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Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



V-3.4.2. Le risque de pratiques d'éviction


Les risques de tarifs d'éviction sont apparus notamment lorsque l'ouverture des marchés des communications à la concurrence a entraîné une concurrence par les prix, sur les marchés résidentiels et surtout sur les marchés professionnels. De tels risques sont d'autant plus élevés sur les marchés de détail que l'opérateur est simultanément puissant sur les marchés de gros.
Les concurrents d'un opérateur pratiquant des prix d'éviction sont victimes d'un effet de ciseau par lequel les coûts des prestations de gros sous-tendant la fourniture d'une prestation de détail sont trop élevés pour maintenir un espace économique viable ; ils sont alors expulsés du marché de détail, ou maintenus hors de ces marchés. De même, l'association de certaines conditions contractuelles à un tarif, ou la concession d'un tarif plus bas en compensation d'un engagement contractuel plus long, présentent des risques d'éviction des concurrents en limitant les possibilités de migration des abonnés. La régulation choisie pour prévenir une telle pratique sur les marchés de détail complète les mesures prises sur les marchés de gros.
La permanence du risque d'apparition de pratiques d'éviction est illustrée par leur identification récente. Ainsi en 2004, le projet d'introduction d'une offre « Bonus temps » dans les forfaits vers les mobiles, ou la vente en nombre de forfaits destinés aux petites entreprises, conduisaient à des niveaux tarifaires a priori incompatibles avec les coûts que supporterait un opérateur alternatif, jugé efficace, qui souhaiterait commercialiser des offres comparables en ayant recours aux services d'interconnexion de France Télécom (75). Il en était de même pour le projet initial de généralisation de l'offre « Appel à prix unique » en 2004, qui a été homologué après la prise en compte des réserves de l'Autorité par France Télécom (76). En 2003, dans le cadre d'un avis tarifaire relatif à des frais de mise en service pour l'offre Numeris, l'Autorité a craint que la forte hausse des tarifs ne conduise les clients à choisir de longues durées d'engagement dans le but de la limiter (77). La décision tarifaire incluait en effet la création d'un contrat à durée indéterminée, donnant droit à une réduction de 50 % sur les tarifs des frais de mise en service du contrat à période minimale de douze mois, moyennant un engagement du client dans la durée (36 mois). Des effets de ciseau tarifaire ont également été identifiés sur les marchés professionnels, notamment dans des projets d'offres « Atout RPV » en 2002 (78), avant que France Télécom procède à des adaptations écartant ces effets.

Un effet de ciseau tarifaire peut être induit par une condition contractuelle, comme l'a montré l'analyse publiée par l'Autorité à l'occasion de son avis tarifaire sur certaines options destinées aux entreprises ; l'effet de ciseau tarifaire de l'offre « Avantage volume local V3 » pouvait en effet être augmenté par la mise en oeuvre de certaines dispositions relatives au « Service garantie confiance » que France Télécom souhaitait proposer lors de la souscription à cette option (79).
Le risque que France Télécom pratique des tarifs d'éviction justifie l'imposition d'une obligation qui les proscrit sur les marchés pertinents de la téléphonie fixe de détail.