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Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)



V-2. Périmètre des obligations en termes de produits et services


Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », et à l'article D. 303 du CPCE, l'Autorité doit imposer au moins une obligation à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Néanmoins, une obligation peut n'être imposée que sur une partie des prestations offertes par cet opérateur.
En l'espèce, il n'est pas à ce jour nécessaire d'imposer des obligations sur tous les segments des marchés pertinents de détail analysés. La définition du périmètre, en termes de produits et services, dans lequel les obligations sont prévues diffère selon que les offres sont commercialisées sur les marchés résidentiels ou qu'elles sont destinées aux professionnels.
Le cas échéant, si l'évolution des marchés le justifiait, l'Autorité, conformément à l'article D. 303 du CPCE, pourra élargir le périmètre d'imposition des obligations sans effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents.


V-2.1. Marchés résidentiels


Dans la partie I-2 ont été définis trois marchés pertinents de produits et services destinés à la clientèle résidentielle :
- le « marché de l'accès téléphonique résidentiel » ;
- le « marché des communications téléphoniques nationales résidentielles » ;
- le « marché des communications téléphoniques internationales résidentielles ».
S'agissant du marché de l'accès téléphonique résidentiel, il est nécessaire d'imposer des obligations à l'ensemble des prestations de France Télécom incluses dans le marché (cf. section suivante).
En revanche, s'agissant des deux marchés des communications, il n'est pas nécessaire à ce jour d'imposer des obligations sur les prestations de communications fournies par France Télécom qui ne sont pas associées à un accès inclus dans le marché pertinent de l'accès. En effet, ce segment de marché est associé au marché de l'accès haut débit à internet, marché en pleine croissance qui présente donc moins d'obstacles au développement de la concurrence, contrairement au marché de l'accès au réseau téléphonique, marché complètement mature sur lequel on observe une décroissance des volumes. Par ailleurs, la situation concurrentielle sur ces deux marchés de l'accès est des plus contrastées. Dans le cas des accès haut débit à internet, il existe une large gamme d'offres de gros qui permet l'entrée sur le marché de détail d'opérateurs concurrents de France Télécom : offre de dégroupage, de bitstream et d'interconnexion. Réciproquement, le marché de l'accès au RTP est encore très largement fermé à la concurrence ; le risque de voir France Télécom exercer un effet de levier de ce marché de l'accès en quasi-monopole vers le marché des communications est particulièrement fort.
Comme l'y invite la Commission dans sa réponse au projet notifié, et comme elle s'y est engagée dans ses publications précédentes, l'Autorité sera néanmoins très vigilante sur le segment de marché des communications associées à des accès multiservices ou non principalement téléphoniques et pourra le cas échéant reconsidérer sa décision de ne pas imposer d'obligation sur ce segment de marché. L'imposition ultérieure éventuelle d'obligations sur ce marché donnera lieu à consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autres ARN.


V-2.2. Marchés professionnels


Dans la partie I-2 ont été définis trois marchés pertinents de produits et services destinés à la clientèle professionnelle :
- le « marché de l'accès téléphonique professionnel » ;
- le « marché des communications téléphoniques nationales professionnelles » ;
- le « marché des communications téléphoniques internationales professionnelles ».
S'agissant du marché de l'accès téléphonique professionnel, il est nécessaire d'imposer des obligations à l'ensemble des prestations de France Télécom incluses dans le marché.
S'agissant des deux marchés des communications, comme pour les marchés résidentiels, l'Autorité estime qu'il n'est pas nécessaire à ce jour d'imposer d'obligations sur les prestations de communications fournies par France Télécom qui ne sont pas associées à un accès inclus dans le marché pertinent de l'accès téléphonique professionnel.
En outre, s'agissant à la fois du marché de l'accès et des deux marchés des communications, l'obligation de communication préalable peut être remplacée par une obligation plus adaptée de fourniture d'information a posteriori pour les « grandes offres ».
Comme l'y invite la Commission dans sa réponse au projet notifié, et comme elle s'y est engagée dans ses publications précédentes, l'Autorité sera néanmoins très vigilante sur le segment de marché des communications associées à des accès multiservices ou non principalement téléphoniques et pourra, le cas échéant, reconsidérer sa décision de ne pas imposer d'obligation sur ce segment de marché. L'imposition ultérieure éventuelle d'obligations sur ce marché donnera lieu à consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autres ARN.
Les conséquences des risques liés à la puissance de France Télécom et les obligations ex ante qui visent à les éviter sont détaillées ci-après. Les premières obligations répondent directement aux risques mentionnés, en proscrivant les pratiques correspondantes (V-3). Trois autres obligations ont une portée plus globale, en permettant de vérifier le respect des obligations proscrivant certaines pratiques (V-4).


