L'ensemble de ces facteurs amène l'Autorité à considérer que l'extension géographique du dégroupage sur la période couverte par la présente analyse de marché dépendra en grande partie de l'existence, de la qualité technique et du tarif de l'offre de France Télécom permettant aux opérateurs alternatifs de raccorder les répartiteurs distants des réseaux de collecte déjà déployés.
Ces sites distants, intéressant les opérateurs au titre du dégroupage, et rentables selon le premier critère évoqué ci-dessus, mais dont l'équipement est freiné par les coûts liés à l'extension du réseau de collecte des opérateurs, sont typiquement ceux nécessaires pour compléter la couverture d'un opérateur dans une agglomération donnée : ils sont situés dans ou proche d'une agglomération dans laquelle le dégroupage est déjà partiellement présent.
L'Autorité note qu'une prestation permettant aux opérateurs alternatifs de raccorder les répartiteurs distants de leur réseau de dégroupage, dénommée POP-NRA (4), figure d'ores et déjà à l'offre de référence dégroupage publiée par France Télécom en tant que prestation associée à l'accès. Une autre offre poursuivant le même objectif, Multi-NRA, est fournie par France Télécom à un opérateur pour raccorder les répartiteurs distants de son réseau de collecte.
L'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom de formuler une offre de raccordement des sites distants au point de présence de l'opérateur alternatif dans le cadre de l'offre de référence dégroupage pour la période couverte par la présente analyse de marché. France Télécom pourra limiter techniquement la longueur de raccordements proposés, de manière cohérente aux besoins tels qu'identifiés dans le tableau ci-avant. France Télécom pourra en outre limiter la disponibilité du service suivant les caractéristiques des répartiteurs concernés, par exemple en fonction du nombre de lignes du répartiteur.
Il convient de noter que cette obligation poursuit le même but que l'obligation de donner un accès dégroupé à la boucle locale, et est nécessaire pour permettre à l'opérateur de mettre en oeuvre effectivement le droit à l'accès dégroupé à la boucle locale prévu par la présente décision.
A cet égard, la Commission européenne précise, dans sa recommandation sur les marchés pertinents susvisée, qu'en l'absence de concurrence effective sur un marché recensé, « il peut être nécessaire d'imposer plusieurs obligations pour parvenir à une solution globale du problème. [...] Si on estime que des mesures correctrices particulières s'imposent pour un segment technique donné, il n'est ni nécessaire ni opportun, pour y imposer des obligations, de recenser chaque segment technique comme étant un marché pertinent. On peut citer, par exemple, le cas où une obligation de fournir un accès dégroupé à la boucle locale est complétée par des obligations connexes concernant l'accès aux installations de colocalisation. (5) »
Une telle obligation apparaît en effet comme une condition nécessaire de l'extension du dégroupage au-delà des zones denses où il est présent aujourd'hui. Elle répond ainsi aux objectifs d'exercice d'une concurrence effective et loyale entre opérateurs, tout en prenant en compte l'intérêt des territoires et utilisateurs, objectifs cités dans l'article L. 32-1 du code. En outre, en l'absence de mesures moins contraignantes permettant d'atteindre le même objectif, l'obligation imposée à France Télécom n'est pas disproportionnée.
Par ailleurs, les critères évoqués par l'article L. 38-V du code sont également respectés par cette obligation : elle ne contraint pas France Télécom à investir spécifiquement et de façon risquée pour les opérateurs, puisqu'il s'agit au contraire de leur donner accès aux ressources existantes. En outre, sur une grande majorité des répartiteurs, la mise en place de ressources concurrentes au réseau de France Télécom n'est pas viable économiquement, comme cela a été mis en évidence ci-dessus ; si l'intervention des collectivités peut répondre à cette problématique sur certaines zones du territoire, elle reste à ce jour circonscrite et le réseau de France Télécom reste dans la majorité des cas incontournable. Enfin, le dégroupage de la boucle locale est l'offre permettant le plus aux concurrents de France Télécom de se différencier et d'innover ; ainsi, permettre l'extension géographique du dégroupage est nécessaire pour préserver la concurrence à long terme.
Par conséquent, il est justifié et proportionné d'imposer une telle obligation de raccordement au titre de la présente décision portant sur le dégroupage de la boucle locale cuivre, en tant que ressource associée à l'accès et non sur un marché spécifique.