II-3.1.3. Economies d'échelle et de gamme
La puissance de France Télécom sur l'ensemble des marchés de détail de l'accès et des communications lui permet de bénéficier d'économies d'échelle et de gamme importantes sur le départ d'appel. Un opérateur entrant sur le marché de gros du départ d'appel pourrait donc difficilement bénéficier d'une structure de coûts équivalente à celle de France Télécom.
II-3.1.4. Absence de contre-pouvoir d'acheteurs
France Télécom détenant une position de quasi-monopole sur les marchés de détail de l'accès, les opérateurs acheteurs sont contraints de s'appuyer sur la prestation de départ d'appel de France Télécom pour intervenir sur les marchés de détail aval des communications, notamment via la sélection du transporteur ou la présélection.
De ce fait, il n'existe pas de pouvoir d'achat compensateur susceptible de s'exercer sur les prestations de départ d'appel fournies par France Télécom.
II-3.1.5. Evolution prospective du marché
Au vu de l'état actuel du développement sur les marchés de détail de l'accès en bande étroite et de ses perspectives, la situation du marché du départ d'appel ne devrait pas évoluer de façon significative au cours de la période couverte par la présente analyse.
II-3.1.6. Conclusion
Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime que France Télécom détient une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci avant sur le territoire d'analyse pour la période d'analyse.
II-3.2. Le marché du transit intra territorial
II-3.2.1. Analyse des parts de marché de France Télécom
L'évaluation et l'interprétation des parts de marché sur le transit est un exercice soumis à de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, la comptabilisation des volumes de trafic acheminés par les différents opérateurs est rendue difficile par le fait que :
- il n'existe pas de données publiques sur le volume des activités de transit des différents opérateurs ;
- les prestations fournies sont très différentes d'un opérateur à un autre, tant en ce qui concerne l'ampleur géographique des prestations que le type de trafic transporté, qu'il s'agisse du trafic voix, Internet ou services spéciaux, ce qui limite les possibilités de recoupement des informations recueillies auprès du secteur ;
- une partie importante des prestations de transit fournies reposent elles-mêmes sur l'achat de prestations de transit intermédiaires à des tiers, ce qui peut conduire à affecter certains volumes de trafic en double compte.
Par ailleurs, la comparaison des quantités vendues sur le marché du transit par les différents opérateurs est très délicate car :
- les volumes de trafic vendus sur le marché du transit dépendent non pas uniquement des évolutions de l'offre et de la demande sur le marché mais également des comportements de make or buy propres aux marchés de gros. En effet, le volume de trafic acheminé sur les réseaux de téléphonie peut être, soit mis sur le marché du transit lorsque l'opérateur acheteur ne dispose pas des éléments de réseau et/ou des raccordements nécessaires pour se fournir la prestation en interne, soit exclu en partie ou en totalité de ce marché dans le cas contraire. Ces effets sont évolutifs dans le temps et selon les opérateurs au gré du développement de l'investissement dans les réseaux ou des phénomènes de concentration entre opérateurs. Ces retraits du marché sont en outre généralement irréversibles pour chaque opérateur, c'est-à-dire que les prestations de transit achetées en interne ne sont presque jamais remises sur le marché, du fait de l'importance des coûts irréversibles d'investissement associés à l'établissement des réseaux (sunk costs) ;
- le volume total de prestations de transit offertes réellement sur le marché dépend du volume de trafic confié aux concurrents de France Télécom sur le marché de détail puisque seuls les opérateurs alternatifs ne disposent pas de l'ensemble des éléments de réseau requis pour la fourniture en interne des prestations de transit nécessaires ;
- à parts de marché égales au niveau du détail, le volume de transit généré par le trafic d'un opérateur alternatif est toujours supérieur au volume de transit généré par le trafic de France Télécom. En effet, le fait, pour les utilisateurs finals raccordés par France Télécom de confier leurs communications à un autre opérateur que France Télécom (au niveau de marchés de détail), conduit dans certains cas à générer des volumes de trafic de transit alors que l'utilisation de prestations de transit ne serait pas nécessaire si ce trafic continuait d'être acheminé par France Télécom. C'est notamment le cas du trafic local dont une partie significative est acheminée localement par France Télécom, c'est-à-dire sans transit, alors que les opérateurs alternatifs qui fournissent des services aux utilisateurs raccordés par France Télécom doivent acheminer les communications locales en transit sur leur propre réseau avant de les ré-acheminer sur le réseau de France Télécom. Ce type d'effet se rencontre également dans le cas du trafic Internet qui peut être transformé en trafic IP en traversant moins de commutateurs chez France Télécom que chez ses concurrents.
II-3.2.2. Evaluation quantitative des parts de marché
Les parts de marché constituent un indicateur permettant d'apprécier la capacité d'une entreprise à se comporter indépendamment de son environnement de marché.
Pour tenir compte des remarques formulées par le Conseil de la concurrence dans son avis n° 2005-A-05 susvisé, et notamment de la nécessité de retirer des parts de marché calculées les volumes de production interne, y compris en intra groupe (France Télécom pour Orange, Cegetel pour SFR par exemple), l'Autorité a recalculé lesdites parts de marché.
Il apparaît que la part de marché de France Télécom, sur le marché du transit intra territorial s'élevait encore, respectivement en 2003 et 2004, à plus de 53 % et 52 % en volume du total des prestations effectivement mises en concurrence.
La construction d'une projection quantitative sur les parts de marché de gros du transit pour 2005 peut comprendre une certaine marge d'incertitude. Les estimations ci-dessous reposent sur des données disponibles au 15 août 2005 et conduisent à une part de marché estimée à 52 % au 30 juin 2005.
De tels niveaux de part de marché constituent un indicateur important de l'influence significative qu'exerce individuellement France Télécom sur le marché de transit intra territorial (44).
Toutefois, et avant d'examiner en détail la liste des critères qualitatifs qui permettront de confirmer cette présomption, l'Autorité analyse ci-dessous l'éventualité d'une position dominante conjointe de France Télécom avec un ou plusieurs autres acteurs du marché.
L'Autorité note qu'au vu des parts de marché ci-dessus seules les hypothèses d'une dominance simple exercée par France Télécom ou d'une dominance conjointe de cet opérateur avec un opérateur tiers restent envisageables. Au demeurant, l'éventuelle influence significative simple exercée par un opérateur alternatif se révèle également incompatible avec l'analyse des critères qualitatifs de puissance de marché présentée ci-après.
L'Autorité explicite à présent les motivations qui la poussent à écarter l'hypothèse d'une dominance conjointe de France Télécom avec un ou des opérateurs alternatifs.