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Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)

Article (Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre)




c) Les offres couplant terminaison et transit ne font pas partie du marché


Le raisonnement mené ici suit la même logique que celle retenue dans le cadre de l'analyse du périmètre de la prestation de départ d'appel.
Ainsi, les offres de terminaison sur un réseau donné incluant le transit vers ce même réseau, notamment les offres de terminaison simple transit et double transit de France Télécom, ne peuvent être considérées comme des substituts à la terminaison d'appel vendue par France Télécom au niveau de ses commutateurs d'abonnés, dès lors que, dans le cas de communications à destination de numéros géographiques, l'opérateur désirant terminer l'appel connaît la position du dernier élément de commutation sur lequel il est pertinent de solliciter l'interconnexion. Ces offres de « terminaison d'appel + transit » doivent en effet être considérées, dans la segmentation des marchés retenue par l'Autorité, comme un couplage entre deux prestations faisant partie de deux marchés distincts, à savoir le transit d'une part et la terminaison d'appel d'autre part, laquelle, encore une fois, ne saurait être vendue que par l'opérateur de boucle locale.


I-3.6.2. Délimitation en termes géographiques


Dans la mesure où le marché de produits a été défini comme étant la terminaison d'appel sur le réseau individuel de France Télécom, la dimension géographique du marché de la terminaison d'appel sur ce réseau coïncide avec la couverture géographique du réseau de boucle locale de cet opérateur.


I-3.6.3. Conclusion


L'Autorité identifie donc le marché de la terminaison d'appel comme étant le marché de gros sur le territoire d'analyse des prestations nécessaires à l'acheminement d'un appel bande étroite depuis le dernier élément de commutation traversé sur lequel il est raisonnable de proposer l'interconnexion, ou depuis l'équipement de routage pertinent pour l'interconnexion, jusqu'au point de terminaison du réseau chez l'utilisateur final.


I-3.7. Pertinence des marchés de gros identifiés


La recommandation « marchés pertinents » définit trois marchés de gros : les prestations de départ d'appel sur le réseau téléphonique public en position déterminée, la terminaison d'appel sur divers réseaux téléphoniques publics individuels en position déterminée et les services de transit sur le réseau téléphonique public fixe.
Il convient de rappeler que, concernant la terminaison d'appel, la présente analyse ne couvre que la terminaison d'appel à destination des numéros géographiques sur le réseau de France Télécom, la situation des opérateurs alternatifs étant examinée dans une analyse distincte.
En premier lieu, la Commission recommande aux ARN de définir des marchés du départ d'appel, de la terminaison d'appel et du transit qui « se cumulent, la somme des trois constituant l'ensemble » (25), si bien que « si le départ d'appel et la terminaison d'appel sont déjà définis, le transit l'est également par défaut ». L'Autorité a effectué une segmentation à périmètre constant, la somme des prestations analysées dans ces différents marchés recouvrant bien le périmètre du marché 10 de la Commission.
La Commission européenne a estimé qu'il existait sur ces marchés des obstacles à une concurrence effective tels qu'une régulation ex ante pourrait être considérée comme nécessaire.
L'Autorité considère que l'analyse des marchés de gros qui est présentée par la Commission dans sa recommandation est pertinente dans le contexte français. En particulier, il existe sur ces marchés de fortes barrières à l'entrée et des effets d'échelle importants qui sont susceptibles de conduire un opérateur disposant d'une forte part de marché à exercer une influence significative sur ce marché.
Il convient en effet de constater que ces marchés sont marqués par la présence de l'opérateur historique sur l'ensemble de ces marchés.
Or, il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de commutation de niveau local (les commutateurs d'abonnés) du réseau de France Télécom. A titre indicatif, et comme il sera rappelé dans l'analyse de la puissance de marché qui suit, on évalue à 28 milliards d'euros le coût de reconstruction à neuf de la boucle locale (26), et à respectivement 9,02 milliards d'euros et 4.68 milliards d'euros (27) les investissements initiaux en réseau général (28) (transmission et commutation) et en génie civil consentis par France Télécom.
Ainsi, la présence d'importants coûts irrécupérables, notamment de génie civil et de transmission, a pour effet de limiter l'entrée d'opérateurs concurrents sur ces marchés. C'est pourquoi elle n'est généralement envisagée que dans deux cas principaux : dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser des investissements nécessaires, ou en ayant recours aux offres de gros de l'opérateur historique.
Le développement de la concurrence sur l'ensemble de ces marchés de gros est donc progressif et nécessite à l'horizon de la présente analyse une régulation ex ante.
En effet, pour l'ensemble de ces marchés, la régulation ex ante dispose d'outils adaptés. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Ces outils spécifiques à la régulation ex ante sont notamment les obligations de contrôle tarifaire ou encore la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable. Le seul droit de la concurrence apparaît donc comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existant sur ces marchés.
Plus précisément, en ce qui concerne le marché du départ d'appel, il convient de constater qu'il repose essentiellement sur l'infrastructure de la boucle locale de l'opérateur historique, laquelle constitue une facilité essentielle. Ce marché est donc constitué de fortes barrières à l'entrée. Elles ont nécessairement pour effet, en l'absence de régulation ex ante, d'empêcher le développement d'une concurrence dynamique à l'horizon de la présente analyse, dans la mesure où France Télécom dispose du réseau le plus capillaire sur le territoire d'analyse, qui rend l'accès aux clients qu'il raccorde indispensable pour l'activité de tout opérateur de communications électroniques.
Pour ce qui est des marchés du transit, l'Autorité a distingué les prestations relevant du transit inter territoires de celles relevant du transit intra territorial pour tenir compte de la spécificité du territoire français, constitué de 7 territoires géographiquement distincts. Toutefois, l'ensemble de ces marchés correspond effectivement au marché 10 de la recommandation « marchés pertinents ».
Sur les marchés inter territoires, les barrières à l'entrée sont toutes aussi élevées que pour le marché du départ d'appel. En effet, bâtir des offres compétitives sur ces marchés nécessite l'accès à des infrastructures difficiles à dupliquer, si ce n'est impossible à l'horizon de la présente analyse (câbles sous-marins notamment). Il n'est donc pas possible d'envisager une évolution vers une situation de concurrence effective sans intervention d'une régulation ex ante pour les raisons exposées ci-dessus.
En ce qui concerne le marché intra territorial, l'Autorité estime qu'il existe toujours de nombreuses barrières à l'entrée en raison de la présence sur ce marché d'un opérateur historique disposant d'un réseau très capillaire qui le rend à ce jour encore indispensable. Ainsi, les opérateurs alternatifs potentiellement vendeurs de transit n'auront vocation à s'interconnecter directement avec les opérateurs tiers générant du trafic au départ ou à destination de leurs réseaux qu'à la condition de prévoir un volume de trafic suffisant pour rentabiliser les coûts de raccordement. En particulier, les petits opérateurs de boucle locale répondent rarement à ce critère, d'autant qu'ils sont, pour des raisons historiques, déjà raccordés au réseau de France Télécom.
S'il existe à ce jour une ouverture de ce marché à la concurrence, l'Autorité considère que ce marché nécessite encore une régulation ex ante pour favoriser et accompagner ce nouveau développement de la concurrence. Toutefois, si la situation devait évoluer plus rapidement, l'Autorité sera dans l'obligation de mener une nouvelle analyse de marché anticipée afin d'en tirer les conséquences.
Enfin, pour ce qui est du marché de la terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom, il ressort de sa définition même, à savoir le marché de gros de la terminaison des appels à destination de numéros géographiques sur le réseau de France Télécom, que seul cet opérateur peut fournir les prestations concernées. La fourniture réciproque de ces prestations de gros par tous les opérateurs de boucle locale est l'une des conditions essentielles pour garantir la possibilité que tout abonné du service téléphonique en France soit en mesure de joindre tout autre abonné, quel que soit l'opérateur de boucle locale auquel ce dernier est raccordé. Il n'est par ailleurs pas envisageable de considérer que la concurrence pourrait se développer sur le marché de la terminaison d'appel de France Télécom.