V-3. Obligations relatives à la proscription de certaines pratiques


Parmi les obligations génériques détaillées précédemment, l'Autorité a choisi les obligations les plus à même de réaliser les objectifs de la régulation à l'horizon de l'analyse. Le principe, le périmètre et les modalités de chacune d'elles, ainsi que leur articulation, ont été étudiés pour garantir qu'elles tiennent compte de la nature des obstacles à la concurrence, et qu'elles sont proportionnées aux objectifs poursuivis.
Les 2° et 3° du I de l'article L. 38-1 du CPCE, dont les modalités d'application sont fixées par l'article D. 314, mentionnent plusieurs obligations relatives à la proscription a priori de certaines pratiques. Ces abus sont d'autant plus probables que les barrières à l'entrée sont élevées.
A l'issue de la présente analyse, il est prévu d'imposer à France Télécom certaines obligations, dont l'objectif est d'empêcher les pratiques suivantes :
- les pratiques discriminatoires (V-3.1) ;
- les couplages abusifs (V-3.2) ;
- les prix excessifs (V-3.3) ;
- les tarifs d'éviction (V-3.4).


V-3.1. Proscription des pratiques discriminatoires


L'article L. 38-1 (I, 1°) prévoit la possibilité d'imposer à l'opérateur puissant l'obligation de « fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires » ; l'article 17 de la directive « service universel » prévoit l'interdiction de « privilégier de manière abusive certains utilisateurs finals ».


V-3.1.1. Les pratiques discriminatoires


L'observation d'une discrimination peut porter notamment sur les prix, les délais de paiement, les conditions de vente ou les modalités de vente. Elle peut se manifester, par exemple, dans des rabais accordés par tranches successives, dont l'augmentation irrégulière favoriserait de fait une catégorie de clients ou un client (une entreprise), ou des seuils de rabais dont les montants seraient injustifiés (61).
Les pratiques discriminatoires, de même que les prix excessifs, relèvent de comportements facilement adoptés par les opérateurs établis, qui cherchent à maintenir leur puissance. Un opérateur puissant peut en effet chercher à proposer des offres plus avantageuses à certaines catégories d'utilisateurs qu'il identifie comme particulièrement rentables ou dont il est possible ou probable qu'ils sont susceptibles de choisir les offres d'opérateurs concurrents ; l'opérateur consentirait alors une réduction de sa marge sur une partie limitée de son offre.
Un tel risque est particulièrement important sur les marchés des communications fixes, où l'opérateur historique a détenu initialement une position de monopole sur le marché. Sa position sur le marché est menacée en premier lieu par les actions des concurrents qui ciblent les clients les plus rentables (notamment sur les marchés professionnels) et/ou les plus disponibles pour changer d'opérateur (tant sur les marchés professionnels que résidentiels). Un tel risque peut être illustré par le fait que, en 2004, 45 % des décisions tarifaires de France Télécom portaient sur l'évolution d'options tarifaires majoritairement concentrées sur la téléphonie fixe.

Il existe à cet égard un risque particulier que ces pratiques ne permettent à l'opérateur puissant de subventionner, par les profits qu'il dégage auprès d'une partie de ses clients, les avantages qu'il offre à d'autres. Ces pratiques lui permettraient de fidéliser des clients qu'il risque de perdre, ou de faire revenir des clients qui ont déjà choisi un autre opérateur, notamment grâce à la présélection. Elles peuvent être illustrées par l'effet de ciseau tarifaire de taux de bonification prévus pour des forfaits destinés aux petites entreprises en 2003 (62).
Une autre illustration de telles pratiques est fournie par le cas des communications vers les mobiles. Ces communications peuvent être facturées aux clients finals par le biais du tarif de base (le tarif appliqué par défaut), les options accordant des réductions tarifaires en contrepartie d'une souscription payante, et les forfaits comprenant un volume d'appels donné pour un montant fixe (au-delà de ce volume, la tarification peut être optionnelle ou de base).
Suite aux décisions de l'Autorité (63), la terminaison d'appel vers les opérateurs mobiles de métropole baissent chaque année depuis 2002, et celle vers les principaux opérateurs mobiles d'outre-mer depuis 2005 (64). A chaque baisse de terminaison d'appel, France Télécom était incité à répercuter sur le prix de ses communications « fixe vers mobile » cette baisse des coûts d'interconnexion (65).
Fin 2003 (66) et début 2004 (67), l'Autorité, tout en donnant un avis favorable pour ne pas retarder la baisse pour les consommateurs, a noté que France Télécom n'avait pas répercuté entièrement les baisses de terminaison d'appel sur les tarifs de base, tout en privilégiant les options tarifaires correspondantes.
En outre, en 2005, s'agissant des appels vers les mobiles d'outre-mer, France Télécom, dans son projet initial de décision tarifaire, avait envisagé de ne pas répercuter la baisse de terminaison d'appel pour les communications métropole - DOM des résidentiels. A la demande de l'Autorité, France Télécom a finalement modifié ses tarifs pour répercuter intégralement la baisse.