour l'appréciation des seuils de procédure et de publicité, en additionnant les montants estimés de l'ensemble des tranches.


6.3. Le système d'acquisition dynamique (SAD)


Le système d'acquisition dynamique est un processus d'acquisition entièrement électronique destiné à l'achat de fournitures courantes. Il est limité dans le temps et ouvert pendant toute sa durée aux opérateurs économiques satisfaisant aux critères de sélection et ayant présenté des offres indicatives conformes aux documents de la consultation.
La spécificité du système d'acquisition dynamique réside dans la faculté offerte à tout opérateur économique qui, d'une part, satisfait aux critères de sélection et, d'autre part, présente une offre indicative conforme aux documents de la consultation, d'être admis dans le système durant toute la durée de son existence.
La définition des besoins doit être précise et préalable.
Il est important de noter que le pouvoir adjudicateur doit publier un avis de marché simplifié au Journal officiel de l'Union européenne et attendre impérativement un délai de quinze jours à compter de la date d'envoi de cet avis avant de procéder à la mise en concurrence.
Le pouvoir adjudicateur, selon l'expression de ses besoins, invite ensuite les opérateurs admis dans le système à présenter leurs offres définitives.


7. Comment savoir si on dépasse un seuil ?


Il existe deux types de seuils :
- des seuils, exclusivement nationaux, au-delà desquels s'imposent des modalités, notamment de publicité, applicables aux marchés passés selon une procédure adaptée ;
- des seuils, calés sur les seuils communautaires, qui déclenchent l'application des procédures formalisées.
Les seuils sont fixés à l'article 26 du code.
Le montant des seuils des procédures formalisées est modifié tous les deux ans par décret. En effet, tous les deux ans, les seuils des directives européennes sur les marchés publics sont révisés par la Commission européenne de manière à respecter les engagements internationaux de l'Union pris en vertu de l'Accord plurilatéral sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce (décision 94/800/CE du 22 décembre 1994, JOCE n° L 336/1 du 23 décembre 1994).
Cet accord prévoit des seuils exprimés en droits de tirage spéciaux (DTS). Le DTS étant un panier de monnaies (euro, dollar américain, yen), les seuils des directives exprimés en euros doivent donc être révisés régulièrement pour tenir compte de la variation du cours des monnaies.
Le pouvoir adjudicateur doit vérifier si les seuils fixés à l'article 26 qui déclenchent l'application des procédures formalisées définies dans le titre III du code sont atteints. Il est rappelé qu'aucun besoin ne doit être scindé ou abusivement fractionné dans le but d'échapper aux règles du code des marchés publics.
Dans la mesure où le pouvoir adjudicateur doit adopter, pour la satisfaction de ses besoins ainsi évalués, une procédure formalisée, il a la faculté soit de passer un seul marché, soit, s'il le juge utile, de passer autant de marchés qu'il estime nécessaire. A titre d'exemple, la réalisation de travaux dont le montant estimé est supérieur aux seuils de procédure doit donner lieu à une procédure formalisée mais pourra indifféremment faire l'objet d'un marché ou de plusieurs marchés. Dans cette dernière hypothèse, chacun de ces marchés devra respecter la procédure formalisée même s'ils sont individuellement inférieurs aux seuils correspondants.
L'évaluation des besoins s'effectue à partir des notions suivantes :


7.1. Pour les marchés de travaux :
les notions d'ouvrage et d'opération


Le marché de travaux, qui est défini à l'article 1er du code, se caractérise par le fait que le pouvoir adjudicateur en est le maître d'ouvrage, c'est-à-dire la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit.
Pour évaluer le montant d'un marché de travaux, il convient de prendre en compte la valeur globale des travaux se rapportant à une même opération, opération qui peut porter sur un ou plusieurs ouvrages.
7.1.1. La notion d'opération de travaux.
L'opération de travaux, au sens du code, est un ensemble de travaux qui, en considération de leur objet, des procédés techniques utilisés ou de leur financement ne peuvent être dissociés et que le maître d'ouvrage a décidé d'exécuter dans une même période de temps et sur une zone géographique donnée.
Une opération peut concerner plusieurs ouvrages, par exemple la réfection des toitures des écoles d'une même commune ou la réalisation de trottoirs dans différents quartiers de la ville.
Une opération peut aussi concerner certains travaux réalisés sur un même ouvrage de nature différente programmés au même moment, par exemple, en matière de réhabilitation.
7.1.2. La notion d'ouvrage.
Le terme « ouvrage » est défini par les directives « marchés publics » comme le « résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique ».
Ainsi, l'ouvrage est le résultat obtenu à l'achèvement des travaux de construction, de restructuration ou de réhabilitation d'un immeuble ou encore de travaux de génie civil. C'est concrètement la construction obtenue au terme des travaux réalisés d'un immeuble ou d'une réalisation de génie civil telle qu'un collecteur des eaux pluviales ou un réseau d'électricité.


7.2. Pour les marchés de fournitures et de services :
le caractère homogène


Afin d'estimer de manière sincère et raisonnable la valeur totale des fournitures ou des services considérés comme homogènes, soit en raison de leurs caractéristiques propres, soit parce qu'ils constituent une unité fonctionnelle, l'article 27 du code permet de comparer le montant des besoins aux seuils de procédure des marchés.
Le choix entre ces deux formules ne doit en aucun cas être effectué pour permettre de soustraire les marchés aux règles de procédure fixées par le code. Il est recommandé aux acheteurs d'effectuer ce choix lorsqu'ils déterminent la nature et l'étendue de leurs besoins de services et de fournitures.
L'homogénéité des besoins est une notion qui peut varier d'un acheteur à l'autre, et qu'il lui appartient d'apprécier en fonction des caractéristiques des activités qui lui sont propres et de la cohérence de son action. A titre d'exemple, une paire de ciseaux peut tout aussi bien s'apparenter pour une administration centrale à des fournitures de bureau, qu'à du matériel chirurgical pour des établissements hospitaliers. Pour apprécier l'homogénéité de leurs besoins en fonction des caractéristiques propres de la prestation, les acheteurs peuvent élaborer une classification propre de leurs achats selon une typologie cohérente avec leur activité.
Lorsqu'il s'agit de satisfaire un besoin concourant à la réalisation d'un même projet, l'acheteur peut prendre comme référence l'unité fonctionnelle. Cette notion, qui doit s'apprécier au cas par cas en fonction des prestations attendues, suppose une pluralité de services ou de fournitures concourant à un même objet. Dans cette hypothèse, l'ensemble des prestations nécessaires à l'élaboration d'un projet, et faisant partie d'un ensemble cohérent, sont prises en compte de manière globale. Si le montant total de cette évaluation est supérieur aux seuils de procédures formalisées, l'acheteur devra s'y conformer. Dans le cas contraire, il pourra recourir aux procédures adaptées.
La survenance de besoins nouveaux, alors même que les besoins ont été évalués de manière sincère et raisonnable, peut donner lieu, sauf dans le cas où un avenant est suffisant, à la conclusion d'un nouveau marché. La procédure de passation de ce nouveau marché sera déterminée en fonction du montant des nouveaux besoins.
Lorsque ces besoins font l'objet d'un marché dont le montant est apprécié séparément, l'imprévisibilité, c'est-à-dire le caractère nouveau du besoin, doit être réelle : elle ne saurait autoriser un fractionnement factice du marché.