De plus, sur ce marché, France Télécom est dans une position qui ne l'incite pas, où très peu, à fixer des charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels » c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.
Or, les tarifs de ces prestations d'interconnexion présentent des enjeux concurrentiels importants pour les opérateurs de boucle locale. En effet, pour un opérateur de boucle locale, la charge d'achat de la terminaison d'appel aux opérateurs concurrents, et en premier lieu France Télécom pour un opérateur alternatif, détermine dans une certaine mesure les tarifs qu'il peut offrir à ses propres abonnés pour les appels vers les abonnés des autres réseaux. Inversement, la vente de cette prestation sur leur propre réseau aux opérateurs concurrents détermine également dans une certaine mesure le niveau des tarifs qu'ils peuvent proposer à leurs abonnés pour les appels vers leur réseau.
Cette situation donne lieu à des négociations nécessairement difficiles pour la définition des niveaux de ces tarifs (cf. nombre important de règlements de différends déposés à ce sujet depuis 1998 : en 1999 entre les sociétés Cegetel Entreprises et France Télécom, fin 2001, entre les sociétés UPC France et France Télécom, en 2003, entre les sociétés Estel, Completel, UPC et France Télécom), chaque opérateur pouvant être tenté d'augmenter ses propres tarifs de terminaison d'appel pour maximiser les revenus qu'il tire de la facturation de cette prestation à ses concurrents afin d'augmenter sa compétitivité sur le marché et, en même temps, de défavoriser les tarifs de ces derniers.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère que les marchés tels que définis ci-dessus doivent être déclarés pertinents au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques.
Pour mémoire, ces marchés sont les suivants :
- le marché de gros des prestations de départ d'appel fournies sur des accès en position déterminée, sur le territoire d'analyse ;
- le marché de gros des prestations de transit intra territorial sur le territoire d'analyse ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Martinique ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guadeloupe ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guyane ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Réunion ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et Mayotte ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Martinique ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Guyane ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Martinique et la Guyane ;
- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Réunion et Mayotte ;
- le marché de gros de la terminaison des appels à destination de numéros géographiques sur le réseau de France Télécom.